
Fanny BARBIER
Editrice associée au sein de la Smart Factory d’Entreprise&Personnel, étudie en quoi les évolutions de la société ont un impact sur le travail et les organisations. Responsable des publications en ligne « Emploi, formation, compétences ». Fanny Barbier a travaillé au sein de plusieurs cabinets de conseil en RH ou en organisation. Elle a co-créé et animé l’Institut du Leadership, think tank interne de BPI group. Membre du comité de rédaction de Metis – Correspondances européennes du travail.
Quoi de neuf
Up et reskilling dans le secteur bancaire : modalités et conditions de succès
Pourquoi reskiller et upskiller ?
Tant à Natixis qu’à Société Générale, les programmes de reskilling et/ou d’upskilling ont une même origine : la prise de conscience de la transformation des métiers bancaires sous l’impact du numérique, de l’arrivée des nouveaux entrants (pure players numériques) sur le marché de l’offre bancaire, et de l’évolution des contraintes réglementaires. Société Générale souligne également le rôle des changements organisationnels qui peuvent renforcer la transformation de certains métiers. Parallèlement, la demande sur d’autres postes est forte, qu’il s’agisse de nouveaux métiers ou de métiers structurellement déficitaires en termes de candidatures. Les programmes de reskilling et/ou d’upskilling viennent proposer une « offre de services » à cette analyse des déséquilibres entre l’offre et la demande de compétences. Nos interlocutrices soulignent la dimension « d’employeur responsable » (V. Goutard, Société Générale) qui propose à ses collaborateurs de nouvelles options de carrière et à ses managers des recrutements qualifiés sur les compétences en pénurie. S’appuyant sur des études préalables, Cristel Guillain (Natixis) insiste également sur le fait qu’il est souvent plus rentable de chercher la compétence à l’intérieur de l’entreprise qu’à l’extérieur.[1] Par ailleurs, le programme transversal de reskilling de Société Générale, inter-métier et à destination de plusieurs cohortes de collaborateurs, a débuté en 2020 et reçu un « coup d’accélérateur » inattendu avec la crise sanitaire. D’une part, les recrutements externes ont connu, comme dans d’autres entreprises, un ralentissement. D’autre part, la mobilité interne est devenue moins fluide. Le lancement du programme de reskilling en septembre 2020 a été une façon d’aider la mobilité interne et de répondre à des déséquilibres amplifiés par la pandémie.Quels sont les métiers concernés par l’upskilling et le reskilling ?
Qui est éligible pour rentrer dans le programme de reskilling et/ou d’upskilling ? Les réponses de Natixis et de Société Générale diffèrent. A Natixis, le programme a commencé en 2019 dans la direction Technology & Transformation, pour les métiers des Opérations de la Banque de grande clientèle dont les façons de travailler, les outils, les process étaient particulièrement affectés par le numérique, et pour les métiers des Systèmes d’information et du Digital qui souffraient d’une pénurie de compétences et de candidatures sur certains postes. En 2020, le programme a accueilli 140 collaborateurs de cette direction mais aussi du pôle Paiement. Pour chaque poste accessible via le programme de reskilling/upskilling, toutes les compétences préalables sont décrites dans l’offre d’emploi publiée sur le site mobilité de Natixis. Pour les postes en reskilling, ce sont les compétences comportementales qui sont recherchées, les compétences techniques étant celles que le programme propose d’acquérir. Depuis 2017, il existe chez Natixis un process d’identification des métiers en transformation au travers d’une démarche qui réunit RH, managers et responsables des métiers. Ce process permet d’informer les collaborateurs sur l’évolution de leurs emplois afin qu’ils puissent anticiper leur évolution professionnelle, par exemple en s’orientant vers de nouveaux métiers via le programme de reskilling/upskilling. Le programme de reskilling/upskilling est accessible à tous les collaborateurs de Natixis mais ceux qui ont un emploi en transformation sont prioritaires. A Société Générale, les métiers en transformation sont identifiés dans le cadre de la GPEC. De fait, le programme de reskilling est ouvert à tous les salariés du Groupe, que leur métier soit en transformation ou non. En revanche, Société Générale demande aux collaborateurs qui débutent le programme un « socle de compétences initiales » : les collaborateurs doivent ainsi disposer de connaissances préalables sur le métier vers lequel ils veulent