
Carine CHAVAROCHETTE
Anthropologie et sociologie du travail – Espaces – Organisation du travail
Anthropologue, chercheur associée au CREDA CNRS (Centre de recherche et de documentation sur les Amériques), spécialiste des questions environnementales, chargée de cours dans différentes universités françaises et étrangères depuis 2004. Co-animatrice du think lab d’E&P (2016-2018) : publications, productions multi-média, responsable du pôle chercheurs, organisation d’ateliers de brainstorming et de conférences, immersions-observations en entreprise sur les questions du travail. Poursuit ces activités à travers la Smart Factory depuis 2019.
Quoi de neuf
Economie circulaire et enjeux pour les DRH
Aurélien Acquier, professeur de Strategy et Sustainability à l’ESCP, co-directeur de la chaire sur l’économie circulaire, nous explique comment celle-ci impacte directement l’activité des métiers RH. Au-delà de la mise en place de formations internes de sensibilisation et d’alignement des dirigeants par exemple, ce concept invite les DRH à sortir du périmètre classique de l’entreprise pour réfléchir aux impacts sur l’ensemble de l'éco-système dans lequel elle se trouve.
Corpoworking : vers de nouveaux modes d’espaces de travail ?
Pour une nouvelle organisation du travail
La digitalisation a impulsé la mise en place de nouveaux lieux de travail et de management comme le coworking, le corpoworking ou le coliving (sur le principe de la colocation, le locataire dispose d’un espace de vie privé et d’espaces partagés de coworking). Les expérimentations réalisées dans ces différents lieux interrogent, entre autres, la performance sociale des personnes. Pour des sociologues comme Benedetto-Meyer et Boboc (2021), les espaces de coworking renvoient à une organisation du travail spécifique où différents salariés se regroupent dans un même espace de bureaux afin de développer de nouvelles relations et échanges. Ces travailleurs peuvent appartenir à la même entreprise ou non. Brechignac (2017) propose quant à elle une définition du corpoworking : « Un espace de corporate coworking est un espace de coworking créé par une entreprise, à l’intérieur ou à l’extérieur de ses locaux, pour ses salariés. Le lieu est, dans certains cas, également ouvert à des utilisateurs externes. Il convient de distinguer les espaces de corporate coworking des incubateurs de start-ups créés par des entreprises, des "co-locations d’entreprises", des espaces de travail aménagés en flex office « dans le style du coworking », des innovation labs et des fablabs d’entreprise. » Nagy et Lindsay (2018) recensent deux types de corpoworking :- open houses (les organisations proposent des espaces de travail ouverts à l’extérieur pour développer leur marque) ;
- campsites (réservés et temporaires, uniquement sur invitation de l’entreprise, où des équipes de salariés partagent un espace avec des pairs d’autres entreprises ou des freelances, ex. la Villa Bonne Nouvelle à Paris).
Pour de nouvelles sociabilités professionnelles
La mise en place de tiers lieux vient également répondre à l’isolement de certaines personnes. En effet, le full remote ayant ses limites, la possibilité de rejoindre, une à deux fois par semaine par exemple, un lieu physique et un espace d’échanges en présentiel renforce le sentiment d’appartenance à un corps social. Ainsi, depuis plusieurs années, les collectivités locales, d’un côté, les grandes entreprises, de l’autre, développent des espaces de coworking afin d’utiliser des bâtiments vacants, de redynamiser des territoires, de limiter les mobilités des personnes mais aussi de lutter contre l’isolement. Les premières s’adressent plutôt à des indépendants, des entrepreneurs, voire des salariés de petites entreprises. Les secondes transforment des bâtiments vacants inutilisés mais surtout tournés vers leurs salariés. Même si des start-ups ou des freelances sont invités à candidater pour une saison, ces lieux doivent permettre aux salariés de l’organisation d’expérimenter, de se familiariser avec de nouveaux outils et modes de travail afin de promouvoir de nouveaux modes de fonctionnement, notamment sur le plan managérial (voir à ce sujet la dernière publication E&P Barbier et O’Donnell 2021). Boboc et al. (2014) distinguent quatre stades de sociabilité dans les espaces de coworking :- partage d’un code culturel minimal et d’une sociabilité élémentaire ;
- sentiment d’appartenance à un même espace ;
- émergence de collectifs de type réticulaire ou inscription dans des collectifs préexistants ;
- collaboration autour de projets communs (plus rare dans les faits).
Conclusion
Quoi qu’il en soit, ces nouveaux espaces de travail fonctionnent si chaque individu parvient à s’emparer de ces lieux et à inventer de nouvelles manières de travailler avec le soutien de son management de proximité. En outre, les espaces de coworking et corpoworking demeurent des lieux réservés à certains métiers puisque tous les salariés ne peuvent y exercer leur activité. L’une des questions en suspens demeure dès lors : comment ne pas créer de nouvelles dualités ? Nagy et Lindsay (2018) suggèrent à cet égard trois conseils à toute entreprise désireuse de se lancer dans le corpoworking :- Be clear about your goals at the outset ;
- Community managers are the key to success ;
- Don’t overthink the design.
Bibliographie
- Benedetto-Meyer, M. & Boboc, A. (2021). Chapitre 3. Numérique et transformations des espaces et des temporalités au travail. Dans M. Benedetto-Meyer & A. Boboc (Dir), Sociologie du numérique au travail, 63-98. Paris. Armand Colin.
- Boboc A. , Bouchareb K., Deruelle V. et Metzger J.-L. (2014). « Le coworking: un dispositif pour sortir de l’isolement ? ». SociologieS, Théories et recherches. https://doi.org/10.4000/sociologies.4873
- Bréchignac, B. (2017). Corporate coworking: « hacker » le travail ? Sociologies pratiques, 34, 93-101. https://doi.org/10.3917/sopr.034.0093
- Canivenc, S., Cahier, M.-L. (2021). Le travail à distance dessine-t-il le futur du travail?. Presses des Mines.
- Nagy G., Lindsay G. (2018). Why Companies Are Creating Their Own Coworking Spaces. Harvard Business Review https://hbr.org/2018/09/why-companies-are-creating-their-own-coworking-spaces
Gérer le fait religieux en entreprise
Introduction
Dans le cadre des politiques de diversité et de la lutte contre les discriminations en entreprise, le fait religieux en entreprise est particulièrement observé depuis deux décennies. Chercheurs, observatoires, parlementaires et instituts analysent l’évolution des pratiques dans les organisations. En effet, le fait religieux impacte les relations de travail et son organisation. Les nouvelles recommandations de l’institut Montaigne (2021), les travaux de chercheurs (Benaissa, 2019 ; Guillet, 2020 ; Maillard, 2020) ou les directives du nouveau Comité interministériel de la laïcité (publication annoncée fin 2021 d’un nouveau guide du fait religieux en entreprise privée) cherchent à apporter des réponses pratiques à l’application du principe de laïcité dans les relations de travail. Rappelons que la liberté religieuse est admise dans les entreprises privées (exceptées celles ayant une mission de service public). Après avoir signalé les principales évolutions du fait religieux en entreprise et en France depuis 2020, nous aborderons le rôle du management de proximité dans cette gestion du fait religieux et enfin l’un des outils pouvant les accompagner dans ce rôle : la formation. Comment mieux encadrer l’expression du fait religieux en entreprise ? Quel est le rôle de la fonction RH ? Comment peut/doit-elle accompagner le management de proximité ?Evolution du fait religieux en entreprise 2020-2021, ce qu’il faut retenir
Voici quelques éléments clés mis en lumière par l’édition 2020-21 du baromètre de l’Institut Montaigne.Toutes les entreprises sont concernées
Le fait religieux s’observe dans des entreprises de toutes tailles avec une concentration dans les secteurs de l’industrie, du transport, de la logistique, du BTP, du commerce et de la grande distribution ; et dans une moindre mesure dans l’automobile, l’intérim, l’informatique, l’environnement, l’agroalimentaire, l’énergie et les centres d’appels. "Dans une même entreprise, peuvent se côtoyer des situations ayant une densité[1] religieuse forte, modérée, faible et, bien sûr, des situations non concernées par les questions de religion." (p. 15)Des attitudes rigoristes en augmentation par rapport à 2019
Ce baromètre distingue les comportements admis par une large majorité de salariés (le fait de prier pendant ses pauses ou de parler religion entre collègues) des comportements qui ne le sont pas tels que le refus de réaliser des tâches, de travailler avec une personne ou de serrer la main d’une femme. Ces comportements rigoristes sont en progression par rapport à 2019 (12 % contre 8 %) et beaucoup plus observés dans des situations à densité religieuse forte (p. 48).Une question générationnelle ?
Les personnes qui expriment leur religiosité au travail se trouvent pour 34 % dans la tranche d’âge des 20 à 30 ans et pour 40 % dans les 30 à 40 ans. Ce sont davantage les hommes que les femmes. "Il est marquant que les comportements les plus problématiques et dysfonctionnels sont le fait d’hommes relativement jeunes et appartenant le plus souvent aux catégories professionnelles les moins élevées" (p .40). Ainsi Lionel Honoré (2021), chercheur en sciences de gestion et auteur du Baromètre, signale que "la question des comportements religieux problématiques et dysfonctionnels au travail a tout autant une dimension politique que religieuse" (p. 41). De son côté, le sondage Viavoice réalisé pour l’Observatoire de la Laïcité en janvier 2020[2] appuie ces observations en montrant que 61 % des 18-24 ans se déclarent attachés à la laïcité (-10 points depuis 2019), quand le sont 75 % des 50-64 ans et 87 % des 65 ans et plus. Concernant les différences selon les CSP, les cadres français (83 %) se déclarent davantage attachés à ce principe que les employés (69 %) ou les ouvriers (60 %). A noter que les premiers sont ceux qui connaissent le mieux le droit en vigueur. Mais la pratique religieuse des salariés engendre peu de conflits au travail dans la plupart des entreprises interrogées. La majorité des pratiquants, quelle que ce soit leur religion, ne laissent pas voir leur religiosité au travail et 70 % des comportements des salariés pratiquants ne perturbent pas l’organisation du travail.Le rôle des managers de proximité
Comment les acteurs de l’entreprise, et principalement les managers de proximité, interviennent-ils dans la gestion du fait religieux et de quels moyens disposent-ils ?Garants de l’organisation du travail
Ce sont les managers - et notamment les managers de proximité - qui sont concernés directement par la gestion des questions liées à l’expression du fait religieux. Ainsi, par exemple, en tant que garants de l’organisation du travail, ils ont à répondre aux demandes de congés et d’aménagement du temps de travail. Ces dernières peuvent être traitées sans heurt : ainsi, l’absence pour une fête religieuse peut être traitée comme une absence classique et ne vient pas plus perturber les relations entre collègues que l’organisation du travail. Quand c’est le cas, les managers doivent pouvoir l’expliquer objectivement. En revanche, le refus de travailler sous les ordres d’une femme, le non-respect des critères de sécurité ou d’hygiène, ou encore les conséquences induites par un port vestimentaire sur une relation commerciale ou sur les règles d’hygiène et de sécurité doivent faire l’objet d’une appréhension singulière.Demandeurs de soutien de la hiérarchie et des fonctions support
"Ce soutien de la hiérarchie et des services fonctionnels est d’autant plus important que, si la majorité des répondants déclare avoir une connaissance satisfaisante ou partielle des règles de droit et de la ligne directrice de leur entreprise, ce n’est pas le cas pour plus d’un tiers d’entre eux." (p.64) "De plus en plus d’entreprises incluent des dispositions relatives au fait religieux dans leur règlement intérieur, notamment celles rencontrant des situations marquées par une forte densité religieuse." (p. 58). En effet, depuis la loi travail de 2016, les organisations ont la possibilité d’inscrire dans leur règlement intérieur des éléments précisant les conditions de l’expression religieuse, politique et philosophique au travail. D’autres entreprises, par l’intermédiaire de la fonction RH, ont développé des chartes permettant de rappeler à leurs salariés ce qui était autorisé ou non et/ou de rappeler les principes de laïcité de la Constitution française. D’autres enfin se sont dotées de guides pratiques à l’égard des managers ou des RH.Mises à disposition de guides pratiques
Le Guide pratique du fait religieux à l’usage des managers et des responsables de ressources humaines[3] de cette entreprise industrielle reprend des situations concrètes qui mettent en cause le fonctionnement des équipes et la bonne marche de l’entreprise. Chaque situation est analysée à travers les trois questions suivantes :- Son auteur met-il ou elle en danger la sécurité, l’hygiène ou la santé de ses collaborateurs ou la sienne ?
- Enfreint-il/elle les obligations de son contrat de travail ou le règlement intérieur ?
- Restreint-il/elle les libertés et droits des autres salariés ?
Un outil de gestion du fait religieux en entreprise : la formation
Le recours aux guides, chartes et autres éléments de règlements intérieurs ne suffit cependant pas à permettre aux managers de gérer efficacement et le plus sereinement possible les questions du fait religieux dans leur équipe.De la formation des managers de proximité à la gestion du fait religieux
Comme le montre Hicham Benaissa (2019)[6], "Là où la relation établie à la question religieuse était faite de tabous et de non-dits (…), gérée à la manière d’une question derrière nous, résolue par l’histoire, elle nécessite désormais, dans un contexte de lutte contre les discriminations et de promotion de la diversité, la maîtrise consciente d’un savoir managérial propre, sur lequel on est évalué et peut-être même sanctionné – et en effet il plane sur les managers la faute à la discrimination. C’est pourquoi, "se poser des questions alors qu’on ne s’en posait pas" —comme nous l’avons tant entendu— se justifie par le fait paradoxal que plus le savoir autour de la laïcité se diffuse dans le monde du travail, plus on génère des cas pratiques, appelant des interventions managériales" (p. 130). Vu la sensibilité du sujet, il importe de prendre en compte que "à travers la réappropriation de la définition juridique de la laïcité se joue dans le même temps une réinterrogation radicale de son propre rapport au religieux, et de son rapport particulier à la religion des autres" (p.130). Olivier Guillet (2020) va dans le même sens lorsqu’il propose une typologie des comportements des managers face au fait religieux[7], allant de l’inaction (laisser-faire, déni, acceptation) au compromis (accommodement, aménagement) en passant par l’apprentissage (des échecs et des réussites). Cette typologie est susceptible d’offrir "une grille d’intelligibilité à destination des managers afin de leur permettre d’élargir leur compréhension et ainsi leurs options comportementales en présence de l’expression religieuse au travail. [Elle] peut ainsi contribuer à la formation des managers – et futurs managers – et au développement de leurs compétences, mais aussi apporter des outils permettant d’améliorer leur accompagnement" (p. 215). Les formations à mettre en place devant répondre à ces deux objectifs — réglementaire et comportemental — pourront prendre diverses formes telles que les groupes d’échanges de pratiques, qui permettent notamment aux participants de constater que d’autres sont confrontés aux mêmes problématiques ; elles pourront également consister en des séances de co-développement autour de problématiques professionnelles que les participants sont en train de vivre.Le rôle de la fonction RH
L’entreprise, pour ses salariés comme pour ses managers, peut ainsi définir un cadre clair et cohérent (via un règlement intérieur, par exemple, permettant de définir un équilibre entre liberté religieuse - comme c’est le cas également pour la liberté politique et philosophique - et le principe de neutralité) afin de préciser ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas dans la gestion du fait religieux. La fonction RH peut également outiller les managers, grâce à des guides internes, des séminaires de sensibilisation, des formations permettant d’aborder des cas concrets. La fonction RH assure alors pleinement sa fonction de régulation des relations sociales et professionnelles à l’intérieur de l’entreprise. Enfin, elle a aussi un rôle très important de soutien au quotidien des managers de proximité car, comme l’écrit Denis Maillard (2020)[8], "les problèmes auxquels sont confrontés les managers de proximité ne remontent que très peu vers les chefs d’entreprise. À cela deux raisons : d’un côté, la majorité des cas n’étant pas problématiques, les encadrants les maîtrisent sans être obligés d’en parler autour d’eux ; d’un autre côté, on doit y voir également une coupure entre ce qui fait la réalité quotidienne des managers et celle de leurs dirigeants. Non seulement il est difficile de discuter religion dans l’entreprise, mais surtout il semble que l’auto-censure caractérise ces encadrants de terrain dès qu’il s’agit de faire remonter leurs difficultés face aux manifestations de la croyance". La fonction RH peut donc relayer ce qui est vécu sur le terrain auprès des directions générales. Conclusion Le Baromètre (2021) rappelle que la perception des comportements religieux au travail est plutôt neutre ou positive et "rarement négative", et relève des faits "peu perturbateurs" dans leur grande majorité. Toutefois, "les comportements rigoristes sont plus fréquemment repérés cette année par rapport à 2019, et ils sont plus fréquents dans les situations à densité religieuse forte." (p. 42). Ainsi la situation dans laquelle s’exprime le fait religieux est importante : densité religieuse plus ou moins importante, degré de répétition d’une même situation, niveau de dégradation des relations interprofessionnelles ou de désorganisation du travail, degré d’outillage du management, etc. L’enjeu pour la fonction RH est bien de concilier liberté de l’expression religieuse, politique et philosophique et organisation du travail...Pour aller plus loin :
- https://epgroupe.com/actualites/les-grandes-etapes-de-la-laicite-en-france/
- https://epgroupe.com/actualites/la-laicite-dans-lentreprise-en-france/
- https://epgroupe.com/actualites/laicite-et-fait-religieux-en-france/
La cybersécurité, un sujet pour la fonction RH
La fonction RH face au défi du recrutement et de la formation
Le premier problème rencontré par le secteur de la cybersécurité est le manque de collaborateurs qualifiés. Ainsi, les DSI ne sont plus les seuls acteurs de la sécurité informatique de l’entreprise. La DRH est appelée à accompagner elle aussi une telle transformation en développant ses recrutements sur ces compétences clés (voir infographie) mais aussi en engageant un développement des compétences en interne afin de pouvoir étendre son vivier de talents. Les spécialistes en protection de données correspondant à des profils en pénurie, la fonction RH a tout intérêt à encourager la mobilité interne en s’appuyant notamment sur des cycles de formation spécifiques (security intelligence, cloud solution, data analysis, cloud security, etc.). De fait, une nouvelle politique de recrutement ciblé implique d'embaucher des personnes capables de travailler en collaboration avec d'autres pour répondre à des problèmes inconnus ou nouveaux (au-delà de la mise en place de pare-feux) et de savoir communiquer sur l’intérêt de la solution trouvée et mise en place. La cybersécurité est l’affaire de chaque collaborateur, quel que soit son métier, son niveau hiérarchique, son emplacement géographique ou son niveau de qualification. Puisque l’augmentation des budgets de cybersécurité est une priorité pour 44 % des dirigeants mondiaux[1], la fonction RH dispose ainsi d’une belle opportunité pour se lancer dans des programmes d’upskilling et de reskilling. En parallèle, des programmes originaux d’e-learning pour les managers par exemple peuvent être proposés.Quelles sont les sources juridiques entourant la sécurité des données ?