évoluer, acquises au travers d’expériences professionnelles antérieures. « On ne part pas de la page blanche », explique Valérie Goutard. « Il faut déjà avoir de 50 à 60% des connaissances » pour débuter le métier. Le secteur bancaire est un terrain fertile pour les programmes d’up et de reskilling. Comme le souligne Valérie Goutard, les collaborateurs de la Banque ont un niveau d’études minimum Bac+2, et plus généralement Bac+4 ou 5. L’école est une référence forte pour eux. Ce sont des personnes qui sont familières avec les examens et qui ont « envie d’apprendre ». Qu’en est-il des métiers vers lesquels le programme de reskilling oriente et forme les collaborateurs ? S’il s’agit dans les deux cas de métiers qui sont en tension pour le staffing, les priorités métiers diffèrent. Du fait des besoins de Natixis dans les métiers du numérique, Cristel Guillain reconnaît la prépondérance des premiers parcours vers ce type de métiers. Elle évoque notamment :- Un programme de reskilling pour former des développeurs informatiques ;
- Un programme d’upskilling des développeurs informatiques pour les former aux nouveaux langages informatiques ;
- Un programme sur les métiers de la data : « Les métiers de la data ne sont pas uniquement des métiers techniques de type Data Engineer au sein de la Direction des systèmes d’information et du digital. Il y a aussi des data managers et des data analysts au sein même des métiers. Ce sont des personnes qui, dans les métiers, connaissent très bien les données, savent où aller les chercher, comment les corriger, comment les exploiter. On leur apporte la connaissance des outils qui leur permettront de faire encore mieux le travail qu’ils font déjà pour certains (c’est bien de l’upskilling dans ce cas) ».
Articulation et évolution des démarches d’upskilling et de reskilling
Les programmes de Natixis et de Société Générale, qui ont démarré respectivement en 2019 et 2020, partagent de nombreux points communs. Ces proximités sont notamment dues à des échanges entre les responsables des programmes, qui ont permis à Valérie Goutard de s’inspirer des acquis du programme de Natixis (et d’autres entreprises). Les deux banques partagent tout d’abord une approche « projet » du reskilling et/ou de l’upskilling : dans les deux cas, une petite équipe a été constituée pour lancer, dans les mois suivants, un premier pilote/POC avec une quarantaine de collaborateurs. Lors de la deuxième année du projet, le passage à l’échelle a permis d’accompagner 140 collaborateurs de Natixis, et, à Société Générale, entre 100 et 150 collaborateurs. Chez Natixis, entre la première et la deuxième année du projet, la démarche a évolué. La première année (POC), la formation pouvait être réalisée alors que les collaborateurs travaillaient sur leur poste d’origine, puis la mobilité vers un nouveau poste serait réalisée. Or, comme le souligne Cristel Guillain, « nous avons pris conscience que (…) la façon dont on avait construit les parcours faisait qu’on n’avait pas forcément à la fin le poste qui allait permettre de mettre en pratique ce que le collaborateur avait appris. C’était un frein pour nous et nos collaborateurs. On s’est également aperçu que c’était difficile, que ça demandait beaucoup d’investissement à un collaborateur, en plus de son travail [sur son ancien poste] de se former en parallèle sur des compétences nouvelles ». D’où la refonte du parcours, passant tout d’abord par l’ouverture de postes au reskilling (il est précisé que le poste est ouvert aux non-spécialistes) ; puis par la mobilité interne du candidat, avec sa sélection par le manager d’accueil ; enfin, par le début de la formation « théorique » et pratique avec un tuteur qui accompagnera la prise de poste de la personne en up ou reskilling. Société Générale partage l’intégralité des étapes de la démarche révisée de Natixis (mobilité pour rentrer en reskilling, formation qui commence à la prise de poste, accompagnement par un « pair tuteur »). Il existe néanmoins une différence importante dans la conception des parcours des deux organisations.- A Natixis, la plupart des parcours sont « cousus main » : « Nous avons construit des parcours en fonction des postes à pourvoir. Lorsque le collaborateur est sélectionné sur ce poste, le parcours peut être adapté à son profil ». Lorsque c’est possible, la Banque lance également des « promotions » de 8 à 10 personnes sur des « poches de compétences » identifiées avec des besoins importants (le développement informatique, les métiers de la data, la conduite de projet etc.).