Le 23 novembre 2001, une Convention européenne a instauré un système de coopération internationale contre la cybercriminalité. Ce texte constitue la première convention pénale à vocation universelle destinée à lutter contre le cybercrime[2]. Cette convention a donné l’occasion à la France de s’outiller juridiquement sur le sujet. Ainsi, la loi du 19 mai 2005 autorise l'approbation de la convention sur la cybercriminalité et du protocole additionnel à cette convention[3]. Cette loi dote le code pénal d’un article 323-1 sanctionnant l’intrusion dans les systèmes informatiques[4]. Ensuite, la loi du 20 juin 2018 a adapté la loi « Informatique et libertés » du 6 janvier 1978 aux dispositions européennes de protection des données. Elle permet également une mise en conformité de la loi du 6 janvier 1978 avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD) du 27 avril 2016 directement applicable dans tous les pays européens depuis le 25 mai 2018. Plus récemment, la loi de programmation militaire 2019-2025 vise quant à elle à accroître les capacités de la France dans le domaine de la cyberdéfense. Le texte permet aux opérateurs de communications électroniques de mettre en place des marqueurs qui pourront être exploités lorsque l’Autorité nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI) aura connaissance d’une menace.Dans la pratique, de quelles solutions les entreprises disposent-elles contre la cybercriminalité ?
Les entreprises souhaitant lutter efficacement contre toute forme de cybercriminalité peuvent s’outiller par exemple avec :- la mise en place d’une politique de sécurité ;
- la formation et la sensibilisation des équipes à la sécurité informatique ;
- la gestion des accès aux données stratégiques de l’entreprise ;
- l’utilisation de solutions pour sécuriser les accès informatiques (pare-feux, VPN, changement régulier des mots de passe, etc.).
- la cyberattaque constitue-t-elle un risque pris en charge par la compagnie d’assurance ? ;
- des responsabilités peuvent-elles être engagées ? ;
- peut-on porter plainte au pénal ? ;
- la cyberattaque a-t-elle violé les droits des salariés au sens du RGPD et cela suppose-t-il une notification à la CNIL dans les 72 heures ?
Quel est l’impact du RGPD au sein de l’entreprise ?
Les dispositions du RGPD s’appliquent à tout citoyen et l’entreprise doit donc respecter ce règlement lorsqu’elle récolte et gère les données à caractère personnel de ses salariés. L’article 4-1 du RGPD nous donne la définition de la notion de « données personnelles ». Elle est à comprendre de façon très large. Une "donnée personnelle" est "toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable". Une personne pouvant être identifiée directement ou indirectement (exemple : un nom, une photo, une empreinte, une adresse postale, une adresse mail, un numéro de téléphone, un numéro de sécurité sociale, un matricule interne, une adresse IP, un identifiant de connexion informatique, un enregistrement vocal, etc.). Il importe peu que ces informations soient confidentielles ou publiques. Un point d’attention : s'il est possible par recoupement de plusieurs informations (âge, sexe, ville, diplôme, etc.) ou par l'utilisation de moyens techniques divers, d'identifier une personne, les données seront aussi considérées comme personnelles. Dès lors, pour que ces données ne soient plus considérées comme personnelles, elles doivent être rendues anonymes de manière à empêcher toute identification de la personne concernée : noms masqués, visages floutés… C’est la pseudonymisation des informations. Le RGPD rappelle que les mesures de collecte des données doivent s’inscrire dans le respect des principes suivants :- présenter l’objectif poursuivi ;
- être justifiées et proportionnées au but recherché ;
- avoir une durée de conservation raisonnable ;
- permettre aux personnes concernées d’avoir accès, de rectifier et de supprimer leurs données.
- tracer les données personnelles, les systèmes qui les contiennent voire les sous-traitants qui les utilisent via un registre des activités de traitement ;
- recueillir le consentement éclairé des utilisateurs ;
- savoir qui a accédé à quoi et quand ;
- pouvoir supprimer les données dans un délai raisonnable ;
- pouvoir anonymiser (aucune identification possible) ou pseudonymiser (ex. remplacer le nom par un matricule ou un pseudonyme) toutes les données personnelles ;
- pouvoir exporter les données personnelles d’un individu afin de les lui remettre sous un format utile.
- désigner un DPO (délégué à la protection des données) qui veillera à contrôler le respect du RGPD, conseiller les collaborateurs et coopérer avec l’autorité de contrôle ;
- recenser les traitements de données personnelles et les intégrer à un registre créé à cet effet :
- tout organisme de plus de 250 salariés doit tenir un tel registre ;
- le registre doit préciser : les finalités du traitement, la description des catégories de personnes concernées par le traitement des données, les catégories de destinataires auxquels les données personnelles ont été ou seront communiquées, le délai de conservation et la description des mesures de sécurité utilisées.
- s’assurer de la licéité de ces traitements : l’enjeu est de faire reposer le dispositif de surveillance sur un intérêt légitime pour l’entreprise ;
- respecter les droits des personnes concernées : droit à l’information, droit d’accès à l’image, droit de rectification, droit à l’oubli ;
- analyser les risques liés à ces traitements et y remédier via une analyse d’impact : ce sera le cas lorsqu’un type de traitement est susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes physiques. Le responsable du traitement devra alors effectuer, avant le traitement, une analyse de l’impact des opérations de traitement envisagées sur la protection des données personnelles ;
- savoir réagir en cas de violation de données : le responsable du traitement doit documenter toute violation de données personnelles en indiquant les faits concernant la violation, ses effets et les mesures correctives prises ; il doit ensuite informer la CNIL de la violation dans les 72 heures après en avoir eu connaissance ;
- se préparer à un contrôle de la CNIL : le DPO doit prévoir la procédure en cas de contrôle inopiné de la CNIL ; il doit également sensibiliser le personnel aux dispositions du RGPD par le biais de formations.
Adopter une cyber posture
Selon une récente étude PwC (2021) : « Cyber risk quantification is not for the fainthearted, with many obstacles in the way: lack of a widely accepted model, lack of people who understand cyber and risks from a business lens, and lack of scalability. Nevertheless, nearly 60% are beginning to quantify risks or have implemented at scale.[5] » Le fait que 95 % des cyberattaques sont issues d’une erreur humaine[6] (voir infographie) favorise la prise de conscience des entreprises et conforte le rôle de la fonction RH pour accompagner ce changement de culture dans les différentes unités – et pas seulement bien évidemment dans les DSI. Au-delà de la protection des processus et des technologies utilisées par l’entreprise, les collaborateurs doivent apprendre à protéger leurs données numériques sensibles (client, fournisseur, données personnelles) ainsi que celles de l’entreprise (brevet, trésorerie, etc.). Chaque salarié de l’organisation est concerné par ce sujet en tant qu’auteur ou victime potentielle : la vigilance de tous est le premier rempart de la cybersécurité. Pour l’obtenir, il s’agit d’y sensibiliser sans relâche les salariés, les plus anciens comme ceux qui arrivent, de les aider à échapper à une certaine routine qui peut faire baisser la garde concernant l’attention à porter à ces risques et de contrer la tendance à accorder une trop grande confiance à la capacité des machines à gérer ces risques. Il est question ici de la répartition des responsabilités entre la personne et le robot qui doit être régulièrement interrogée[7]. D’un côté, la DRH doit informer ses salariés sur les dangers – éventuellement communiquer sur des épisodes vécus de cyberattaque –, lister les risques (utilisation de site non sécurisé, ordinateur allumé 24h/24, partage de données confidentielles, etc.) et, d’un autre côté, les sensibiliser à l’adoption de bonnes pratiques et de bons réflexes. Ce qui est loin d’être évident, comme le montre une étude australienne consacrée au mauvais accueil réservé à des formations en cybersécurité[8]. La fonction RH est, d’une part, la cible idéale des hackers en raison de la confidentialité de ses données ; et d’autre part, le pilote de la prévention des risques de cybersécurité provoqués par les salariés eux-mêmes. La multiplication des réunions virtuelles, le stockage des données sensibles sur le cloud favorisent la cybercriminalité et les pratiques de hameçonnage ou d’usurpation d’identité par exemple (phishing). Adopter une cyber posture professionnelle, c’est aussi détecter les emails frauduleux comme nous le faisons dans notre vie privée, ne pas prêter son matériel informatique professionnel à son cercle familial, verrouiller l’écran après un temps d’inactivité court, prévenir le RSSI ou DPO de tout message frauduleux ou de toute suspicion, mettre à jour régulièrement les logiciels de sécurité ou encore, lors des journées en télétravail, couper ses objets connectés du domicile dans le cas d’appels téléphoniques confidentiels. Ainsi services RH et DSI peuvent tous les deux sensibiliser les collaborateurs à la cybercriminalité et diminuer les risques d’attaques. [1] PwC, Global Digital Trust Insights Survey 2021. [2] http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl04-248.html [3] Loi n°2005-493 du 19 mai 2005, publiée au JO du 20 mai 2005. [4] Article 323-1 du Code pénal : « Le fait d'accéder ou de se maintenir, frauduleusement, dans tout ou partie d'un système de traitement automatisé de données est puni de deux ans d'emprisonnement et de 60 000 € d'amende Lorsqu'il en est résulté soit la suppression ou la modification de données contenues dans le système, soit une altération du fonctionnement de ce système, la peine est de trois ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende. Lorsque les infractions prévues aux deux premiers alinéas ont été commises à l'encontre d'un système de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par l'Etat, la peine est portée à cinq ans d'emprisonnement et à 150 000 € d'amende ». [5] PwC, Global Digital Trust Insights Survey 2021, p. 13. [6] 2021 Thales Data Threat Report https://cpl.thalesgroup.com/data-threat-report [7] Elish, M.C.( 2019), Moral Crumple Zones: Cautionary Tales in Human-Robot Interaction (pre-print), March, Engaging Science, Technology, and Society (pre-print), Available at SSRN: https://ssrn.com/abstract=2757236 or http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.2757236 [8] Reeve A., Calic D., Delfabro P.( 2021), « “Get a red-hot poker and open up my eyes, it’s so boring” : Employee perceptions of cybersecurity training », Computers & Security Volume 106.Arrêt sur image après 1 an d’e-recrutement et d’e-onboarding : quel bilan ?
- Quels ont été et sont les choix des équipes RH dédiées en matière d’outils, de pratiques, de critères pour le recrutement et l’onboarding ?
- Comment cela a-t-il fait évoluer le cadre du recrutement et de l’intégration de nouveaux collaborateurs ?
Pour accéder au replay cliquez-ici
Personnes en situation de handicap : où en sommes-nous dans les entreprises ?
Pour aller plus loin
- Bruneau C. & Ménestrier E. (mai 2020). Emploi des personnes handicapées et performance des entreprises. Note d’analyse n°90. France Stratégie. https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2020-na90-handicap-mai.pdf
- Gayraud L., Labruyère C. & Ulmann A.-L. (2008). Nouvelles activités liées à la politique d'intégration des personnes handicapées en milieu de vie ordinaire, CEREQ, 45.
- Richard, S. & Barth, I. (2017). Entre attentes et réalités : une analyse des conséquences de la révélation légale du handicap en entreprise. Management & Avenir, 6(6), 15-37. https://doi.org/10.3917/mav.096.0015
- TEF, édition 2020 – Insee Référence.
La vaccination en entreprise à l’heure de la lutte contre la Covid-19
La vaccination en entreprise : obligatoire ou recommandée
L’article L 3111-1 du Code de la santé publique prévoit que « la politique de vaccination est élaborée par le ministre chargé de la Santé ». Ainsi, seul le législateur peut rendre une vaccination obligatoire. En entreprise, la vaccination est abordée par l’article R 4426-6. Le médecin du travail peut proposer ou pratiquer lui-même un certain nombre de vaccins dans un but de prévention des risques[2]. Les vaccinations sont alors de deux types :- obligatoires en vertu d’une disposition du Code de la santé publique, liées à l’exercice de certaines professions (vaccination contre l'hépatite B, la diphtérie, la polio …) ;
- recommandées par l’employeur sur proposition du médecin du travail.
La vaccination contre la Covid-19 : une vaccination non obligatoire
Les modalités de participation des services de santé au travail à la vaccination contre la Covid-19 sont définies par le Protocole précité. Ainsi, au sein des SST, ce sont uniquement les médecins du travail volontaires qui sont amenés à vacciner des salariés. Tout comme les médecins de ville, ils pourront se procurer des doses de vaccins auprès des pharmacies de leur choix. Le rôle de l’entreprise est alors d’organiser la campagne de vaccination et d’informer sur ses conditions. La campagne devra toucher l’ensemble des salariés de l’entreprise, y compris ceux en activité partielle par exemple, tout en faisant mention du ciblage de la stratégie nationale (personnes de 50 à 64 ans inclus, atteintes de comorbidités, à ce stade de la campagne). L’entreprise ne pourra pas contacter directement et individuellement les salariés potentiellement concernés par une vaccination. C’est ensuite au salarié lui-même qu’il appartiendra de prendre rendez-vous auprès du service de santé au travail. Selon les cas, il pourra éventuellement être contacté personnellement par le médecin du travail, qui, connaissant son état de santé, lui proposera la vaccination. Le médecin du travail doit vérifier que le salarié est bien prioritaire au vaccin. Si le médecin ne connaît pas le salarié, il est souhaitable que ce dernier se rende à la visite avec son dossier médical établissant qu’il fait partie du public prioritaire. En effet, si tout salarié peut prendre un rendez-vous auprès de la médecine du travail, le protocole précise que « le médecin du travail doit vérifier l’éligibilité du salarié à la vaccination ».Le secret médical
Dans tous les cas, le médecin du travail, tout comme le médecin de ville, est tenu au strict respect du secret médical[3]. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris. Tout doit être mis en œuvre pour respecter la confidentialité des vaccinations. En tout état de cause, le salarié est libre de sa décision de se faire vacciner ou non, cette vaccination reposant sur le principe du volontariat. Toujours dans un souci de garantir la confidentialité et le respect du secret médical, la DGT[4] recommande que les vaccinations aient lieu dans les locaux du SST. Le rendez-vous pris par le salarié n’engendre aucune dépense pour lui ou pour son employeur. En effet, la vaccination est prise en charge par la cotisation annuelle versée par l’employeur au SST et couvrant l’ensemble des visites médicales (visite d’embauche, visite périodique, vaccination, etc.). Lorsque le salarié souhaite se faire vacciner par le SST, il n’est autorisé à s’absenter que durant ses heures de travail. Aucun arrêt de travail n’est alors nécessaire et l’employeur ne peut s’opposer à son absence. Pour l’employeur, le salarié s’absente alors pour une visite périodique, sans précision du motif de la consultation. A l’inverse, lorsque le salarié ne souhaite pas passer par le SST, il n’existe pas d’autorisation d’absence de droit, bien que les employeurs soient fortement incités par le gouvernement à faciliter l’accès des salariés à la vaccination. En cas d’effets indésirables, le Ministère du Travail a précisé[5] que « la réparation intégrale des accidents médicaux imputables à des activités de soins réalisées à l’occasion de la campagne vaccinale anti-Covid 19 est assurée par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam) ». Le cas échant, le salarié devra adresser sa demande directement à l’Oniam.Le point de vue du droit sur la pratique de vaccination en entreprise (regard de Me Jamila El Berry)
Le médecin du travail doit recueillir le consentement du salarié à la vaccination. En théorie, compte tenu du secret médical absolu, l’employeur n’est pas censé disposer de cette information. En réalité, l’employeur peut déduire de façon logique si le salarié est vacciné ou non. D’une part, parce que les salariés prioritaires et éligibles à la vaccination peuvent être actuellement facilement identifiables (plus de 50 ans) et d’autre part si le médecin du travail préconise des aménagements de poste à la suite d’une visite-médicale, l’on pourrait présupposer une contre-indication médicale à la vaccination ou un refus de se faire vacciner malgré la réalité du risque auquel le salarié reste exposé. Par ailleurs, en cas de contestation de l’avis du médecin du travail ou en cas de contentieux lié à la reconnaissance d’une pathologie professionnelle ou à caractère professionnel en lien avec une exposition à la COVID, le débat contradictoire conduira inévitablement l’employeur à accéder aux données médicales. Finalement, le secret médical « absolu » est voué à disparaitre pour des raisons de bon sens. La crise sanitaire et l’impératif de santé publique ont accéléré ce nouveau paramétrage. L’accès à certaines données médicales, notamment la question vaccinale, sera accessible via le passeport sanitaire dont on ignore, à terme, qui sera le destinataire de l’information... Dans le même ordre d’idée, la proposition de loi sur la santé au travail prône le secret médical mutualisé via le « dossier médical partagé », lequel contient tout l’intégralité du suivi médical du salarié. Le médecin du travail pourrait y avoir accès, en ségréguant les informations exclusivement utiles au suivi professionnel. La loi devrait préciser les contours de cette possibilité, dont l’enjeu est essentiel. Quelles recommandations pour un employeur dans le cadre de la vaccination contre la Covid-19 ?- Soit le salarié accepte la vaccination ;
- Soit il la refuse et le médecin pourra proposer un aménagement du poste. Le salarié sera déclaré apte avec restrictions de poste (télétravail le plus souvent), ou inapte.