- Société Générale ne réalise pour sa part que des programmes collectifs de reskilling, sur les 4 métiers précédemment cités. L’entreprise utilise cet « effet promotion » en organisant et en incitant aux échanges et à l’entraide entre les membres d’une même cohorte.
Le rôle clé des managers d’accueil
Ici encore, nous constatons des ressemblances entre les deux dispositifs : les managers d’accueil jouent un rôle clé dans la démarche. Ce sont eux qui ouvrent les postes et recrutent les candidats : « Ils sont exigeants, très vigilants sur les soft skills. Cette sélection est une chance pour la réussite du dispositif » reconnaît Valérie Goutard. Ce sont les managers qui font en sorte que l’intégration se passe bien, que des tuteurs soient dédiés et formés à l’accompagnement des candidats. « C’est un grand chantier » précise Cristel Guillain, d’autant que le parcours peut durer entre 3 et 9 mois. Dans les conditions sanitaires actuelles, il peut être rallongé en raison de l’obligation d’être mené à distance —ce qui rend plus difficile l’acquisition de compétences— ou de contraintes propres aux prestataires de formation. Elle insiste sur le fait que les programmes qui fonctionnent sont fabriqués avec le manager d’accueil : « On coconstruit le parcours avec lui ». Il est partie intégrante du processus que Natixis veille à améliorer en continu. Dans sa deuxième année d’existence, le programme de Société Générale informera plus largement les managers : « Nous allons les mettre à bord ». Outre un webinar qui existait déjà, des sessions pédagogiques sont organisées pour leur expliquer les tenants et aboutissants de la démarche et « leur proposer de monter un programme pour eux s’ils ont des besoins. » Cette démarche volontariste auprès des managers est présente également chez Natixis : « Nous allons chercher les managers », ajoute Cristel Guillain. « Si tu as ce besoin en compétences du futur, nous allons monter avec toi la formation et le parcours. » Pour « embarquer » les managers, il s’agit aussi de leur démontrer l’efficacité du reskilling par rapport au recrutement. Valérie Goutard (Société Générale) leur explique ainsi que, contre toute attente, le reskilling n’est pas forcément plus long que le recrutement. Les temporalités du reskilling et du recrutement externe sont souvent comparables. Dans le cas du reskilling, la période d’intégration dans le poste est couplée à une formation professionnelle. Mais, dans le cas du recrutement de candidats externes, l’intégration passe par un temps d’acculturation à l’entreprise et à son organisation.Les programmes d’upskilling et de reskilling au sein de chaque organisation
Dans les deux banques, les dispositifs d’up et de reskilling sont gérés par des petites équipes dédiées en lien avec les autres fonctions RH. La coordination avec ces fonctions/process RH est une clé de la réussite des programmes. Comme le résume Valérie Goutard, « ce projet de reskilling, c’est beaucoup de go-between. (…) C’est de l’humain qui met en relation des choses qui existent déjà, et qui va les faire coulisser. » A Société Générale, l’équipe est « une task force continue » qui agit « en mode start-up », avec des décisions rapidement prises et une implication forte de la DRH. L’équipe n’a pas forcément vocation à s’institutionnaliser : lorsque le projet sera pleinement opérationnel, il pourrait être intégré à une autre fonction RH. L’équipe se coordonne aujourd’hui notamment avec :- La Direction métiers, qui est un acteur clé car c’est elle qui a le mandat pour s’adresser aux collaborateurs en mobilité. C’est également elle qui gère les outils du groupe utilisés par le projet comme la bourse des emplois où sont publiés les postes, ou l’ATS, qui reçoit les candidatures. De même, les conseillers en recrutement participent à la lecture et à la sélection des CV à proposer aux managers.