Le point de vue de la médecine du travail sur les conditions de la vaccination
« La médecine du travail est au cœur des dispositifs de lutte contre la pandémie. La vaccination sera l’une des réponses les plus importantes à l’épidémie (Docteur C. Dumon, CMIE Paris). » Les professionnels de la santé au travail sont reconnus comme des professionnels de la vaccination. Tous les ans, ils injectent des doses contre la grippe saisonnière à des milliers de salariés qui en font la demande. Les centres de santé au travail inter-entreprises disposent de locaux adéquats, de personnel (médecin, infirmier, administratif) pouvant procéder à cette campagne. Pour vacciner, il faut un secrétariat, un frigo aux normes, des infirmières, et surtout des doses de vaccin. Chaque flacon Astra Zeneca contient 10 doses de vaccin ; une fois le flacon ouvert, les 10 injections doivent se réaliser dans la journée. C’est pourquoi l’organisation des plannings est cruciale afin de ne pas perdre de dose[6]. Quoi qu’il en soit, le Docteur C. Dumon précise que « les plannings de vaccination de salariés volontaires sont pleins », ce que confirment également des DRH d’entreprises françaises[7]. Rappelons que les vaccins sont fournis gratuitement par l’Etat et que le rendez-vous vaccinal n’engage pas un coût financier supplémentaire pour l’entreprise (voir infra).Chez nos voisins allemands
En Allemagne, le rôle de la médecine du travail dans la vaccination des populations est différent. Depuis plusieurs semaines, dans une volonté d’accompagner l’action gouvernementale, des entreprises allemandes (Allianz, Adidas, Deutsche Telekom, Siemens, etc.) ont mis à disposition leurs médecins du travail (entre 15 000 et 20 000 personnes) auprès du gouvernement fédéral pour pratiquer les injections. Salariés comme non-salariés pourraient ainsi bénéficier de ce type de campagne de vaccination. Les questions de reporting et de responsabilités en cas d’effets secondaires n’ont pas encore été tranchées.Les conditions de la vaccination : l’appui RH
La vaccination ne concernant pas pour l’instant tous les salariés, la DRH peut mener une stratégie de communication ciblée auprès des collaborateurs de plus de 50 ans à forte comorbidité ou à l’inverse opter pour une diffusion de cette communication auprès de l’ensemble des salariés, chaque entreprise pouvant adapter sa communication. Toutefois, la campagne d’information doit mentionner que cette vaccination repose sur le principe du volontariat. Certaines entreprises peuvent également faire le choix de contacter les salariés de plus de 50 ans à forte comorbidité par le biais des services de médecine du travail afin de cibler directement les personnes les plus vulnérables. Au-delà d’être les garants du respect médical, « l’employeur n’a pas à connaître le dossier médical et vaccinal du salarié », nous explique le Docteur C. Dumon, « les services RH sont la pierre angulaire de la vaccination en entreprise en tant qu’interlocuteur de la santé au travail et interface avec les salariés ». Ce processus a débuté le 25 février dernier ; il a été interrompu avant de rependre. Il s’inscrit dans la volonté de vaccination à l’échelle nationale, pour autant que les doses soient disponibles. La stratégie vise à éviter les formes graves et à cibler les salariés à fortes comorbidités, souvent en arrêt maladie chez eux ou en télétravail. L’enjeu est de faire revenir au travail les personnes vulnérables. Toutefois, cette stratégie de vaccination en entreprise est une des solutions envisagées car le vaccin n’est pas obligatoire à ce jour. Il y a un vrai enjeu en termes d’accompagnement du retour au travail des personnes vulnérables. Ces campagnes de vaccination donnent ou redonnent une place nouvelle aux RH. Comment accompagner les salariés sur le plan de la santé au travail ? Comment donner des ressources aux managers ? Et surtout comment replacer le lien humain au centre de l’organisation du travail ? [1] Note DGT du 16 février 2021 relative au protocole pour la vaccination par les médecins du travail au moyen du vaccin Astra Zeneca. [2] En pratique, les textes en vigueur permettent aux infirmiers en santé au travail de réaliser la vaccination contre la Covid-19, à condition que le vaccin ait été prescrit par un médecin et qu’un médecin puisse intervenir à tout moment lors de l’acte de vaccination. Des éléments complémentaires sont disponibles dans les fiches et les Q/R du site du ministère des Solidarités et de la Santé. [3] Articles L 1110-4, R 4127-4 et R 4127-95 du Code de la santé publique. [4] Cf. Protocole précité du 16 février 2021. [5] Précisions apportées par la fiche Questions/Réponses du ministère du Travail sur la vaccination des salariés par les services de santé au travail du 15 mars 2021. [6] Cf. https://www.aefinfo.fr/depeche/647028 [7] S. Poullennec, « Axa, BNP, Veolia lancent la vaccination contre le Covid en entreprise », Les Echos, 11 mars 2021.Déconnexion : où en sommes-nous en mars 2021 ?
- d’une part, aux négociations annuelles obligatoires existantes, vient s’ajouter un volet QVT et égalité professionnelle, intégrant le droit à la déconnexion ;
- d’autre part, l’obligation de négocier ou d’établir une charte relative au droit à la déconnexion est également édictée.
Pour aller plus loin
- Greenan N., Sardas J.-C. & Ughetto P. (2020). Organiser la déconnexion ? Travail intense et articulation des temps et des espaces dans les activités de conception d’un groupe automobile. Temporalités, 31-32, 1-24.
- Jauréguiberry F. (2019). Désir et pratiques de déconnexion. Hermès, La Revue, 98-103.
- https://epgroupe.com/actualites/lhyper-connexion-des-risques-daggravation-des-idees-daction/
- https://epgroupe.com/etudes/droit-a-la-deconnexion/
Montée du stress dans les entreprises : focus sur les dirigeants
Gérer l’incertitude
Depuis bientôt une année, les dirigeants d’organisation doivent faire face à des réorganisations du travail, des interruptions dans leur chaîne de production ou de logistique, des problèmes de liquidités, de nouvelles mesures sanitaires et légales. En même temps, ils doivent pouvoir rester à l’écoute des signaux faibles, provenant de leurs salariés, des représentants du personnel mais aussi des clients et fournisseurs. Dans cet environnement exceptionnel, comment peuvent-ils encore anticiper, identifier les enjeux forts de demain ? Il est communément admis que tout dirigeant doit gérer le risque et l’incertitude. La maîtrise du risque renvoie à des circonstances similaires et connues, tandis que celle de l’incertitude renvoie à la nature de facteurs inconnus, imprévisibles. Depuis mars dernier, les dirigeants sont plus face à la gestion de l’incertitude que du risque. Dans ce contexte, Silberzahn (2020) conseille au décideur de suivre trois points clés pour gouverner l’incertitude :- avoir conscience des degrés d’incertitude, distinguer ce que l’on sait, ce qui est connu, de ce que l’on suppose de la situation ;
- identifier des situations analogues dont on peut s’inspirer ;
- mesurer les risques pour éviter toute décision tardive ou drastique.
- gérer son énergie de manière stratégique (le niveau de fatigue étant déjà élevé avant mars 2020) ;
- faire de la place dans son agenda pour le temps long (se donner le temps de penser demain) ;
- inclure les parties prenantes de son organisation dans les processus de prospective et d’adaptation (ce qui favorise l’engagement des équipes et donne du sens à leur mission) ;
- créer les conditions permettant à l’entreprise de faire face à l’inédit ou l’impensable (dépasser le futur « officiel » pour aller vers les futurs possibles).
Savoir réguler ses émotions
En 2017, le Rapport du Forum économique mondial propulsait l’intelligence émotionnelle au rang des 10 compétences les plus recherchées en 2020. Fin 2019, une étude de Capgemini Institute Research consacrée à l’intelligence émotionnelle déclarait que 74 % des dirigeants interrogés la percevait comme l’une des 5 compétences de demain. Les neuropsychologues et neurobiologistes ont montré depuis plusieurs décennies comment les émotions participent à la construction du raisonnement. Elles permettent aux personnes de s’adapter à leur environnement et aux modifications de celui-ci. C’est pourquoi, en temps de bouleversements imprévus, le fait de se couper de ses émotions peut altérer le raisonnement et empêcher toute bonne prise de décision (Damasio 2012, Eustache 2016, Belzung 2007). Pour les dirigeants et les managers, la gestion émotionnelle au travail s’articule en deux temps. Le premier temps consiste à identifier et nommer ses émotions au moment d’un fort stress. Identifier les symptômes tout d’abord (palpitation, picotement, sudation, trouble de la vue, etc.) et les associer aux six émotions primaires (peur, colère, joie, tristesse, peur, dégoût, surprise) voire complexes. Savoir comprendre et donc gérer ses émotions facilite l’anticipation et permet de passer à l’action. La bonne gestion des émotions facilite la planification des projets, etc. Pendant longtemps, l’écoute des émotions n’était pas valorisée comme une compétence managériale. Pourtant, l’étude Follow your Gut (2019) signale que les individus disposant d’une intelligence émotionnelle faible, c’est-à-dire peu réceptifs à leurs ressentis, prennent fréquemment des décisions inadaptées aux situations. Le second temps consiste à accepter ses émotions et à lâcher prise. « La capacité d’un dirigeant à accepter ses émotions et à faire preuve d’indulgence envers lui-même est une qualité primordiale » (Pellet-Bourgeois 2020). Différentes études ont montré comment le lâcher-prise facilite l’élaboration de stratégies, la planification ou encore renforce les capacités de concentration. Ainsi, une DRH a pu nous confié qu’après avoir ressenti de la panique, de l’anxiété à la suite d’un évènement dans son entreprise, elle est parvenue à « vivre avec », à relativiser et puis passer à autre chose.Le rôle des RH
Dans la lignée des travaux de Cyrulnik (2009), des chercheurs en neurosciences invitent les dirigeants et managers à utiliser les principes de la résilience pour élaborer leurs politiques et relever les nouveaux défis (sanitaires, sociaux, économiques, écologiques). Plus récemment, d’autres chercheurs préconisent le concept de « fraternité » en entreprise (Duez et al. 2020) ou « d’amitié » : « And yet, it always comes back to relationships. Friendship at work – whether in person or virtual – can be the difference between surviving these extremely stressful events, or burning out entirely. » (Moss 2020). Quoi qu’il en soit, la fonction RH est sollicitée en tant qu’animatrice des filières santé et prévention.Mesurer et valoriser l’intelligence émotionnelle-professionnelle
Certains services RH développent depuis quelques années des tests d’intelligence émotionnelle afin d’accompagner notamment les managers et managers de managers dans la mise en place des tactiques émotionnelles (ex. le test The Adecco Group). L’intelligence émotionnelle-professionnelle est la capacité de l’individu à diagnostiquer ses propres émotions ainsi que celles des autres dans un contexte managérial. Selon une étude menée auprès de 2 000 chefs d’entreprises de PME (2020) par l'Observatoire Amarok et le Labex Entreprendre (Amarok 2020), « le risque de dépôt de bilan impacte davantage la santé du chef d’entreprise que le risque de contracter gravement le COVID-19 ». Elle signale également que le « repos forcé des entrepreneurs » lors du premier confinement a eu un impact positif sur leur santé physique mais négatif sur leur santé mentale. A l’inverse, l’éloignement de la grande ville, de l’entreprise et des capacités de nuisance du collectif de travail ont permis à certains responsables de mettre à distance le stress personnel et de faciliter la résilience. « En période de confinement et de crise sanitaire, il a été difficile de ne pas avoir eu d’interaction mais le chez soi était un refuge. Cela m’a aidé dans le travail personnel de revenir à l’essentiel. » (manager de managers du secteur industriel) D’autres dirigeants interrogés, ont pu également quitter Paris ou la grande agglomération dans laquelle ils vivent, et déclarent avoir pu se concentrer sur le business et le sanitaire.Proposer le coaching collectif
Le sentiment de solitude du dirigeant semble lié à la possibilité de pouvoir ou non s’entourer d’un collectif bienveillant. En novembre 2020, parmi les 32 % de dirigeants ne s’étant jamais sentis seuls pendant le confinement du printemps 2020, 72 % disposaient d’un Codir ou d’un Comex (Enquête BPI France Lab, 2020). « L’un des grands enseignements de cette crise est le rôle déterminant des corps intermédiaires et des acteurs de proximité » (Amarok 2020). Les témoignages recueillis ont insisté sur cette nécessité de pouvoir échanger avec ses pairs et d’aborder entre eux cette question du stress au travail. (Voir le podcast)Parler de la détresse psychologique
La détresse psychologique en hausse chez les cadres dirigeants amène la fonction RH à réfléchir aux moyens qu’elle peut mettre en œuvre pour y faire face et pour accompagner ceux qui ont besoin d’aide. Sous le vocable de la détresse psychologique sont explorés : la nervosité, le désespoir, l’agitation permanente, la dépression, l’impression que tout est un effort ou encore le sentiment d’inutilité. « Avec mon niveau de responsabilité, on considère peut-être que je dois gérer seule mon stress. Le lundi la DRH m’a appelé pour me dire qu’un directeur voulait travailler avec moi. Je ne voulais pas aller voir les médecins de travail, ne voulais pas d’un arrêt. J’ai eu une semaine pour dire à mon équipe que je partais. Le fait que l’on me dise Untel veut bosser avec toi m’a permis de rebondir, de trouver une issue. Je n’ai pas dû démissionner. On a reconnu ma contribution à l’entreprise. » (manager de managers du secteur industriel) La prévention des risques psychosociaux demeure un enjeu pour les Directions RH, en termes d’appui aux managers. Des méthodes comme le co-développement peuvent les aider à cet égard. Cependant, le travail à distance complique inévitablement la détection des signes de RPS. Seuls 53 % des managers ont été formés à les détecter (Cegos novembre 2020). « Toute la démarche vient de moi, personne ne m’a accompagné dans l’entreprise, difficile à dire dans l’entreprise ce qui va bien ou pas. C’est le médecin généraliste qui m’a conseillé de voir un psy. Est-ce que cela sort du périmètre de l’entreprise ? » (manager de managers du secteur industriel)Conclusion
Dans une histoire de la fatigue, Vigarello (2020) rappelle que la fatigue au travail est souvent occultée, et plus encore la fatigue intellectuelle génératrice de « dommages physiologiques et nerveux ». Pourtant, les entreprises ont vu en quelques décennies se développer les arrêts pour burn-out. Prévention, communication ciblée, partage de bonnes pratiques, séances de mindfulness, coaching collectif, co-développement sont autant d’outils susceptibles d’être proposés par les services RH pour pallier les profonds changements générés par des crises comme l’actuelle pandémie. 68 % des dirigeants restent confiants pour l’avenir de leur entreprise et les actions qu’ils peuvent mener (Medef décembre 2020). Par ailleurs, l’infographie nous signale que des initiatives de lutte contre le burn-out ont été mises en place dans de nombreuses entreprises. En complément à la réflexion qui précède, vous pourrez découvrir dans le podcast lié à ce Quoi de Neuf des témoignages audio concernant les possibilités d’investissement de la fonction RH sur la gestion du stress des dirigeants. Entreprise&Personnel · Le Stress Des DirigeantsBibliographie
- Baromètre Cegos. (Novembre 2020). Climat social & qualité de vie au travail. Impact de la crise sanitaire.
- Belzung, C. (2007). Biologie des émotions. Éditions De Boeck.
- Damasio, A. (2012). L’Autre moi-même. Les nouvelles cartes du cerveau, de la conscience et des émotions. Odile Jacob.
- Empreinte Humaine-Opinion Way, Baromètre. T2 (avril 2020). Confinement et état psychologique des salariés français.
- Empreinte Humaine-Opinion Way, Baromètre. T5 (décembre 2020).Etat psychologique des salariés français et crise covid 19.
- Eustache, F. (dir.). (2016). Mémoire et émotions. Éditions du Pommier.
- Gauthier, T. & Melkonian, T. (juillet 2020). Le défi des dirigeants à l’ère du Covid-19 : savoir agir vite tout en pensant le temps long. HBR France. Consulté sur https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2020/07/30994-le-defi-des-dirigeants-a-lere-du-covid-19-savoir-agir-vite-tout-en-pensant-le-temps-long/
- Groupe VYV-Harmonie Mutuelle-CPME-Amarok. (juin 2020). Rapport étude. La santé des dirigeants adhérents à la CPME.
- Moss, J. (septembre 2020). Preventing Burnout Is About Empathetic Leadership. Consulté sur https://hbr.org/2020/09/preventing-burnout-is-about-empathetic-leadership
- Pellet-Bourgeois, G. (octobre 2020). Réguler ses émotions pour mieux décider, HBR France. Consulté sur https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2020/10/31605-reguler-ses-emotions-pour-mieux-decider/
- Qualtrics. (avril 2020). Employee Expérience. The other COVID-19 crisis: Mental health.
- Reeves, M. & Lang, N. & Carlsson-Szlezak, P. (juin 2020). Gérer votre entreprise malgré le coronavirus, HBR France. Consulté sur https://www.hbrfrance.fr/magazine/2020/06/30180-gerer-votre-entreprise-malgre-le-coronavirus/
- Smith, R. (mai 2020). How CEOs Can Support Employee Mental Health in a Crisis, Consulté sur https://hbr.org/2020/05/how-ceos-can-support-employee-mental-health-in-a-crisis
- Silberzahn, P. (mars 2020). Ce que le coronavirus nous apprend sur la gestion de l’incertitude, HBR France. Consulté sur https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2020/03/29526-ce-que-le-coronavirus-nous-apprend-sur-la-gestion-de-lincertitude/
- The Workforce Institute at UKG. (september 2020). Hindsight 2020: Covid-19 Concerns into 2021.
- Vigarello, G. (2020). Histoire de la fatigue, du Moyen Âge à nos jours. Seuil.
Café thématique – Une autre lecture de la formation à travers l’échange social
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Verdir les compétences, oui mais comment ?
Interview de Marie Vézy HR VP Global Strategy&Innovation Schneider Electric
Entreprise&Personnel · Verdir les compétences, oui mais comment ? Nous célébrons samedi 12 décembre les 5 ans de l’Accord de Paris, alors que l’année 2020 s’annonce, selon l’organisation météorologique mondiale, comme l’une des trois les plus chaudes jamais mesurées. Le climat est à nouveau au cœur de l’actualité. Qu’est-ce que cela implique pour les entreprises ? Beaucoup d’entre elles ont adopté des cibles de neutralité carbone, avec des dates et périmètres variables. Ainsi Schneider Electric vise-t-elle la neutralité carbone en 2025 dans l’ensemble de son écosystème (production directe) et en 2050 pour l’ensemble de sa chaîne logistique. Mais comment atteindre la neutralité carbone par des actions RH appropriées ? Toutes les évolutions (modification de la production, distribution, commercialisation pour économiser de l’énergie et réduire les impacts) supposent une évolution des métiers. Au-delà de la distinction entre métiers verts et verdissants (voir motion design), ce que nous disent les entreprises que nous avons accompagnées dans leur transition écologique, c’est que désormais la quasi-totalité des emplois sont impactés par la transition écologique, parce que la quasi-totalité des entreprises sont appelées à revoir leur modèle d’affaire. Ci-dessous trois exemples. Alors qu’on aurait pu imaginer l’activité bancaire épargnée – elle ne figure pas parmi les listes activités verdissantes – une coordonnatrice RH à la Société Générale nous explique que l’ensemble des métiers au sein de la banque est désormais concerné. Il s’agit d’intégrer la dimension RSE dans le business et dans les actes de gestion quotidiens, à savoir, créer, placer, gérer des produits en prenant en compte leurs impacts écologiques et sociétaux. La société procède actuellement à un recensement de toutes les formations et initiatives existantes dans le Groupe en vue de l’élaboration d'une offre cohérente de formation combinant e-learning internes, externes, webinaires, conférences, séminaires et challenges. Chez Bayer, on insiste davantage sur la transformation managériale, liée à la mutation du modèle d’affaire. Historiquement fortement interpellée par la société civile, l’entreprise se positionne désormais au service de la santé pour tous et de la faim pour personne. L’entreprise vise une formation de tous les directeurs de BU et futurs dirigeants, via l’introduction d’une dimension de développement durable dans les programmes de leadership existants. Le dispositif articule des e-learnings et des ateliers autour de la gestion des dilemmes (économie, social, planète). Pour Schneider Electric, la transition énergétique est vue comme une opportunité de proposer à ses clients des solutions leur permettant d’atteindre leurs objectifs de réduction d’émission de carbone. Le Groupe renforce ses équipes de spécialistes environnementaux, met en place des formations pour tous (économie circulaire, développement durable, etc. ), notamment à destination de ses commerciaux. Des webinaires sont réalisés par des spécialistes pour permettre aux commerciaux de mieux vendre les solutions du groupe liées au développement durable.Focus sur la santé au travail : le rôle des médecins pendant la crise sanitaire
- Marie-Pierre Pirlot - Médecin coordinateur du service santé au travail chez Orange
- Christophe Dumon, Médecin du travail inter - entreprise, service CMIE, Paris intra-muros
- Karim Takhi, Médecin du travail en service inter - entreprise, île de La Réunion
- Michel Klerlein, Médecin coordinateur Air France (personnel navigant)
Marie-Pierre Pirlot - Médecin coordinateur du service santé au travail chez Orange
> Carine Chavarochette (C.C.) Quel(s) rôle(s) a/ont exercé les médecins du travail pendant les différentes phases de la crise sanitaire du printemps dernier ? > Marie-Pierre Pirlot (M.-P. P.) Toutes nos ressources ont été mobilisées pendant la crise sanitaire. Ce service regroupe 67 médecins en France métropolitaine ainsi que des assistantes sociales, des infirmiers et infirmières, des psychologues du travail. Nous disposons aussi d’un psychiatre conseil. Pendant la crise, sur le terrain, nous n’avons pas eu d’équipe médicale dédiée mais avec la crise, notre service a été propulsé sur le devant de la scène.Confinement et télétravail généralisé
Nous nous sommes appuyés sur un outil qui existait : la téléconsultation. Un outil qui était disponible, à la main de chaque médecin, des médecins dispersés sur tout le territoire français ; un outil qui a été opérationnel pour nos salariés dès la mise en place du télétravail et tout au long du confinement. Dès 2017, nous avons réfléchi avec le conseil de l’Ordre, les instances syndicales et tous les médecins du service à cet outil et comment le mettre en place pour l’ensemble des salariés. Avant la crise sanitaire, il était déjà opérationnel, disposait des dossiers médicaux de chaque personne, et correspondait aux directives de la CNIL. Quatre jours après le début du confinement, nos médecins disposaient de tout ce qui leur était nécessaire pour assurer le suivi médical de tous les salariés de France métropolitaine. Nous avons été les seuls chez Orange à le faire et nous savions comment sécuriser les données de nos collaborateurs. Même si à la mise en place de cet outil, les instances syndicales comme certains médecins étaient réticents à utiliser la téléconsultation, dans le cadre de vastes secteurs géographiques à couvrir, la crise sanitaire a prouvé que cet outil était fonctionnel et très utile. Notre service de médecins a été un acteur clé de la crise sanitaire, à la différence de services de médecine interprofessionnelle qui ont pu être en chômage partiel. Nos médecins ont vraiment eu un rôle de conseil pour l’entreprise. Les premiers suivis médicaux étaient très emprunts de Covid 19 puis nous nous sommes attelés au thème de la réorganisation du travail dans un contexte où trois-quarts de nos salariés devenaient télétravailleurs à 100 %. 60 000 collaborateurs de la France métropolitaine ont ainsi basculé dans un télétravail généralisé en quatre jours. Le suivi médical individuel a été très chargé, plus important qu’en temps normal de mars à mai, et nos médecins et psychologues ont dû également prendre en charge quelques décès. Les 67 médecins de terrain et moi-même avons participé au plan de continuité d’activité. Nous avons participé aux commissions de santé et conditions de travail, aux CSE. Le médecin conseil est ainsi devenu un acteur incontournable de l’entreprise intervenant dans les CODIR et échangeant régulièrement avec les instances syndicales. Nos infirmiers ont procédé également à des appels téléphoniques auprès de salariés isolés afin de maintenir le lien, sorte de mini-enquête sur la santé au travail et ses tendances. En résumé, notre service s’est positionné dans trois champs d’action : le suivi médical individuel, l’organisation et réorganisation du travail et le conseil.Plan de déconfinement et de reprise d’activité
Notre service accompagne encore aujourd’hui les équipes dans leur reprise d’activité sur site et de run. Nous prenons en charge les cas suspects et à risque. Au niveau national, nous avons participé et participons à une cellule de crise de continuité d’activité puis de reprise (un point tous les jours puis 2 à 3 fois/semaine). En tant que médecin conseil, je suis également chargée de la veille sanitaire globale qui me permet, entre autres choses, de donner les modalités nécessaires pour le télétravail. > (C.C.) Quelle(s) transformation(s) ont impacté votre métier ? En termes de positionnement stratégique, de façons de travailler avec les autres services et acteurs de l’entreprise ? Quelles sont aujourd’hui les perceptions des différents acteurs sur votre rôle dans la santé au travail de l’entreprise ?Avec les autres services de l’entreprise
> (M.-P. P.) Notre service a établi de nouvelles relations avec les COMEX mais aussi avec la Direction immobilière, les services de restauration d’entreprise, les instances syndicales et la fonction RH. Aujourd’hui, les prises de décision d’Orange sur l’activité (télétravail par exemple) s’appuient sur notre regard médical. Une vraie place a été faite aux médecins, un rôle rassurant pour l’entreprise.Avec la fonction RH
Nous avons renforcé nos relations avec la fonction RH et les COMEX. Nous bénéficions d’une guideline commune à destination des médecins mais aussi vers la filière RH, la direction des Achats ou les services juridiques. Nous avons montré notre capacité à mettre en télétravail 60 000 collaborateurs en France disposant d’une connexion incroyable et d’outils. Nous avons suivi les différentes enquêtes sur les réactions des salariés au télétravail. En 2021, Orange va renégocier ses accords (anciens) de télétravail pour l’élargir et proposer jusqu’à 3 jours/semaine.Enquête consacrée au télétravail pendant le confinement
A partir de cette enquête, notre service de médecine du travail a relevé des points d’attention sur la différence femme-homme notamment (l’inégale répartition des charges domestiques et du suivi scolaire), l’équilibre vie privée-professionnelle, des biais inconscients, etc. Le télétravail a incité les managers à faire confiance à leurs collaborateurs. Le télétravail permanent a permis de soulever la question de l’enchaînement épuisant des visioconférences et d’encourager des réunions d’une durée de 50 min au lieu de 60 min.Nouveau rôle des médecins du travail ?
Notre service aura un rôle de conseil dans le nouvel accord Télétravail 2021 car nos médecins de terrain ont acquis en visibilité. De plus, avec l’épidémie nous nous positionnons davantage sur les problématiques de santé publique comme sur les troubles du sommeil et leurs conséquences sur le travail, ou sur les causes de ces troubles. > (C. C.) Merci beaucoup Marie-Pierre Pirlot pour avoir accepté de partager avec les adhérents d’E&P. A bientôt pour suivre vos avancées et votre retour d’expérienceChristophe Dumon, Médecin du travail inter - entreprise, service CMIE, Paris intra-muros
> Carine Chavarochette (C.C.) Quel(s) rôle(s) a/ont exercé les médecins du travail pendant les différentes phases de la crise sanitaire du printemps dernier ?Téléconsultation
> Christophe Dumon (C. D.) La crise sanitaire a fait exploser la téléconsultation, une pratique qui était peu répandue en médecine du travail. Nous avions changé de logiciel avant le début de la crise, les dossiers étaient complets ce qui nous a permis de ne pas interrompre notre service en disposant des bons équipements de travail. Sur ce logiciel, nous avons un espace dédié pour chaque salarié, respectant le secret médical. De leur côté, les salariés sont souvent équipés de caméra pour cela. Ces moyens techniques nous ont fait avancé même si la téléconsultation ne permet ni l’examen clinique ni le recueil de certains examens complémentaires. Mais c’est d’une grande aide en termes de prévention santé.Nouveaux liens avec l’entreprise
La crise sanitaire a également resserré nos liens avec les entreprises. Nous avons souvent été les seuls donneurs d’informations médicales et un véritable relais pour celles-ci. Beaucoup d’entre elles ne recevaient pas d’informations de l’ARS ou de l’Assurance Maladie sur la gestion et la prévention des cas contacts. Les employeurs et les services RH nous ont sollicités. Nous avons fait des progrès en termes de réactivité (rendez-vous plus rapides en téléconsultation et en présentiel pour les entreprises qui maintenaient leur activité sur le terrain). La crise sanitaire nous a permis de renforcer nos relations avec les entreprises au travers d’un contact plus direct, plus régulier par téléphone. Avant la crise, les réunions CSE, CHSCT étaient peut-être plus solennelles. Nous avons fait preuve de plus de réactivité sur des cas concrets et avons participé à des CSE à distance si cela était nécessaire.Garder le contact avec les salariés
Nous avons pu ainsi garder le contact avec les salariés de grandes et petites entreprises, de TPE, avec les artisans et commerçants. Nous avons essayé de recevoir des salariés en présentiel dans notre centre à Paris avant le déconfinement, notamment ceux des entreprises qui ont maintenu leur activité pendant le confinement comme les entreprises de nettoyage des hôpitaux et cliniques. > (C.C.) Quelle(s) transformation(s) ont impacté votre métier ? En termes de positionnement stratégique, de façons de travailler avec les autres services et acteurs de l’entreprise ? Quelles sont aujourd’hui les perceptions des différents acteurs sur votre rôle dans la santé au travail de l’entreprise ?Relations avec la filière RH
> (C. D.) Sur l’organisation du travail, nous avons échangé beaucoup plus par téléphone et email avec les DRH et les services RH. Cela a renforcé nos liens qui étaient auparavant plus formels. Mais nous n’avons pas créé de nouvelles procédures. Selon les entreprises et leur organisation, nous avons échangé avec les DRH qui centralisaient les demandes et les réponses ou directement avec certains managers qui nous demandaient des conseils. Parfois, des DRH peuvent être éloignés du terrain et de la réalité de salariés. Cette crise nous a permis de nous assouplir et ce pour tous les acteurs de la santé au travail.Vers un nouveau rôle de la médecine du travail inter - entreprise
Le médecin du travail est le pilier d’une relation triangulaire entre l’employeur, les salariés et les élus. On parle beaucoup des réformes de santé au travail. Mais il faut faire attention à ne pas éloigner le médecin du travail de l’entreprise afin notamment de ne pas connaître une perte de la qualité de la prévention. Nous avons tissé des liens avec les employeurs et les salariés. Il faut réfléchir sur le rôle demain des préventeurs au sein des équipes de santé au travail, animées et coordonnées par le médecin du travail. Sur la question des gestes barrières par exemple, les préventeurs avaient sans doute une expertise pertinente, mais certains n’ont peut-être pas été assez sollicités lors de la crise sanitaire. Pour terminer, la crise sanitaire révèle également un problème crucial : la pénurie des médecins du travail. > (C. C.) Merci beaucoup Christophe Dumon pour avoir accepté de partager avec les adhérents d’E&P. A bientôt pour suivre vos avancées et votre retour d’expérience.Karim Takhi, Médecin du travail en service inter - entreprise, île de La Réunion
> Carine Chavarochette (C.C.) Quel(s) rôle(s) a/ont exercé les médecins du travail pendant les différentes phases de la crise sanitaire du printemps dernier dans l’entreprise et auprès de ses différents acteurs ? > Karim Takhi (K. T.) En tant que médecin conseil, j’ai connu différentes phases de travail et d’accompagnement lors du confinement et du déconfinement.Début et fin du confinement
J’ai eu très peu de sollicitations au début du confinement. Puis, lorsque l’on est passé dans la perspective d’une fin de confinement, j’ai reçu beaucoup de demandes de conseil ainsi que des sollicitations sur les recommandations de la médecine du travail à suivre en matière d’hygiène et de protection des salariés lors de leur retour sur site (questions sur le port de masque, la protection des salariés ou sur le mode de transmission du virus).Déconfinement
Des problèmes pratiques et variables selon les entreprises mais en général les mêmes questions m’ont été posées en termes : d’hygiène, de protection du salarié et de transmission du virus. On répondait au cas par cas et en fonction des recommandations que l’on avait du ministère. Ma particularité est d’être en poste sur l’île de La Réunion depuis le 1er avril dernier, j’y suis arrivé le 15 mars. Nous avons été en décalage avec la métropole sur l’augmentation des cas de Covid 19 puis nous avons vécu une augmentation forte. Nous avons alors été fortement sollicités sur les conditions de retour des salariés infectés, sur les modalités de la mise place du télétravail (exclusif ou pas), pour la qualification des personnes vulnérables (décret du 5 mai) et sur les règles d’hygiène des personnes positives en entreprises (mesures à prendre, comment protéger, nettoyer, fermeture complète ou pas du service, voire de l’entreprise, etc.) mais aussi sur la prise en charge d’un cas Covid.Reprise d’activité
De nombreuses questions ont porté sur le port du masque en entreprise (quel type de masque devait fournir l’employeur et pour quel usage ? quand le porter ? pour quels types d’usage avec les clients ? en open space ?) avant l’obligation généralisée du port du masque en entreprise. Depuis cette obligation, les questions que l’on nous adresse tournent autour de grands axes : le type de masque et surtout sur les demandes de dérogations par les salariés (« on ne le supporte pas, on étouffe »), des demandes alimentées par certaines personnes sur les réseaux sociaux. Cela a été contredit scientifiquement, aucune dérogation médicale au port du masque n’est possible même dans les cas d’insuffisance respiratoire. Des employeurs nous ont sollicité aussi face à la demande de salariés demandant cette dérogation. Ensuite, il y a eu beaucoup de questions sur le télétravail et plus particulièrement sur sa fin notamment pour des personnes vulnérables (décret 5 mai 2020). Avec la fin de l’état d’urgence sanitaire, le 20 juillet 2020, nous avons reçu de nombreuses demandes de la part des salariés, des entreprises, des services RH, parfois des CSE pour repréciser tout cela. Ce décret du 5 mai n’étant pas très clair ni pour les salariés ni pour les entreprises, la fin de l’état d’urgence sanitaire a soulevé de nombreuses questions. Un avis de la HAS (Haute Autorité de santé) a dit que les gens pouvaient retourner travailler – même les personnes jugées vulnérables. Mais dans la hiérarchie des normes, un avis n’est pas supérieur à un décret. On a finalement eu le décret du 29 août 2020 qui a mis fin au télétravail pour un certain nombre de personnes en requalifiant les personnes vulnérables (passant de 11 à 4 items). Et là encore une fois, un grand nombre de demandes, surtout de la part des salariés, qui pour certains n’étaient plus vulnérables le 30 août alors qu’ils l’étaient le 29. A titre personnel, et conformément à ce qui est recommandé sur le site du ministère du Travail, je préconise la poursuite du télétravail pour ces salariés vulnérables car s’ils l’étaient jusqu’au 29 août, leur vulnérabilité ne s’est pas envolée le 30 août. C’est mon positionnement de médecin du travail. Soulignons que le décret du 29 août a récemment été aboli ! > (C.C.) Quelles sont les pathologies liées à ces vulnérabilités ? > (K. T.) Je suis resté très légal et me suis fondé sur celles fixées par le décret du 5 mai 2020. Beaucoup de pathologies cardiaques et respiratoires ont disparu dans le décret du 29 août. Pour le diabète comme la tension artérielle, il fallait que cela soit avec complications. J’ai continué à préconiser un télétravail – conformément au décret de mai – pour les personnes souffrant d’obésité par exemple et qui demeuraient vulnérables.Sur le retour à l’emploi des Covid guéris
Beaucoup de questions également sur le retour à l’emploi des personnes Covid guéris m’ont été posées (doivent-elles présenter un certificat de non-contagion ? Un test négatif ? L’employeur doit-il demander une visite de reprise ? Non). Parallèlement, la peur des collègues face au retour d’un salarié qui avait développé un Covid s’est amplifiée. Ce qui m’a beaucoup surpris de la part des salariés car le salarié Covid guéri est dans les premiers temps immunisé. Cela a pris beaucoup de temps en termes de pédagogie.L’arrêt dérogatoire
Enfin pour la première fois de l’histoire, les gens ont pu être arrêtés par arrêt dérogatoire parce qu’ils risquaient d’être malade et non parce qu’ils l’étaient. Cela nous a pris énormément de temps avec les employeurs en termes d’explications et d’informations. > (C.C.) Quelle(s) transformation(s) ont impacté votre métier ? En termes de positionnement stratégique, de façons de travailler avec les autres services et acteurs de l’entreprise ? Quelles sont aujourd’hui les perceptions des différents acteurs sur votre rôle dans la santé au travail de l’entreprise ?Relations et coopérations avec la filière RH