- Les équipes du learning : « Nous travaillons aussi avec les équipes du learning pour compléter un besoin en formation, avec un MOOC ou une e-formation sur le métier » ;
- Pour chaque cohorte métier, une task force est constituée pour « rentrer dans le métier » et « aller vite ». Elle peut réunir des personnes venant du learning, du métier, un HRBP… Ils travailleront ensemble à sélectionner les métiers, à communiquer auprès des managers et à suivre les entretiens de recrutement par exemple.
Conclusion : les conditions du succès des programmes de reskilling et d’upskilling
En guise de conclusion, voici un résumé des conditions du succès des programmes de reskilling et d’upskilling dans les deux banques analysées :- Une équipe dédiée, agile, avec le sponsoring de la DRH ;
- Des parcours qui s’appuient sur une mobilité effective vers l’emploi cible ;
- Des parcours qui font appel à l’engagement des candidats ;
- Des parcours qui embarquent les managers d’accueil et reconnaissent leur rôle prépondérant dans le choix des candidats, la co-construction des programmes, l’accompagnement ;
- Une équipe qui travaille en étroite collaboration avec plusieurs fonctions RH (notamment les équipes formation et mobilité) ;
- Un dispositif en phase avec la gestion prospective des emplois et des compétences et avec les directions opérationnelles ou métiers ;
- Des partenariats sélectifs avec des écoles et centres de formation, en complément de l’offre de formation interne.
Bibliographie
- Cappelli, P. (2019). Your approach to hiring is all wrong. Harvard Business Review, 97(3) 48-58.
- World Economic Forum (2018). Towards a Reskilling Revolution: A Future of Jobs for All. http://www3.weforum.org/docs/WEF_Towards_a_Reskilling_Revolution.pdf
Télétravail & productivité, 6 mythes à déconstruire
Rester prudent sur les généralisations
Il est nécessaire d’aborder avec prudence ces sujets et ne pas en extrapoler trop rapidement des tendances générales. Les données citées proviennent, d’une part, d’études menées avant la crise, dans un contexte très différent de télétravail réalisé sous de bonnes conditions en termes d’infrastructures par exemple, adopté souvent sur le mode du volontariat et circonscrit à des métiers pensés comme télétravaillables (PORA, 2020)[1]. Elles proviennent, d’autre part, d’études menées depuis le premier confinement, précieuses car fidèles au ressenti des acteurs. Le potentiel de ces différents travaux pour projeter l’impact du télétravail dans le « monde d’après » reste donc à affiner et à compléter dans les temps à venir. Outre la période à laquelle sont réalisées les observations, de nombreux autres éléments sont à prendre en compte pour mesurer les gains de productivité.Distinguer la productivité individuelle et globale
La productivité individuelle en télétravail est liée par exemple au type d’activité, à la maturité professionnelle – et digitale – des collaborateurs, à leur degré d’autonomie, à leur ancienneté dans l’entreprise (quand les réseaux internes sont déjà constitués et perdurent, le risque de se sentir isolé est moindre), aux conditions matérielles de travail à domicile, à la présence ou non d’enfants en bas âge au domicile, etc. La productivité globale de l’organisation va dépendre du secteur d’activité, de la culture de l’entreprise, de l’organisation du travail, du ou des styles de management (contrôle vs confiance), de la proportion de télétravailleurs dans l’effectif de l’entreprise, avec le développement d’un éventuel sentiment d’injustice chez ceux qui ne télétravaillent pas. Autant de facteurs qui empêchent de tirer des principes généraux valables pour tous et en tous lieux.Des faits et des interrogations
L’un des seuls points sur lequel s’accordent toutes les études sur le télétravail, qu’elles aient été réalisées pendant ou en-dehors du confinement, a trait à l’allongement des journées de travail, particulièrement notable chez les cadres (INSEE 2019 ; NBER 2020). POSENRIEDE (2016) précise que cette augmentation concerne la durée du travail effectif, et non la durée contractuelle de travail. Pour autant, les salariés produisent-ils davantage au cours de ces journées de travail plus longues ? Le sentiment général est que nous sommes effectivement de plus en plus surchargés de travail, et que le télétravail rompt les limites (contractuelles, psychologiques) que