> (K. T.) J’ai développé beaucoup plus de relations avec les services RH, des relations qui sont toujours très cordiales mais parfois tendues car je ne vais pas dans le sens qu’ils souhaiteraient notamment pour le retour à l’emploi des salariés.Votre positionnement sur le télétravail
Dans certaines grandes entreprises, l’isolement de personnes en situation de télétravail a des conséquences sur la rupture du lien social ou sur des RPS à venir par exemple. Certains salariés me demandent de revenir sur site pour différentes raisons (sentiment d’isolement, manque de communication avec leur entreprise, manque d’outils à domicile pour effectuer leur travail, etc.). Pour beaucoup d’autres, le télétravail a été très bénéfique, leur a permis de prendre du recul et de pouvoir s’extraire d’un encadrement toxique, j’appelle ça « l’extraction du milieu hostile ». Les salariés en télétravail n’avaient plus à subir de management délétère pour se concentrer sur leur activité propre. Ces personnes se sont épanouies au travail et en télétravail. Pour certaines entreprises, cet isolement réel est associé à un risque de RPS alors que je constate que pour beaucoup de salariés, c’est plutôt l’inverse. Ils se sentent beaucoup mieux, centrés sur leur mission sans pollution mentale externe. L’isolement en télétravail a été vécu pour certains comme un épanouissement. Le lien a été renforcé entre la médecine du travail et les services RH de grandes entreprises et de PME mais aussi avec les dirigeants de TPE. J’ai l’impression que le médecin du travail a été perçu comme un partenaire utile que ce soit pour l’organisation du travail, des conseils en management ou toute autre chose.Nouvelle vision de votre rôle auprès de la filière RH
> (K. T.) Ce télétravail généralisé a bousculé la façon de travailler des services RH qui se sont tournés vers les médecins du travail. Des formations vont être mises en place dans les entreprises autour du travail sur écran par exemple. Nos missions et rôles ont été renforcés, grâce, malheureusement, à la crise sanitaire. > (C. C.) Merci beaucoup Karim Takhi pour avoir accepté de partager avec les adhérents d’E&P. A bientôt pour suivre vos avancées et votre retour d’expérience.Michel Klerlein, Médecin coordinateur Air France (personnel navigant)
> Carine Chavarochette (C.C.) Quels rôles ont exercé les médecins du travail pendant les différentes phases de la crise sanitaire du printemps dernier ?Nouvelles relations entre médecine du travail, salariés et entreprise
> (M. K.) Tout d’abord, cette crise nous a fait découvrir notre capacité de travailler à distance, d’avoir des téléconsultations que l’on n’avait jamais pratiquées auparavant. Cela a été rendu possible grâce à l’inspection médicale du travail et la direction générale du travail qui nous ont autorisés à nous affranchir des règles habituelles de la consultation de télémédecine. Normalement, la télémédecine se réalise dans un cadre défini avec une consultation initiale pour préparer la suite, sur des plateformes dédiées sécurisées. Avec l’accord du salarié, un téléphone ou une visioconférence, nous avons pu réaliser la plupart des actes de visite que nous faisions auparavant par téléconsultation. Cela a vraiment transformé les choses. Dans mon domaine, on a beaucoup de personnels navigant par essence nomade, nomades professionnellement mais nomades également dans leur vie personnelle. La plupart habitent en province. Cela a facilité énormément les relations avec eux. Des tabous se sont levés. Le médecin du travail n’aime pas agir en contactant directement des personnes par téléphone car normalement notre activité se fait dans le cadre de la subordination prévue par le contrat de travail. Cela a transformé notre pratique de la médecine et nous a ouvert des perspectives pour la suite.Nouvelle pratique de la médecine
A l’époque, on a nous a dit que les carcans réglementaires sur les périodicités des visites étaient levés temporairement puis on nous a confié – en nous disant que cela était temporaire – des actes hautement interdits pour le médecin du travail comme le fait de pouvoir prescrire des arrêts maladies. Cela laissera quelques traces. C’était un tabou absolu sur le plan réglementaire qui s’est avéré possible. En temps de crise, nous avons été capable d’innover, de transgresser, et pour le bien de tout le monde. Quand le système de santé standard est à saturation, l’appoint de notre activité de médecin du travail peut être extrêmement apprécié. Nous sommes au contact direct de près de 18 millions de personnes en France. Dans les services autonomes, nous avons un dossier médical très fourni, plus fourni que les dossiers de ville des personnes faisant du nomadisme médical. On pense tard au médecin généraliste et encore plus tard au médecin du travail… C’était aussi un enseignement de la crise, j’ai organisé des conference calls bi-hebdomadaires avec l’ensemble des médecins, cela a permis de tisser des liens avec ces médecins de services inter-entreprises. Ils ont été contents de voir, je pense, que l’on pouvait partager ce que l’on faisait et prendre aussi de leurs bonnes idées pour les intégrer dans nos pratiques. > (C.C.) Votre service est composé de combien de personnes ? > (M. K.) Nous sommes un important service autonome (au total pour Air France 26 médecins, avec pour le personnel navigant, 10 médecins réunis sur une même plateforme, et 20 infirmières traitant 15 000 salariés nomades). Pour ma coordination, nous suivons 45 000 salariés dont 3 500 sont suivis par des confrères des services inter-entreprises pour les plus petites escales éparpillées dans les DOM et en province. > (C.C.) Quelle(s) transformation(s) ont impacté votre métier ? En termes de positionnement stratégique, de façons de travailler avec les autres services et acteurs de l’entreprise ? Qu’est-ce qui a changé dans votre relation avec la fonction RH ?Co-construction des règles avec la filière RH
> (M. K.) Il faut souligner une toute petite discordance pendant la crise lorsque que des services RH n’ont fonctionné qu’en activité partielle alors que nous médecins du travail étions en prise quotidienne avec les salariés – par rapport à nos pratiques habituelles avec ces services. Sur le fond, en tant que médecin coordinateur, la représentation RH au sein de la cellule Covid a permis de co-construire vraiment ensemble les messages de prévention, les attitudes de prévention et les règles de fonctionnement au sein de l’entreprise. Nous avons géré avec les RH toute la gestion de l’absence de contact, la combinatoire entre ceux qui avaient un poste télétravaillable et ceux qui n’en n’avaient pas. Vous ajoutez à cela la problématique des personnes vulnérables ne pouvant être au contact de personnes potentiellement porteuses de la maladie. Bref, cela nous a amené à de nombreux échanges et co-constructions pour établir les règles pendant la crise. Je connaissais la plupart des acteurs de la filière RH. Dans la cellule Covid, les RH eux-mêmes ont décidé de se faire représenter, j’ai donc pu travailler avec des délégataires du DRH. J’ai eu un contact plus en profondeur avec des personnes avec qui j’avais eu des rapports plus distants auparavant. Nous avons eu une synergie énorme avec les équipes s’occupant de la régulation des salariés navigants H24 pour les situations de malades en escale, de tests préalables avant de poser l’avion à tel ou tel endroit, des demandes pour rapatrier des Français ou envoyer du fret dans des pays étrangers.La prise en main des outils
Tout le monde avait plus ou moins participé à des visioconférences mais le fait de le faire de manière industrielle a changé la donne. Deux remarques sur cet outil. Première remarque : l’apprivoisement par à peu près tout le monde du fonctionnement et des règles de fonctionnement de ces visioconférences. Seconde remarque : Air France a connu une transformation digitale il y a deux-trois ans avec la Suite Office 365 et la mise à disposition d’outils collaboratifs. 1 500 prescriptions de test pour des personnels navigants partant dans des escales qui le demandaient, ont été pilotées grâce à un outil partagé (entre les personnels des directions d’exploitation et moi-même). J’ai pu envoyer également les prescriptions aux personnes qui le demandaient, les dates et résultats des tests, les certificats de négativité, etc. Nous avons tous progressé dans l’usage des outils collaboratifs. Nous avons appris à utiliser le publipostage de masse (ordonnances, instructions personnalisées, etc.). C’était quelque chose que l’on ne faisait pas du tout, une nouvelle manière de communiquer.Acteur clé de la santé au travail de l’entreprise
Nous savons en tant que médecin qu’en temps de crise sanitaire, on sait toujours nous trouver. Le regain d’intérêt pour notre métier perdure-t-il dans le temps ? C’est la vraie question. Nous sommes interrogés aussi bien sur les règles à utiliser pour la ventilation des locaux, que sur les questions d’immunisation ou d’absence maladie et isolement. Nous devons être capables de répondre à la fois sur des choses très médicales, liées à l’environnement de travail ou sur des règles de protection. Les messages que diffusent le médecin du travail ne sont jamais très agréables pour le management (construction des horaires, contraintes pour les aménagements de poste, etc.). En période de crise cela ne pose pas de problème. Mais quand tout va bien, c’est plus compliqué de se faire entendre sur l’organisation du travail, l’aménagement des locaux, etc. C’est plutôt en situation d’inter-crise que nous avons plus de mal à faire entendre notre voix dans le domaine de la santé au travail. > (C. C.) Merci beaucoup Michel Klerlein pour avoir accepté de partager avec les adhérents d’E&P. A bientôt pour suivre vos avancées et votre retour d’expérience. Entreprise&Personnel · Focus sur la santé au travailLes grandes étapes de la laïcité en France
Les grandes étapes de l’histoire de la laïcité et ses questionnements en entreprise
Carine Chavarochette pour E&P a réalisé une vidéo synthétisant les grandes étapes de l’histoire de la laïcité et ses questionnements en entreprise. LAÏCITÉ from Entreprise&Personnel on Vimeo.Black Lives Matter : quel impact RH ?
- L’une, que l’on appellera INDUS, appartient au secteur industriel. Elle compte 17 000 salariés en Amérique du Nord, pour la plupart travaillant aux Etats-Unis. La DRH pour l’Amérique du Nord est Française, avec un parcours international.
- L’autre que l’on appellera IMMO, appartient au secteur de l’immobilier. Elle emploie 1000 collaborateurs aux Etats-Unis. L’entreprise a été achetée il y a quelques années par le Groupe français. Sa DRH est américaine.
Ethnicité et politiques de diversité : un état des lieux pré-BLM
Contrairement à une idée courante selon laquelle l’ethnicité serait un enjeu fort des politiques de diversité dans les entreprises nord-américaines, les deux entreprises nous ont témoigné de la faible, voire de l’absence de prise en compte de cet enjeu dans leurs politiques, au-delà des obligations légales de lutte contre les discriminations auxquelles les entreprises sont soumises. La DRH d’IMMO reconnaît que préalablement à l’acquisition de l’entreprise par le Groupe français, la politique de diversité de l’enseigne était pratiquement inexistante. Le Groupe a donné une forte impulsion aux politiques d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, mais la question ethnique/raciale n’y était, jusqu’en 2020, pas traitée. Par ailleurs, dans le secteur de l’immobilier, les minorités ethniques sont très peu présentes. Par exemple, chez IMMO, dont le siège est pourtant basé dans une ville à forte population latino-américaine, le nombre de salariés latinos est très faible. Au niveau exécutif, seule une personne appartient à une minorité ethnique. Le groupe auquel appartient INDUS a, dans le cadre de sa politique de diversité, adopté des objectifs volontaristes pour promouvoir davantage de mixité et promouvoir plus de femmes ainsi qu’une plus grande diversité quant à l’origine de ses talents, en particulier originaires d’économies émergentes. Ceci pour refléter les marches dans lesquels l’entreprise opère.L’irruption de BLM en entreprise : communication et ressources humaines
Fin mai 2020, la mort de George Floyd et les manifestations qui ont succédé ont provoqué un « séisme » dans la société américaine. La question de l’articulation entre leur prise de position publique et leur politique RH interne s’est posée avec acuité. La DRH d’INDUS pose le dilemme en ces termes : « Face à Black Lives Matter, les entreprises ont eu deux types de réaction :- Les entreprises qui ont affiché rapidement, en externe, leur soutien au mouvement (« We stand against racism», etc.), faisant valoir leur marque auprès de leurs clients et de leurs talents.
- Les entreprises qui n’ont pas fait de déclarations aussi visibles, et qui ont pris le temps de comprendre ce qui se passait en interne, tout en renforçant leur soutien à travers la voix de leur leadership local.
La dynamique du changement : entre mobilisation interne et ressources extérieures
Les deux entreprises ont fait face à une forte mobilisation interne sur la question du racisme, et se sont appuyées sur cette dernière pour faire évoluer leurs politiques. Elles ont également fait appel à des ressources extérieures, à savoir des consultants en diversité. Chez INDUS, « le leadership ainsi que des milliers de collaborateurs ont témoigné de leur soutien et de de l’engagement de l’entreprise contre le racisme en renforçant notre valeur d’inclusion et d’ouverture aux différences. Très rapidement, nous nous sommes rendu compte de la nécessité pour l’ensemble de nos collaborateurs et managers d’être à l’écoute, de s’éduquer sur la question du racisme, de comprendre les challenges que la communauté afro-américaine rencontre au quotidien dans la sphère privée et professionnelle. Nous avons organisé une table-ronde virtuelle orchestrée par Michelle Silverthorn, consultante noire spécialiste de la diversité et de l’inclusion. Cinq de nos salariés noirs ont partagé leur expérience en faisant preuve d’authenticité et de sincérité, pour souligner l’importance de l’inclusion au travers d’exemples personnels. Cette conférence a été ouverte aux 17 000 salariés d’INDUS en Amérique du Nord, et sera prochainement accessible à tous les salariés du Groupe. Des conversations (calls), ouvertes aux salariés qui s’intéressent au sujet, ont été organisées avec les salariés noirs d’INDUS, où ceux-ci ont décrit leur expérience du racisme. Ces conversations n’ont laissé personne indifférent. Nous avons avant tout écouté nos salariés noirs. » Pour rentrer en contact avec les salariés noirs d’INDUS, les RH se sont appuyées sur l’Employee Resource Group (ERG) des Black Professionals. Les ERG sont des groupes/réseaux affinitaires de salariés sous-représentés dans la population de l’entreprise (sur la base de l’ethnicité, mais aussi du genre, de l’âge, etc.), très implantés dans les grandes entreprises américaines depuis les années 70[1]. Les RH d’INDUS ont mobilisé cette « ressource interne » pour aborder de nombreux sujets : le recrutement, le talent management, les biais inconscients… De nombreux employés de toutes origines se sont portés volontaires pour contribuer au sujet. De son côté, IMMO ne comptait aucun ERG fin mai 2020. Mais un même désir de participation, d’expression et de témoignage des salariés s’est manifesté. Au cours de la semaine qui a suivi les émeutes, les managers d’INDUS ont été interpellés par de nombreux collaborateurs qui désiraient que l’entreprise traite des questions d’ethnicité et de racisme. Une centaine de salariés se sont portés volontaires pour participer à la dynamique lancée dans l’entreprise. L’entreprise était en relation avec une consultante en diversité, qui a formé l’équipe exécutive pour aider les leaders à comprendre ce qu’il était en train de se passer et à esquisser des réponses. La consultante a participé à la réunion de tous les employés (all-hands meeting) consacrée à la question du racisme. De plus en plus d’employés ont envoyé des notes, des suggestions à l’équipe de direction. L’entreprise a organisé ce souhait de participation en mettant sur pied quatre task forces, l’une dédiée aux questions de relations publiques de l’entreprise, et les trois autres à des enjeux RH (voir plus loin).La gouvernance du changement
Pour encadrer et donner une impulsion à la dynamique naissante, les entreprises ont conçu différentes structures de gouvernance. Chez INDUS :- Une task force a été organisée pour faire évoluer les processus et pratiques liées au recrutement, à la gestion des talents, les aspects culturels etc.
- Un comité de pilotage sur l’égalité raciale a été mis en place ;
- La stratégie en matière d’inclusion a été présentée au US D&I Council, qui comprend le Directeur aux Etats-Unis, des business leaders, les sponsors exécutifs des Employee Resource Groups et des leaders RH. Le conseil donne son avis sur la stratégie, qui est ensuite présentée au business.
- Le recrutement/le pipeline de talents ;
- Le talent management et la formation ;
- La culture et l’engagement.
Se donner des objectifs, mesurer les progrès
Tant INDUS qu’IMMO se sont fixés des objectifs chiffrés en matière d’équité raciale et d’inclusion. Ceci implique de se doter d’analytics sur les minorités ethniques et donc de disposer de données en la matière. Autant d’outils dont l’usage est particulièrement controversé en France. Aux Etats-Unis, c’est la validité et l’accessibilité des données qui peut poser problème. Comme le constate la DRH d’INDUS, « aujourd’hui, dans le cadre de la législation sur l’affirmative action, moins de la moitié des salariés déclarent leur identité raciale. Plus généralement, sur les questions de diversité, nous aurions besoin d’une automatisation des données sur le sujet. Beaucoup d’actions sont réalisées ‘à la main’ ». Parmi les objectifs de court terme (c’est-à-dire à l’horizon de la fin de l’année 2020) que les deux entreprises se sont fixés, on peut relever :- Le recrutement de 15% de talents afro-américains (contre 12% jusqu’alors) (INDUS) ;
- L’augmentation de 20% du nombre de salariés noirs et de 10% du nombre de middle managers noirs (IMMO) ;
- Parvenir à ce que 50% du pool de candidats pour un recrutement soient des femmes et/ou appartiennent à des minorités ethniques (IMMO).
Les politiques de diversité et d’inclusion post-BLM
Les politiques de diversité et d’inclusion sont loin de se résumer à leurs outils. Elles s’articulent autour de valeurs et de postures. Chez INDUS par exemple, la DRH a résumé la philosophie des politiques de diversité, d’équité et d’inclusion de la façon suivante : « L'équité raciale chez INDUS signifie que notre population d'employés reflète les communautés dans lesquelles nous opérons, que tout le monde a des chances égales de développement, et que chacun de nos collaborateurs se sente en sécurité, valorisé et respecté pour ce qu’il ou elle est. » « Nous ne pouvons plus être ‘aveugles à la couleur’. Il faut comprendre que l’égalité n’est pas effective quand, à la base, nous ne sommes pas égaux ». Les entreprises analysées convergent sur deux types d’action : d’une part, le rapprochement avec les Historically Black Colleges and Universities, ces universités dont les étudiants sont majoritairement afro-américains[2]. Au travers de ces partenariats, l’enjeu est de faciliter le sourcing de jeunes talents noirs. D’autre part, tant INDUS qu’IMMO ont mis en place une formation en e-learning sur les biais inconscients, obligatoire pour tous les salariés de l’entreprise. INDUS a détaillé d’autres actions RH mises en œuvre – ou en cours de préparation :- Dans le champ de la formation, la création et la mise à disposition de ressources digitales et de learning playlists dans la plateforme de formation : des articles, des vidéos sur l’égalité raciale, l’histoire du racisme aux Etats-Unis et les bons réflexes à avoir lors de conversations inconfortables.
- Dans les talent reviews, la création d’une section spéciale sur les talents issus des minorités ethniques (après observation que le développement professionnel des Noirs était différent de celui d’autres minorités et de celui des Blancs).
La diversité en chantier, du niveau local à l’international
En guise de conclusion, deux constats peuvent être dressés à partir de l’expérience des entreprises contactées. Le mouvement BLM a en premier lieu mis les politiques RH en mouvement, même si d’autres politiques d’entreprise sont également concernées. Les nouvelles politiques de diversité sont en construction, tant INDUS qu’IMMO ayant souligné que leur plan d’action est en cours d’élaboration. Au travers de ces deux exemples, on s’aperçoit également de la grande autonomie dont ont bénéficié les entreprises états-uniennes contactées pour mettre au point une réponse adaptée à la crise que le pays traversait, quand bien même leur Groupe avait une politique d’inclusion et de diversité affirmée. Parallèlement à cette autonomie, la reconnaissance et le soutien aux équipes américaines par le Groupe est un motif de fierté et d’inclusion, comme en témoigne la réaction de la DRH d’IMMO : « Lors d’une conférence ouverte à tous les salariés du Groupe, le Président a prononcé la phrase ‘Black Lives Matter’, et cela représente une reconnaissance forte de l’enjeu dans le Groupe ». [1] Voir par exemple A. Bethea (juin 2020). What Black Employees Resource Groups need right now. https://hbr.org/2020/06/what-black-employee-resource-groups-need-right-now [2] Sur les « HBCU », voir l’infographie dans ce même dossier.Confiance et risque dans les organisations
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Comment penser l’évolution du travail et de ses espaces Pourquoi le bureau est utile collectivement ?
Vers un nouveau rapport au travail ?
Travail en présentiel ET en distanciel
Comme le soulignent différents chercheurs (D. Beunza et D. Kent 2020, F. Lederlin 2020, J. Parry 2020), la crise sanitaire accélère la réflexion sur l’organisation du travail et ses espaces dédiés. D. Beunza et D. Kent (2020) précisent que le travail en distanciel a bien fonctionné pour les équipes qui avaient déjà l’habitude de travailler ensemble en présentiel et/ou sur un sujet donné. Cette efficacité collective repose pour eux sur une bonne connaissance et une communication physique initiale, réalisée en présentiel. Ainsi l’espace de bureau et ses usages conditionnent la performance collective en distanciel. De plus, les interactions sociales en entreprise vont bien au-delà des rencontres informelles et des cafés partagés. La qualité de ces dernières est déterminante pour consolider un collectif de travail et favoriser la performance et l’intelligence collective. Ainsi, l’espace de travail physique permet à une entreprise de développer un sentiment d’appartenance, d’afficher sa culture d’entreprise, de fabriquer du lien social, de renforcer l’acquisition de nouvelles compétences tout en donnant un sens à l’activité exercée.Les outils du distanciel
Les outils numériques ont modifié et modifient encore l’organisation des entreprises en bouleversant notamment les temporalités des différents métiers. Le choix d’un logiciel, d’outils collaboratifs, d’une plateforme d’intelligence collective ou d’équipements multimédia transforment le rapport d’un individu à son travail et aux autres (collègues, clients, etc.). Mais l’outil n’est qu’un soutien à des processus organisationnels (A. Henry 2019). En effet, le numérique structure l’organisation, son corps social, participe à la coordination des collectifs, voire facilite le regroupement de métiers. Toutes les entreprises n’ont pas comme modèle organisationnel celui des GAFAM et le télétravail à 100 % et pour tous ne convient pas à toutes les formes d’activités. Ainsi les outils numériques sont une composante de l’organisation du travail mais, selon sa stratégie et/ou son secteur d’activité, chaque entreprise donne une place spécifique aux outils digitaux. Les outils du distanciel permettent donc une réflexion sur le type de collectif de travail que chaque entreprise souhaite développer ou mettre en avant.Les risques du tout distanciel
Différentes enquêtes et sondages publiés récemment dans la Harvard Business Review (juillet 2020) signalent les points de vue parfois divergents entre dirigeants et salariés sur le travail à distance. Les uns pointent une baisse de la performance, les autres le manque de confiance accordé au travailleur à domicile. Différents chercheurs soulignent aujourd’hui les dangers d’un distanciel à 100 %. Un salarié travaillant uniquement en distanciel serait moins bien identifié par ses managers et ses collègues qu’un salarié fréquemment présent au bureau (A. Wrzesniewski 2011). E. Berstein et al. (2020) à l’issue du télétravail généralisé pendant le confinement pointent ainsi trois risques majeurs pour l’organisation du travail :- l’intégration (limitée) des nouveaux recrutés (onboarding new employees) ;
- la création de liens faibles (creating weak ties) empêchée entre collaborateurs et équipes ;
- l’affaiblissement des relations dans les viviers de talents (fostering relationships).
Quel est l’intérêt de travailler dans la même unité de lieu et de temps à plusieurs ?
L’atelier E&P « Comment penser l’évolution du travail et de ses espaces en temps de crise sanitaire ? » a mis en exergue trois catégories d’usage du bureau, catégories qui permettent la réalisation d’un « travail bien fait » :- l’apprenance ;
- la circulation d’idées et d’informations ;
- l’innovation.
Apprenance
L’espace est un levier majeur pour renforcer l’engagement de la personne dans l’apprentissage et donc l’apprenance (définie selon Philippe Carré comme une posture d’ouverture au fait d’apprendre). La présence au bureau va favoriser la professionnalisation en ce qu’elle offre : la proximité avec le réel des situations de travail (transfert plus rapide) et un accès à des ressources pédagogiques diversifiées individuelles et collectives pour progresser. La dimension collective intègre par exemple les interactions avec des tiers (pour prendre du recul sur son activité), les échanges d’idées et le partage avec des pairs, avec son manager, le travail en binôme. Ces actions amplifient le sentiment de sécurité psychologique et la confiance nécessaire à tout acte d’apprentissage. L’entreprise comme organisation apprenante permet aux managers de guider leurs équipes vers une adaptabilité et une coopération permanente, en fonction des réalités du terrain et des autres acteurs (métiers, clients, etc.). Ces réseaux apprenants institués, soutenus par des espaces pensés pour acquérir de nouvelles compétences, seul ET en interaction avec d’autres, favorisent alors la transformation de l’entreprise et accompagnent le changement. Depuis cet été, des organisations (comme le groupe Mazars) réfléchissent à transformer le bureau en espace d’apprentissage au-delà de sa seule fonction d’interaction physique entre managers et équipes, entre métiers ou services, entre collaborateurs et clients.Circulation d’idées et d’informations
Des études montrent que de très nombreux salariés veulent aller au bureau car ils y voient un lieu d’ancrage avec ses rituels. Ils souhaitent du partage et des échanges d’information dans l’entreprise pour mieux les comprendre et être associés aux évolutions. Ils souhaitent travailler à la maison ou dans des tiers-lieux pour certaines tâches et venir au bureau pour penser collectivement ou transmettre aux autres. En effet, l’absence de liens entre collègues et/ou équipes empêchent les informations et les expertises de circuler, tout en empêchant l’acquisition de la culture d’entreprise. Comme le précise P. Dibie (2020), aller au bureau donne l’occasion, en pouvant sortir de chez soi, d’échanger et de se confronter au réel. Le travail en présentiel est « un espace dans lequel on fait société », et où l’on participe à l’intelligence collective.Innovation
La présence sur un même lieu de travail favorise la coproduction et la co-construction. La possibilité de mettre en œuvre des expérimentations réelles offre le moyen de tester de nouvelles approches, de nouveaux modes de fonctionnement ou d’instaurer de nouveaux process. D’ailleurs, la période du « travail confiné » a mis en exergue – au-delà des transformations obligatoires des process pour le maintien de l’activité –, les innovations spontanées réalisées par les différentes parties prenantes dans l’organisation du travail. Les réflexions de l’atelier ont mis en avant ce que le travail en distanciel permet (ou non) pour les métiers et ses acteurs (travail de fond sur dossier, certains rendez-vous BtoB, etc.). Et ce que le travail en présentiel favorise : l’intégration par le manager d’une nouvelle recrue, la création et l’animation du collectif, la sérendipité, etc. Comme le souligne Christophe Carval, DRH d’EDF dans une interview (AEF), le retour au bureau donne l’occasion de « travailler sur les collectifs » et de favoriser les réunions de créativité afin de « structurer les espaces de travail en fonction des attentes et des souhaits en matière de modes de travail ».Témoignages de parties prenantes
Adhérents ayant contribué à l’atelier E&P : Sylvie Rocchia, Directrice de la production et Romain Simonin, Directeur de l’immobilier à la CPAM du Val d’Oise
« La survenance de la crise sanitaire et le confinement ont provoqué une augmentation très rapide du nombre de télétravailleurs au sein de notre entreprise. Le télétravail était une forme minoritaire d’organisation du travail, elle est devenue pour quelques mois au moins sa forme nominale. Cette montée en charge est à bien des égards imparfaite (matériel inadapté, problématique d’installation de postes au domicile, sans oublier la garde d’enfant), pour autant le bon fonctionnement de notre organisation a été assuré par une grande adaptabilité du personnel, mû par le sens du service et les valeurs de notre organisme de Sécurité sociale. Bien que l’organisation du travail fût atypique, le contexte a eu un effet loupe sur le sens de nos missions et de nos activités. La « normalisation » de la situation amène néanmoins bien des interrogations. Le diagnostic proposé par E&P nous permet d’objectiver plusieurs points essentiels : quels sont les points positifs de la situation de télétravail, quels sont les points à conforter, ou encore quelles sont les problématiques rencontrées tant par les équipes que par les individus. L’atout de cette approche : un diagnostic personnalisé permettant une focale tant sur les équipes, les services que sur les managers et d’en déduire des réponses adaptées. Au regard des premiers résultats, force est de constater qu’une vaste réflexion sur l’organisation du travail, la culture du travail, la compréhension des usages du travail en distantiel et présentiel devra être menée dans chaque unité de travail. Sans nul doute, nos espaces adaptés à une forme classique du travail devront être revus, transformés et adaptés pour répondre aux besoins d’échanges, de transversalité ou encore de convivialité induit par un télétravail massif au sein des équipes et un retour ponctuel sur site. »Ajsa Bajbutovic, architecte programmiste
« La crise sanitaire a fait ressortir de nombreuses limites fonctionnelles : les postes trop rapprochés dans un open space, le retard dans la dématérialisation des dossiers, les serveurs informatiques sous-dimensionnés, les réseaux de ventilation inadaptés, les salles de visioconférence moins bien équipées que le domicile des salariés… La question qui s’est imposée est difficile : quels aménagements des espaces de travail pour le long terme ? Mettre du flex office partout parce que ça économise les m2 et c'est plus facile à nettoyer ? Sûrement pas, comme le télétravail à 100 % n’est pas une solution, il faut nuancer. Nous vivons une période d’évolution forte des lieux de travail. Le bon aménagement doit se baser sur les besoins des équipes ; la rationalisation des surfaces ne peut plus être la seule priorité, d'autres paramètres sont rentrés en jeu, même avant la crise. Dans toute une gamme d’espaces de travail, entre le formel, le semi-formel et l’informel, entre le fermé, le partagé et le collectif, il s’agit de trouver le bon dosage, adapté aux spécificités de l’entreprise. Pour cela, nous travaillons dès aujourd’hui avec les équipes, nous les aidons à mener la réflexion et nous les guidons dans une invention commune des aménagements nouveaux, afin que les bureaux du futur soient réellement adaptés aux hommes et à leur activité. »Conclusion
Il nous paraît plus que jamais nécessaire de dialoguer et de trouver des réponses collectives pour que les espaces de bureau (re)deviennent des lieux d’innovations, d’échanges, d’apprentissage et de sens. Les entreprises qui réfléchissent actuellement à leurs espaces de bureaux ont la plupart du temps déjà entamé des démarches sur ce sujet ; la crise sanitaire a accéléré ce processus. Qu’il soit le résultat de conflits d’intérêts ou non, le bureau du futur doit être le fruit de discussions mobilisant différentes parties prenantes (DAF, DRH, Direction de l’immobilier, de la production, DSI, etc.) et la fonction RH peut se positionner comme pilote du débat sur l’organisation du travail pour analyser les ingrédients d’un « travail bien fait », proposer les formes d’organisation dans lesquelles ce « travail bien fait » peut se réaliser et aider à la conception d’espaces qui soutiennent l’évolution de l’activité, appréhendée comme source de développement à la fois pour l’entreprise et l’individu.Bibliographie
- Beunza D. Kent D. https://theconversation.com/returning-to-the-office-how-to-stay-connected-and-socially-distant-145210
- Dibie P. (2020). Ethnologie du bureau. Brève histoire d’une humanité assise, Paris, Métailié.
- Henry A. (2019). Hybridation numérique d’une organisation énergétique. Analyse de son contexte de faisabilité sociotechnique. Les Cahiers du numérique, vol. 15(4), 113-136.
- Lederlin F. (2020). Les dépossédés de l’open space, Paris, PUF.
- Mandard, M. (2019). Les usages organisationnels des espaces géographiques. Recherches en Sciences de Gestion, 134(5), 59-76.
- Parry J. https://theconversation.com/remote-working-is-here-to-stay-but-that-doesnt-mean-the-end-of-offices-or-city-centres-
- https://hbr.org/cover-story/2020/07/do-we-really-need-the-office
- https://hbr.org/2020/07/the-implications-of-working-without-an-office
- https://hbr.org/2020/07/in-praise-of-the-office
Repenser les espaces et l’organisation du travail ?
Le déconfinement a mis en évidence la nécessité de considérer l'organisation voire réorganisation du travail et de ses espaces.
A cette occasion, nous vous propos de vous inscrire à notre prochain webinar pour réfléchir ensemble aux enjeux de la réorganisation du travail en interrogeant deux angles :- Comment bien organiser, bien penser le travail et le rendre efficient ?
- Quels outils mettre en place pour prendre en compte les nouveaux risques professionnels ?
Cliquez ici pour revoir le webinar en replay
L’hyper-connexion : des risques d’aggravation, des idées d’action
L’hyper-connexion : des facteurs multiples et spécifiques à la crise
La situation que nous vivons est inédite. La plus grande majorité de nos interactions sociales, professionnelles et personnelles, passe par le numérique. Aussi, si l’hyper-connexion n’est pas un sujet nouveau, il prend toutefois de l’acuité en la période actuelle pour plusieurs raisons.Dans le domaine professionnel
- Le tout à distance pour les télétravailleurs et les dits inactifs
- Le confinement générateur d’une nouvelle hyper-connexion
Dans le domaine personnel
La vie sociale personnelle est devenue « full digital ». Nous observons des comportements compensatoires face à la séparation et au manque de rencontre physique. Pour les personnes confinées en famille, entre amis comme pour les personnes isolées, le smartphone et l’ordinateur sont devenus des outils indispensables au maintien d’un lien social. « Dans le succès du smartphone, il y a cette dimension plus invisible du toucher […] le fait de toucher l’image vient colmater à certains moments des angoisses de séparation[6]. » L’explosion des « apéro-zoom », des contacts familiaux à travers WhatsApp ou Skype, des échanges de vidéos comme le partage des tutos en tout genre ont augmenté l’hyper-connexion.Dans l’espace intime
En temps de confinement, l’autre particularité de l’hyper-connexion est sa pratique dans l’espace intime. En temps dit normal, de nombreux salariés éprouvent déjà des difficultés à couper leur ordinateur et/ou téléphone professionnel, la subordination à l’autre ne s’arrêtant plus (Nicole Aubert, 2018). La culture de l’urgence de l’entreprise – répondre à tout, tout de suite – (Vincent de Gauléjac, 2018) n’a fait que s’accentuer, rendant l’espace domestique perméable au stress des autres. Ainsi, l’espace personnel qui pouvait offrir un espace de ressourcement à l’individu n’a plus autant cette capacité aujourd’hui. De plus, cet espace intime est le plus souvent partagé en permanence entre les membres de la famille. Selon Terra Nova (avril 2020), 66 % des télétravailleurs affirment exercer leur métier dans des conditions assez ou très difficiles. 2/5 des télétravailleurs en confinement ne possèdent pas d’espace dédié à l’exercice de leur travail et doivent donc le faire dans des lieux dédiés à d’autres activités (cuisine, couloir, etc.). 68 % des télétravailleurs partagent cet espace avec d’autres personnes et dans 54 % des cas, au moins deux télétravailleurs co-travaillent au même domicile. L’enquête flash Malakoff Humanis (5 mai 2020) a révélé aussi que 46 % des télétravailleurs confinés vivent en couple avec enfants. De plus, le confinement s’est également organisé dans l’urgence. Il faut gérer plusieurs types de connexion en même temps : celle des télétravailleurs, celle des enfants qui doivent suivre des cours en ligne, etc. La connexion est donc continue du matin jusqu’à la nuit souvent, sans parler des foyers qui rencontrent des problèmes de bande passante ou de réseau et qui doivent alors se connecter tard pour télécharger les cours et devoirs des enfants ou accéder aux pièces jointes de leurs emails. En effet, tous les territoires ne disposent pas de la même qualité de réseau, ce qui tend à augmenter les durées de connexion.Les enjeux liés à l’hyper-connexion sont forts et pluriels
La santé des collaborateurs, physique et mentale mise en dangers
Les études précitées révèlent une dégradation de la santé[7] – mentale notamment – ressentie par les collaborateurs travaillant à distance.- L’hyper-connexion altère la santé physique
- L’hyper-connexion a des effets d’ordre psychologique
L’efficacité tant en termes de productivité que de qualité est aussi en jeu
Si une des conséquences de l’hyper-connexion est la diminution de la capacité de l’attention, notre capacité de concentration et donc notre performance en sont forcément altérées, à l’échelle individuelle ou collective. L’individu se retrouve dans des conditions où le travail ne peut se faire que de façon fractionnée. Or, ce travail fractionné a un coût certain, comme a pu le mesurer Thierry Venin[13], allant de la perte de 30 % d’une journée de travail jusqu’à l’arrêt pur et simple de travaux complexes. A l’échelle collective, ce coût devient faramineux. De plus, pour peu que les participants laissent téléphones ou messageries instantanées en fonctionnement, les séances collectives sont mises à mal avec une moindre attention portée au dialogue, aux idées émises et avec une qualité inférieure de la coproduction. Ainsi comme le pointait Francis Jauréguiberry[14], travailler en hyper-connexion peut – « sur fond d’accumulation incontrôlable d’informations » – relever de la « dispersion et de l’égarement », empêchant l’efficacité, « l’accessoire » risquant de « recouvrir l’essentiel ». Le contexte n’est alors plus favorable à l’action critique, qui nécessite le temps de la pensée. Ainsi, prévenir l’hyper-connexion et la maîtriser représente des enjeux sur les différents volets de la performance. Mais comment agir ? Nous nous situons ici dans une vision de co-responsabilité où c’est la combinaison des actions de l’organisation, des collectifs de travail et des individus qui permettra de minimiser les risques d’hyper-connexion.Comment l’organisation et les collectifs de travail peuvent-ils agir ?