nous avions jusqu’alors. Mais il n’existe guère pour l’heure d’étude suivant précisément l’évolution de la charge de travail des télétravailleurs et des non-télétravailleurs. En attendant de tels résultats, il convient de mettre en évidence des éléments pouvant entraver la productivité « horaire » des télétravailleurs, tels que le surcroît de communication pour remplacer les interactions en face-à-face, le surcroît de contrôle dont la charge incombe aux managers mais aussi aux salariés, des pauses moins « productives » qu’auparavant, les problèmes informatiques, etc.Ouvrons la boîte noire : les mécanismes qui relient le télétravail à la productivité individuelle et collective
Pour mieux comprendre comment s’agencent ces différents éléments, la synthèse réalisée par l’OCDE (2020) dans le schéma ci-dessous est particulièrement éclairante si l’on souhaite comprendre les mécanismes reliant télétravail et productivité (globale et individuelle) pour une population et une activité donnée. Le télétravail impacte plusieurs domaines, qui affecteront à leur tour, de façon positive ou négative, la productivité des collaborateurs : la circulation des connaissances, la communication, la satisfaction des salariés, ainsi que la supervision managériale. Parmi ces « variables intermédiaires », l’OCDE attire particulièrement l’attention sur deux d’entre elles : la communication et la satisfaction des télétravailleurs.La communication :
D’une part, les différentes études consultées convergent sur le fait que le travail à distance affecte la qualité de la communication entre salariés. La communication à distance est plus lente, moins convaincante et mobilise moins l’attention (BOHNS 2017 ; ROGHANIZAD & BOHNS 2017, BATTISTON ET AL. 2017 ; BONET & SALVADORA 2017) ; elle est également plus porteuse de formes conflictuelles de communication (O’DONNELL & DEVINEAU, 2020 ; VAIRET, 2021). Autant d’éléments qui affectent la productivité individuelle et collective dans les entreprises. La communication à distance est d’autant moins « efficace » que :- l'activité demande de la coordination entre plusieurs collaborateurs ;
- elle est marquée par l’urgence ;
- l’information qui circule est complexe ;
- la charge de travail des « communiquants » est élevée (BATTISTON ET AL. 2017).
La satisfaction des collaborateurs :
D’autre part, le télétravail peut améliorer la performance des entreprises en augmentant le degré de satisfaction des collaborateurs. De façon très notable, dans l’étude menée par CARRILLO ET AL. (2020) suite au confinement du printemps, les salariés qui percevaient une charge de travail accrue pendant cette période étaient aussi les plus satisfaits par leur expérience du télétravail. Lorsque le télétravail permet de mieux travailler, ou de travailler davantage, il est donc un sujet de satisfaction pour les collaborateurs. Le cercle vertueux reliant satisfaction et productivité individuelle s’enclenche alors. Cela implique, pour les entreprises, d’accorder une attention particulière à la satisfaction de leurs collaborateurs vis-à-vis du télétravail, et d’intervenir sur les éléments susceptibles de diminuer cette satisfaction, tels que le brouillage entre les sphères privées et professionnelles, l’absence d’un environnement de travail adéquat à domicile, ou le travail supplémentaire dissimulé (OCDE, 2020).Pour optimiser la productivité, trouver le point d’équilibre entre télétravail et travail présentiel
La force des « variables intermédiaires » dépend de l’intensité du recours au télétravail au niveau individuel et collectif. Selon le rapport de l’OCDE déjà cité, il existerait un seuil au-delà duquel les inconvénients potentiels du télétravail, vus ci-dessus, ne sont plus compensés par la satisfaction qu’il procure. Cette quantité de télétravail concerne aussi bien le temps global d’un effectif de personnes que le temps individuel et, de ce fait, a un impact sur la productivité collective aussi bien qu’individuelle, comme l’indique le schéma ci-dessous. Les auteurs du rapport soulignent que ce seuil dépend de la nature des tâches, du secteur d’activité, de la culture managériale. Le connaître et en tenir compte représentent pour l’entreprise un moyen de retrouver une certaine maîtrise de l’activité dans un contexte encore incertain.En conclusion : quelles pistes pour l’action ?