En parler, c’est déjà agir !
L’urgence face à la gestion sanitaire de la crise s’étant estompée, il peut être pertinent d’aborder, de façon proactive, la question de l’hyper-connexion qui nous est remontée par les DRH, leurs équipes et les managers. Il est nécessaire d’expliquer, comme nous l’avons fait dans la première partie de cet article : en quoi la période est spécifiquement propice à l’hyper-connexion, quels sont ses enjeux. Poser la question de l’hyper-connexion dans les enquêtes et Pulse Surveys du moment peut d’ailleurs s’avérer utile pour mieux appréhender le vécu au sein de l’entreprise et donner un point de départ à la discussion.Définir un cadre et des repères opérationnels
S’il ne fait pas tout, la définition d’un cadre reste une condition sine qua non. L’entreprise a la responsabilité de le poser car des enjeux identitaires sont liés à l’hyper-connexion pouvant être perçue comme une preuve d’investissement et d’engagement[15]. Instaurer un droit et un devoir de déconnexion, définir ce qui caractérise les situations d’urgence propres à la période vécue sont par exemple indispensables. La définition de plages de joignabilité, l’organisation de rotations à distance peuvent également permettre d’assurer des impératifs de continuité tout en évitant d’alimenter le syndrome du FOMO et de mettre certains en situation de connexion permanente. Des entreprises sont même allées jusqu’à définir des horaires repères pour les cadres en cette période.Apporter de la respiration entre les réunions et pendant
Par ailleurs, la définition même des créneaux et horaires des réunions et bilatérales est structurante. Certains collectifs de travail conviennent de façon explicite qu’une plage de x heure à y heure pendant le temps du midi est préemptée et qu’il n’y a pas lieu de se solliciter de quelque façon que ce soit. L’enjeu est avant tout de remettre de la respiration pendant le travail, de favoriser de la prise de recul et ainsi contribuer à prévenir les connexions simultanées et les sur-sollicitations professionnelles. Ainsi, des rendez-vous individuels programmés sur 45 mn au lieu d’une heure, permettent de dégager un temps off utile entre deux rendez-vous. En complément, un temps court de conversation informelle en début de réunion sera précieux. L’introduction de pauses formelles dans les réunions à distance apparaît aussi vertueuse si elles constituent de vraies pauses, déconnectées. Rappelons en effet que le cerveau pendant ces moments reste en activité mais en mode « RMD » (réseau en mode par défaut). Selon Mary Helen Immordino-Yang, « La capacité du cerveau à enclencher et à interrompre le RMD, de même que la force de la connectivité entre les régions cérébrales impliquées dans ce réseau, serait associée à un bien-être accru, un quotient intellectuel plus élevé, une ouverture à la nouveauté, une plus grande créativité et de meilleures habiletés de lecture[16]. »Rationaliser les canaux de communication
Pour faire face à la multiplication des vecteurs de communication et d’échanges à distance (groupes WhatsApp, communautés sur l’intranet, etc.), une pratique supplémentaire consiste à limiter les canaux ou à les affecter explicitement selon les sujets et types d’information. Elle permet de limiter l’hyper-connexion et d’optimiser le temps de chacun.Organiser le travail collaboratif
Enfin, certaines pratiques ont la dent dure et il n’est pas rare encore de voir de la collaboration à distance s’exerçant via un flot de mails continus. A partir d’une certaine taille, il convient de s’assurer que les pilotes de groupe de travail ont été accompagnés dans la prise en main d’outils collaboratifs en ligne.Encourager la prise de conscience et professionnaliser
Si une très grande majorité des salariés reconnaissent les efforts déployés par leur entreprise pour la mise en place du travail à distance, 54 % (et 68 % chez les nouveaux télétravailleurs) signalent n’avoir bénéficié que d’un relatif accompagnement dont peu ou pas de sensibilisation aux risques d’hyper-connexion et des outils digitaux en général. Or, prévenir l’hyper-connexion suppose de prendre du recul par rapport à ses pratiques et d’être à l’aise avec la maîtrise des outils digitaux. Aussi l’entreprise peut-elle diffuser et inciter chacun à prendre du recul via des outils d’auto-diagnostic de ses pratiques et de leurs impacts sur les autres ; elle peut également organiser des ateliers de sensibilisation à l’hyper-connexion et à la charge cognitive.Quelles actions au niveau individuel ?
Chacun apporte – ou pas – sa contribution au phénomène d’hyper-connexion. Et l’individu a des leviers qui lui sont propres pour le prévenir.Auto-évaluer ses pratiques et comportements numériques
Comme le rappelle le Guide Obergo (2019), en règle générale, « chaque salarié(e) désirant télétravailler doit faire l’effort d’"auto-évaluer" sa situation ». Cela peut être prolongé pour les questions d’hyper-connexion. Chaque jour télétravaillé en confinement peut permettre d’interroger ses méthodes de travail. Au salarié de prendre un temps de recul sur sa pratique, son comportement et leurs impacts pour lui-même mais aussi pour ses collègues. L’idéal est bien entendu que l’entreprise mette à disposition un outil d’auto-diagnostic et encourage son utilisation ; à défaut, chacun pourra trouver des ressources en open source.S’astreindre à une discipline personnelle
Par exemple, pour les réunions virtuelles, autant que possible, il est conseillé de les suivre ou de les mener dans une pièce fermée afin d’éviter les interactions intempestives (famille, animaux domestiques, etc.). Dans tous les cas, couper son téléphone ou fermer sa boîte mail sont autant d’actions personnelles qui favorisent la concentration pendant les réunions. Sur un autre plan, il s’agit d’organiser son temps de travail en se ménageant des temps, même réduits, de respiration. La pause dite émotionnelle ou micro-pause est nécessaire entre deux réunions collectives ou deux appels interpersonnels – se lever, quitter ses écrans, bouger, s’hydrater régulièrement. Le temps de réunion lui aussi doit différer de celui des réunions en présentiel afin de conserver une attention efficace, 20-25 min pour des échanges en petits groupes. Le rythme de travail, ses pauses et ses rituels sont tout aussi importants les uns que les autres. Enfin, différentes études – en neurosciences notamment – prônent la nécessité de quitter l’espace de travail afin de bien séparer vie professionnelle et vie privée. En temps de confinement, il suffit de changer de pièce (voire d’aller dans son jardin si on en possède un). En période de déconfinement mais de télétravail à 100 %, il est utile de sortir de chez soi, masqué bien entendu ? pour pouvoir se déconnecter mentalement de son travail et des outils digitaux.Tester des applications régulant la connexion
Certaines applications peuvent aider les salariés à gérer leur niveau de connexion. Forest[17] est une application ludique accompagnant les personnes dans l'optimisation de leur temps de travail. Off Time[18] permet de désactiver certaines fonctionnalités de notre téléphone temporairement, puis de recevoir une synthèse de toutes les sollicitations reçues pendant la déconnexion.Conclusion
Les risques liés à l’hyper-connexion ont pu augmenter pendant la période de confinement. Cette expérience de travail amènera sans doute certaines personnes à rechercher une « déconnexion volontaire » afin de mettre à distance les outils numériques professionnels, tandis que d’autres, à l’inverse, seront submergées et développeront le syndrome d’épuisement technologique (SET), dérivé du syndrome de l’épuisement professionnel[19]. Le SET est diagnostiqué lorsqu’un collaborateur n’arrive plus à maîtriser, adapter, contourner ou résister à « la présence technologique dans son quotidien ». Il est de la responsabilité de l’employeur – et de la fonction RH en premier lieu – de s’en préoccuper. Ce n’est objectivement pas chose facile. Pour ce faire, il n’y a ni solution unique, ni solution miracle. Mais les leviers existent, avec des actions concrètes à tester. [1] Rosa Hartmut, Accélération. Une critique sociale du temps, Paris, La Découverte, 2013. Aliénation et accélération. Vers une théorie critique de la modernité tardive, Paris, La Découverte, 2014. [2] Cf. Chavarochette Carine, Accélération & décélération au travail, E&P, 2019 https://epgroupe.com/etudes/acceleration-deceleration-au-travail/ [3] Enquête réalisée par le think tank Terra Nova (avril 2020). [4] Aubert Nicole (dir.), @ la recherche du temps. Individus hyperconnectés, société accélérée : tensions et transformations, Paris, ERES, 2018. [5] Casilli Antonio, En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic, Paris, Seuil, 2019. [6] Stora Michael et Ulpat Anne, Hyperconnexion, Paris, Éditions Larousse, 2017. [7] Par exemple, selon l’enquête Malakoff Humanis de mai 2020, 49 % des personnes interrogées déclarent percevoir une dégradation de leur santé physique. [8] https://lebonusagedesecrans.fr/essentiel-a-savoir/consequences-usage-excessif/ [9] Baker, Zachary & Krieger, Heather & LeRoy, Angie, « Fear of missing out. Relationships with depression, mindfulness, and physical symptoms », Translational Issues in Psychological Science, 2016, 2(3), 275–282 ; Milyavskaya Marina, Saffran Mark, Hope Nora et Koestner Richard, « Fear of missing out: prevalence, dynamics, and consequences of experiencing FoMO », Motivation and Emotion, 2018, 42, 725–737. [10] Directeur du département des Neurosciences à l’institut Pasteur. [11] https://lebonusagedesecrans.fr/essentiel-a-savoir/consequences-usage-excessif/ [12] « La surcharge cognitive au cœur du droit à la déconnexion- Les 3 facteurs de la charge ». Rencontre E&P du 22/09/2017. [13] De Ré-Vannière Laurence et Debande Jean-Christophe, Droit à la déconnexion : figure de l’engagement 3.0 ? 2016-12, p. 16. [14] Jauréguiberry Francis, « Les téléphones portables, outils du dédoublement et de la densification du temps : un diagnostic confirmé », tic&société [En ligne], 2007, 1(1), http://journals.openedition.org/ticetsociete/281. [15] Felio, Cindy, « Par-delà les pratiques individuelles : l’idéologie managériale comme armature de l’autodiscipline des cadres équipés de TIC », Travailler, 2016, 1(35), 191-212. [16] Interview pour Québec Science, de la neuroscientifique et psychologue Mary Helen Immordino-Yang en mai 2016. [17] https://www.forestapp.cc/ [18] https://play.google.com/store/apps/details?id=co.offtime.kit&hl=fr [19] Oliveri Nicolas et Pélissier Nicolas, « Repenser les dispositifs numériques des organisations au prisme des risques technosociaux (rts). Identification, évaluation, prévention », Les Cahiers du numérique, 2019, 4(15), 87-111. https://www-cairn-info.inshs.bib.cnrs.fr/revue-les-cahiers-du-numerique-2019-4-page-87.htm2020 : l’année de la transition écologique pour la fonction RH ?
Des incendies aux marches et grèves climat
Le réchauffement climatique annoncé depuis plus de 50 ans, est devenu une réalité. Les feux de forêt en Californie et en Europe du Nord en 2018, ceux de l’Amazonie et de l’Australie en 2019, et plus généralement la multiplication des dérèglements climatiques ont remis en cause nos certitudes sur la stabilité du monde que nous connaissons. Il reste 10 ans de budget carbone pour maintenir le réchauffement climatique sous les 1,5 degrés. Combien d’années pour faire évoluer nos modes de production et de consommation et réaliser la transition écologique de la fonction RH ? En 2019, nous avons assisté à l’émergence d’un mouvement citoyen mondial pour le climat. La mouvance Fridays for future a ainsi mobilisé, avec l’appui de syndicats et d’entreprises, plus de 7 millions de personnes dans 165 pays pour exiger la réduction des émissions de CO2. D’autres acteurs de la société civile ont émergé en appelant à des actions de désobéissance civile (blocage par exemple de grandes entreprises), en particulier Extinction Rebellion – en France, parfois en collaboration avec certains gilets jaunes.Des pouvoirs publics de plus en plus interventionnistes
A l’international, l’ONU a promulgué, en 2019, 17 objectifs de développement durable à destination des pays, des entreprises et des citoyens qui actualisent le Global Compact déjà signé par près de 10 000 entreprises dans le monde. Parallèlement, en décembre 2019, la Commission européenne s’est engagée à faire de l’Europe le premier continent neutre en carbone à l’horizon 2050. Une loi climatique sera présentée en mars 2020, visant une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 50 % d’ici 2030, soit une baisse de 7 % par an. Le Green Deal européen proposé prévoit à cette fin un fonds pour la transition juste et un plan d’investissement de 1 000 milliards d’euros sur 10 ans. En France, en 2018, la loi Pacte a modifié l’objet social des entreprises qui doivent désormais prendre « en considération les enjeux sociaux et environnementaux de [leur] activité » et ouvert la voie vers la création d’« Entreprise à Missions ». Plusieurs textes de loi ont été adoptés sur la transition écologique, notamment le Projet de loi sur la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire. A l’occasion des vœux, le gouvernement a indiqué la nécessité d’une « rupture environnementale » dans la politique économique afin d’encourager « le temps de la croissance durable ».Entreprises et fonction RH
Dans ce contexte, si les entreprises sont inégalement impactées en fonction de leur activité, toutes doivent s’ajuster et prendre position face à une évolution rapide forte et simultanée des attentes de leurs parties prenantes (clients, consommateurs, investisseurs, régulateurs) sur l’écologie. Certaines entreprises adoptent des postures proactives, visent un basculement vers l’entreprise à mission, un positionnement sur le secteur des produits sains, la neutralité carbone, l’écoconception, le recyclage, etc. Des grandes entreprises internationales tous secteurs confondus (industriel, textile, alimentation, service, banque-assurance, etc.) s’engagent par exemple dans des initiatives comme Act4Nature en faveur de la biodiversité. D’autres organisations s’appuient sur les outils de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) pour développer une économie circulaire, etc. Ces évolutions impactent la DRH de plusieurs manières. Dans son activité traditionnelle, elle doit relever les défis de l’identification, de l’attraction et du développement des compétences nécessaires à l’évolution de l’activité vers le durable. D’autres adaptent leur marque employeur aux attentes des nouvelles générations, organisent le dialogue social sur ce sujet (plan de mobilité), intègrent des critères écologiques dans la rétribution de leurs dirigeants ou managers. Comme à l’occasion de la digitalisation, la fonction RH est également invitée à évoluer plus en profondeur. Certains chercheurs en sciences de gestion (Janaina et Genari, 2019) invitent ainsi à penser le « leadership durable ». Faut-il revisiter la culture d’entreprise ? Passer d’une culture productiviste à une culture permaculturelle, moins basée sur la productivité individuelle que sur l’optimisation des coopérations entre salariés, et avec les organisations de l’écosystème de l’entreprise ?Ce sujet vous intéresse ? Vous souhaitez co-construire avec vos pairs et des experts des solutions innovantes pour permettre à la fonction RH d’accompagner ce virage stratégique de l’entreprise, rejoignez notre action lab !
Pour aller plus loin :
https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/ https://www.unglobalcompact.org/ https://www.vie-publique.fr/loi/268681-projet-de-loi-lutte-contre-le-gaspillage-et-economie-circulaire Macke Janaina et Genari Denise (2019), “Systematic literature review of sustainable human resource management”, Journal of Cleaner Production, 208, p. 806-815.Fonction RH et transition écologique : vers une convergence ?
Interview de Joël Tronchon, directeur du développement durable du groupe SEB
En Italie, des programmes de team building écologiques et solidaires
Finis les sauts en parachute ou les cours de cuisine ? Ces dernières années, les entreprises italiennes ont multiplié les programmes de team building qui font sens pour la communauté et l’environnement. Des expériences qui leur permettent à la fois de concrétiser leur engagement en matière de RSE et d’augmenter la motivation des salariés, à la frontière entre les classiques programmes classiques de team building et les journées de bénévolat d’entreprise. Legambiente, l’une des principales associations environnementales italiennes, engage ainsi les entreprises à participer à ses campagnes pour nettoyer les plages ou les lieux publics, repeindre les écoles, etc. Fin septembre, comme le relate le quotidien Il Sole 24 Ore, 350 salariés de Heineken Italie ont ramassé 5 tonnes de déchets sur les rives du Tessin. Parmi eux, le Managing Director Italie et le DRH Mario Perego. Celui-ci souligne que ces journées ont connu un fort taux d’adhésion et « auront un impact en termes de team building et de fluidité dans les relations ». Dans le même esprit, 90 salariés d’American Express Italie ont consacré une journée l’an dernier à nettoyer la plage Capocotta près de Rome, une initiative qui fait partie du programme international « Keep it Blue » mené par le groupe américain avec Ocean Conservancy. En avril, les travailleurs de l’Enel (équivalent italien de EDF) ont ramassé des déchets dans le parc de la Villa Borghese à Rome, dans le cadre d’un projet de bénévolat qui a concerné cette année 700 personnes (sur 7 000 demandes !) en partenariat avec quatre associations. Les programmes de team building solidaires ont eux aussi le vent en poupe. Dès 2015, FCA a mobilisé 300 salariés de sa division Achats (dirigeants compris), sur quatre mois, pour repeindre les locaux de centres d’accueil ou d’écoles, « une modalité sociale pour obtenir des résultats dans l’entreprise », selon le groupe. Quant à la filiale italienne de Marsh, ses collaborateurs jouent depuis plusieurs années aux plâtriers-peintres dans les locaux de centres pour jeunes en difficulté, ou les professeurs d’informatique auprès de jeunes mamans en situation vulnérable. Comme l’a souligné Barbara Ghirimoldi, directeur marketing et communication pour l’Europe continentale de Marsh, « faire du bien aux autres est le meilleur exercice de team building possible ». Si tous les témoignages montrent l’enthousiasme des salariés pour ces pratiques, gare au greenwashing : pour avoir des effets de long terme sur l’engagement des collaborateurs, ces programmes de team building doivent être intégrés dans des stratégies RH et RSE cohérentes.Hélène Martinelli, Correspondante d’Entreprise&Personnel en Italie
Pour en savoir plus
- Propositions de Legambiente pour le bénévolat d’entreprise: https://www.legambiente.it/sinergie-creare-valore-con-legambiente/
- Sur Heineken : « In Heineken il team building si fa sostenibile », Il Sole 24 Ore, 25 septembre 2019
- Sur American Express : https://about.americanexpress.com/blog/lets-keep-it-blue-together et pour l’Italie : http://finanza.tgcom.mediaset.it/news/dettaglio_news.asp?id=201810262000051603&chkAgenzie=PMFNW&sez=news&testo=&titolo=American%20Express:%20il%2029/10%20con%20dipendenti%20ripulisce%20spiaggia%20di%20Ostia
- Sur Enel : https://corporate.enel.it/it/storie/a/2019/04/progetti-volontariato-enel-programma-2019
- Sur FCA : vidéo https://video.repubblica.it/edizione/torino/torino-nasce-il-team-building-sociale-della-fca/213138/212313
- Sur Marsh : article publié le 24 septembre 2017 sur CSR Oggi, https://www.csroggi.org/marsh-dipendenti-al-lavoro-per-la-responsabilita-sociale/
L’illectronisme : un danger pour la société et les entreprises
- Baromètre du numérique, Conditions de vie et aspirations des Français, Paris, CREDOC, 2018.
- European Commission, Digital Economy and Society Index Report (DESI), 2019 https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/desi
- INSEE, L’illectronisme ou l’incapacité à utiliser des ressources et moyens de communications électroniques, Paris, octobre 2019.
- Syndicat de la presse sociale, Livre blanc « contre l’illectronisme », Paris, juin 2019.
Point de vue : Faut-il brûler le document unique ?
La croissance des tiers-lieux : une tendance irréversible ?
L’inclusion des personnes LGBT en entreprise : nouvelles perspectives ?
Les seniors sont-ils des travailleurs comme les autres ?
La Laïcité dans l’entreprise en France
Laïcité et fait religieux en entreprise, vers un apaisement ?
La réforme de la loi de 1905 (séparation des Églises et de l’État) sera prochainement débattue au Sénat et à l’Assemblée nationale, notamment pour réguler le culte musulman. Deux enquêtes fournissent de nouveaux chiffres sur le rapport à la laïcité des Français(e)s et le fait religieux en entreprise.Laïcité et fait religieux en France
Laïcité et fait religieux en entreprise, vers un apaisement ?
La réforme de la loi de 1905 (séparation des Églises et de l’État) sera prochainement débattue au Sénat et à l’Assemblée nationale, notamment pour réguler le culte musulman. Deux enquêtes fournissent de nouveaux chiffres sur le rapport à la laïcité des Français(e)s et le fait religieux en entreprise.Les seniors ou les jeuniors sont-ils des travailleurs comme les autres ?
Les seniors : une part croissante de la population active
L’INSEE (2018) rappelle que la part des 65 ans et plus devrait passer, entre 2013 et 2040, de 18 % à 26 % et que la part des seniors de 55 ans et plus dans la population active passer de 17,5 % à 21 %. Face à l’échec des mesures ciblées sur le maintien dans l’emploi des seniors, les pouvoirs publics tendent à promouvoir de plus en plus une approche globale de l’emploi afin de prendre en compte la diversité des parcours professionnels. D’ailleurs, entre 2006 et 2017, le tau d’emploi des seniors en France a triplé, passant de 1,1 % à 3 % (INSEE, 2018 ; France Stratégie, 2018).L’entreprise et l’emploi des seniors
Sous l’égide de ces nouvelles politiques, les entreprises tendent à maintenir les seniors dans l’emploi, et dans le cadre des transitions professionnelles ou de la prévention des risques professionnels. Au-delà de la volonté de mettre fin à toute discrimination liée à l’âge, certaines entreprises cherchent à valoriser les compétences acquises par les seniors, tout en rendant attractive leur fin de parcours professionnel. Notre benchmark met en évidence que, pour maintenir dans l’emploi ou favoriser le retour à l’emploi des plus âgés, différents leviers sont aujourd’hui utilisés par les entreprises :- Aménager les horaires de travail en fonction de l’état de santé ou de la pénibilité ;
- Favoriser le télétravail ;
- Améliorer les conditions de travail des personnes les plus exposées (machines, produits toxiques ou dangereux, etc.) ;
- Mener des politiques préventives contre l’usure professionnelle ;
- Développer une GPEC globale (transmission de compétences, reconversion, accompagnement de projet professionnel, tutorat par les seniors ou tutorat inversé, VAE et bilan des compétences, etc.) ;
- Proposer des possibilités de volontariat de solidarité ou de mécénat de compétences.
La catégorie jeunior va-t-elle supplanter celle de senior ?
Pour certains économistes (Carcillo et Valfort, 2018), les seniors restent fortement discriminés. Comme le souligne l’enquête de l’INSEE (2018), les femmes seules, les immigrés, les peu qualifiés et les habitants des zones rurales demeurent les plus fragilisés sur le marché du travail des plus de 60 ans. Mais d’autres sociologues (Petit, 2016) soulignent l’essor de la silver generation et sa capacité à rebondir, à s’adapter à son environnement. Certains n’hésitent pas à recourir au concept de « jeunior » pour qualifier la génération de baby-boomers (60 ans et plus) adeptes de liberté, de jouissance, de voyages mais aussi d’engagement professionnel, social ou politique et de nouveaux outils digitaux. Courtisés par le marketing, les jeuniors représenteraient plus de 20 millions de personnes en France en 2020 (INSEE, 2018). Dans un contexte de vieillissement démographique (Guillemard et Mascopa, 2017), cette génération souhaite rester active, notamment dans l’entreprise, en cumulant retraite et revenu du travail (en tant que freelance, autoentrepreneur, employé à temps partiel, indépendant, etc.) soit par choix individuel, soit par nécessité ; elle peut également s’engager bénévolement dans le monde associatif. Une entreprise comme la Française des Jeux n’hésite pas à s’emparer de cette notion en l’étendant aux salariés âgés de 45 ans et plus, transformant le concept en « jénior » (voir la vidéo sur le sujet). Derrière un nouveau concept marketing, force est de reconnaître que les travailleurs âgés peuvent connaître des trajectoires professionnelles très différentes. Les uns subissent un chômage longue durée ou acceptent un emploi qui ne correspond ni à leur qualification ni à leur ancien niveau de rémunération. Les autres, souvent bien diplômés, s’investissent dans les éco-villages, transforment leur domicile pour accueillir leurs parents, leurs enfants et petits-enfants mais sont aussi en attente de considération et de modalités de travail porteuses de sens. Plutôt que de se cantonner à une approche purement générationnelle reliée aux classes d’âge, la fonction RH est donc appelée à diversifier ses pratiques à l’égard de la population âgée, en les inscrivant dans des politiques plus globales de gestion de la carrière.RH 2030 : vous serez plutôt Steve Jobs ou mère Teresa ? Ou les deux ?
- fidélisation des talents et qualité de vie au travail ;
- développement d’une marque employeur porteuse de sens ;
- développement des compétences, formations innovantes et agiles ;
- maîtrise des évolutions réglementaires et dialogue social ;
- RSE ;
- New Ways of working, etc.
Connaissez-vous le PNNS et La Charte d’engagement des entreprises ?
Événements
De la formation à l’entreprise apprenante : retours d’expériences
Rencontre adhérent animée par Pascale FOTIUS, Carine CHAVAROCHETTE
A l’heure où l’on passe d’une culture de la formation à une culture du développement des compétences en continu (pour des questions d’efficacité mais aussi parce que c’est proche du travail que l’on apprend pour de vrai !), nous allons éclairer ce que sont des processus apprenants dans une organisation hybride.
- Que nomme-t-on par processus apprenants ?
- Comment repérer et analyser ce qui freine ou accélère l’apprentissage ?
- Selon quelle approche : vision du développement, culture, organisation et management, politique Talent & formation ?
- A l’appui de quelles démarches opérationnelles ?
- Comment aider les équipes Learning&Culture à construire et amplifier des dynamiques apprenantes ?
Cet évènement sera l’occasion de partager des démarches agiles et collaboratives pour identifier et activer les leviers d’une organisation apprenante, activer la coopération et l’intelligence collective.
Recrutement et onboarding à l’épreuve de la digitalisation
Rencontre adhérent animée par Carine CHAVAROCHETTE, Maud GUY-COQUILLE
En période de bouleversements sociétaux et sanitaires, le développement du recrutement et de l’onboarding à distance permet aux organisations de s’adapter aux nouvelles réalités du monde du travail. Dans le cadre de la publication « Le recrutement et l’onboarding à l’épreuve de la digitalisation » , parue en décembre 2021, nous avons mis en lumière les transformations des pratiques de recrutement et d’onboarding d’entreprises adhérentes et non adhérentes.
Des entreprises adhérentes viendront témoigner tout au long de cette rencontre sur ce qu’elles ont expérimenté et le bilan qu’elles en font. Ce sera l’occasion d’échanger avec elles et de partager vos propres retours d’expérience.
Diversité et inclusion : quels défis pour les politiques d’entreprise ?
Rencontre adhérent animée par Maud GUY-COQUILLE, Carine CHAVAROCHETTE
Les sujets liés à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, au handicap ou encore à la diversité des âges font partie des fondamentaux des politiques Diversité & Inclusion dans la grande majorité des entreprises. La crise a mis l’accent sur ces sujets, notant parfois leur aggravation : « Une génération, c’est le temps perdu à cause de la crise, dans la course pour atteindre l’égalité entre les femmes et les hommes au niveau mondial », d’après le Forum économique mondial…
Plus globalement, les mouvements sociétaux, politiques, économiques… des dernières années ont mis sur le devant de la scène des sujets dont les politiques D&I commencent à s’emparer : diversité sociale et ethnique, état de santé physique et mental, fracture numérique…
Dans ce contexte, comment les entreprises s’emparent de ces questions ? Quelles priorités pour les années à venir ?
La rencontre sera l’occasion de partages autour de témoignages adhérents et d’apports de nos spécialistes Entreprise&Personnel.
Arrêt sur image après 1 an d’e-recrutement et d’e-onboarding : quel bilan ?
Webinar animé par Maud GUY-COQUILLE, Carine CHAVAROCHETTE
En 2020, de nombreuses entreprises ont fait le choix de continuer à recruter et intégrer de nouveaux collaborateurs. Certaines ont opté pour du tout à distance, d’autre pour un mix distanciel/présentiel.
Avec un recul d’un an maintenant, nous proposons, dans le cadre de ce webinar, de revenir sur les choix effectués par les entreprises et les enseignements qui peuvent en être tirés.
Nous aborderons les questions suivantes :
- Quels ont été et sont les choix des équipes RH dédiées en matière d’outils, de pratiques, de critères pour le recrutement et l’onboarding ?
- Comment cela a-t-il fait évoluer le cadre du recrutement et de l’intégration de nouveaux collaborateurs ?
Sur la base de témoignages recueillis auprès de spécialistes du sujet dans plus de 15 entreprises de secteurs variés, nous vous proposons de partager autour de ces questions pour penser le recrutement et l’onboarding de demain.
Pourquoi aller au bureau ? Comment repenser vos espaces de travail en fonction des nouveaux usages ?
Action Lab animé par Pascale FOTIUS, Carine CHAVAROCHETTE
L’année 2020 aura profondément modifié notre relation et notre utilisation des espaces de travail. La révolution des bureaux est en marche !
Espaces d’apprentissage, circulation de l’information, émergence des idées, innovation, construction du collectif … tous ces usages questionnent les principes d’unicité de lieu et de temps au travail.
Structurer vos espaces de travail, trouver un équilibre entre présentiel et distanciel en fonction de la dimension collective nécessaire à la réalisation des activités sont des défis à relever de façon urgente.
Nous vous proposons de travailler avec vous et vos pairs pour vous apporter des grilles de lecture et des outils qui permettent de structurer les différents espaces de travail et renforcer l’efficience collective au bureau.
Nous avons spécialement conçu pour vous une nouvelle forme d’expérience collaborative : un Action Lab pour coconstruire, avec vos pairs et des experts, des solutions opérationnelles innovantes.
Nous vous proposons :
- de concevoir ensemble des outils pour structurer les différents espaces de travail,
- de partager les pratiques d’entreprises innovantes en la matière,
- et de coconstruire des outils utiles à la mise en œuvre.
Visual Thinking : animer vos séminaires grâce aux outils visuels
Formation E&P Learning animée par Carine CHAVAROCHETTE
–> Faire le point sur les méthodes de visual thinking
–> S’approprier les méthodes d’animation visuelle en présentiel/distanciel
Programme
- Les temps forts de l’animation visuelle en entreprise
- Panorama des outils d’animation visuelle : pourquoi ? Quelles pratiques innovantes ? Quelles thématiques peuvent être abordées en entreprise ?
- Comment utiliser un kit d’animation visuelle pour optimiser vos conventions, vos séminaires, vos séances de brainstorming, vos ateliers de co-construction.
- Les principaux sujets de l’animation visuelle : travailler sur les représentations de vos collaborateurs, de vos équipes ; confronter les points de vue, faire dialoguer les parties prenantes, développer la créativité et l’efficacité.
- Apprendre à mieux connaître en une demi-journée ou journée ses pairs, ses collègues, son équipe.
Public
DRH, Responsables RH, Responsables formation, cadres de la fonction RH, chargés de projet, managers.
Pré-requis
Expérience d’animation de séminaires professionnels
FORMATION EN DISTANCIEL DE DEUX DEMI-JOURNEES
Café thématique : Une autre lecture de la formation à travers l’échange social
Webinar animé par Carine CHAVAROCHETTE
Un échange avec Nathalie DELOBBE, Professeur ordinaire en formation d’adultes et organisation, Faculté de Psychologie et des sciences de l’Éducation, université de Genève.
Dans la plupart des organisations, la formation est aujourd’hui sommée de faire la preuve de son efficacité en terme de transfert d’apprentissage et d’amélioration des performances individuelles et collectives. Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi et, intuitivement, les formateurs savent bien que la formation remplit d’autres fonctions presque inavouables aujourd’hui : espace de récupération et de récréation, lieu de socialisation et de networking, signe de reconnaissance et récompense symbolique. Et si ces fonctions avaient elles aussi une réelle valeur ajoutée pour les organisations, suffisante pour assurer son retour sur investissement ?
La théorie de l’échange social, cadre de référence majeur des sciences sociales, sera utilisée pour jeter un regard neuf sur ces fonctions peu reconnues dans la formation. Elle permet en effet d’analyser la formation comme une pratique participant à la construction d’un contrat psychologique plus large et réciproque entre employés et employeurs, fruit de dons et de contre-dons tant tangibles que symboliques, décisif dans le développement d’une relation d’emploi durable et bénéfique pour les deux parties. Cette relecture de la formation permettra en particulier d’éclairer sous un jour neuf deux champs d’action communs des formateurs: les programmes d’intégration de jeunes recrues, d’une part, l’évaluation des effets de la formation, d’autre part.
Visual Thinking : animer vos séminaires grâce aux outils visuels
Formation E&P Learning animée par Carine CHAVAROCHETTE
Objectifs
- Faire le point sur les méthodes de visual thinking
- S’approprier les méthodes d’animation visuelle en présentiel/distanciel
Programme
Les temps forts de l’animation visuelle en entreprise
- Panorama des outils d’animation visuelle : pourquoi ? Quelles pratiques innovantes ? Quelles thématiques peuvent être abordées en entreprise ?
- Comment utiliser un kit d’animation visuelle pour optimiser vos conventions, vos séminaires, vos séances de brainstorming, vos ateliers de co-construction.
- Les principaux sujets de l’animation visuelle : travailler sur les représentations de vos collaborateurs, de vos équipes ; confronter les points de vue, faire dialoguer les parties prenantes, développer la créativité et l’efficacité.
- Apprendre à mieux connaître en une demi-journée ou journée ses pairs, ses collègues, son équipe.
Public
DRH, Responsables RH, Responsables formation, cadres de la fonction RH, chargés de projet, managers.
Pré-requis
Expérience d’animation de séminaires professionnels.
WEBINAR-En temps de crises sanitaires : comment agir sur l’organisation du travail et ses espaces ?
Webinar animé par Pascale FOTIUS, Carine CHAVAROCHETTE
La forte turbulence des derniers mois réinterroge l’organisation du travail et ses espaces. Le bureau se déplace à la maison. Le flex office, l’open space sont questionnés. On ne peut pas penser l’espace de travail de demain sans penser le travail et son organisation permettant la performance collective. Il s’agit donc de (re)penser les espaces, en interrogeant leurs usages, ce qu’on y fait, ce que l’on veut y faire et pourquoi.
Les choix réalisés pour concevoir et/ou aménager des espaces sont articulés à l’évolution de l’activité. Ces espaces de travail doivent s’adapter à l’organisation du travail et non l’inverse. Comment appréhender la dimension collective du travail post crise ? Pourquoi et comment le travail au bureau renforce cette dimension ? Quel impact sur la Fonction RH et comment agir avec l’ensemble des parties prenantes mobilisées (Direction immobilière, DAF, DRS, Direction de la production) ?