- Fuyez les généralités sur le télétravail et prenez en compte les réalités de votre personnel et des différentes activités ;
- Soyez attentif à la satisfaction de vos collaborateurs vis-à-vis du télétravail : c’est un facteur clé de la productivité individuelle ;
- Observez l’impact du télétravail sur la satisfaction et la productivité des non-télétravailleurs ;
- Trouvez le bon « dosage » entre télétravail et travail sur site à l’échelle individuelle et collective en le déclinant selon les différentes activités et les conditions de travail.
Références
- BATTISTON, D., VIDAL, J. & KIRCHMAIER, T. (2017), Is Distance Dead? Face-to-Face Communication and Productivity in Teams. CEP Discussion Papers dp1473, Centre for Economic Performance, LSE.
- BATUT, C. & TABET, Y. (2020), Que savons-nous aujourd'hui des effets économiques du télétravail ? Trésor-Eco, 270, novembre. Direction Générale du Trésor.
- BERGEAUD, A. & RAY, S. (2020), Macroéconomie du télétravail, Le Bulletin de la Banque de France n°231. https://publications.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/820243_bdf231-2_teletravail_vf.pdf
- BLOOM, N. & LIANG, J. & ROBERTS, J. & YING, Z.J. (2015), Does Working from Home Work? Evidence from a Chinese Experiment. The Quarterly Journal of Economics, vol. 130(1). 165-218.
- BOHNS, V. (2017), A Face-to-Face Request Is 34 Times More Successful Than an Email, Harvard Business Review, https://hbr.org/2017/04/a-face-to-face-request-is-34-times-more-successful-than-an-email.
- BONET, R. & SALVADORA F. (2017), When the boss is away: Manager-worker separation and worker performance in a multisite software maintenance organization. Organization Science, 28 :2. 244-261.
- CARILLO, K., CACHAT-ROSSET, G., MARSAN, J, SABA, T. & KLARSFELD, A. (2020), Adjusting to epidemic-induced telework: empirical insights from teleworkers in France. European Journal of Information Systems.
- HALLEPEE, S., MAUROUX, A. (2019), Le télétravail permet-il d’améliorer les conditions de travail des cadres ? https://www.insee.fr/fr/statistiques/4126590?sommaire=4238635
- JAISWAL, A & ARUN, J. (2020), Unlocking the COVID-19 Lockdown: Work from Home and Its Impact on Employees. https://www.researchsquare.com/article/rs-34556/v1
- KLARSFELD, A., CACHAT-ROSSET, G., CARILLO, K. (2020), Confinement : des télétravailleurs surchargés, mais globalement satisfaits. The Conversation, https://theconversation.com/confinement-des-teletravailleurs-surcharges-mais-globalement-satisfaits-139494
- LEGUILLOUX, C., (2021), Cushman & Wakefield fait le point sur le marché des bureaux en Ile-de-France, https://www.boursier.com/actualites/economie/cushman-wakefield-fait-le-point-sur-le-marche-des-bureaux-en-ile-de-france-45624.html
- LINOS E. (2019), When working from home changes work at the office: Measuring the impact of teleworking on organizations. Working paper.
- NATIONAL BUREAU OF ECONOMIC RESEARCH (2020), Collaborating during coronavirus: The impact of covid-19 on the nature of work. NBER Working Papers series N° 27612. http://www.nber.org/papers/w27612
- O’DONNELL, A. & DEVINEAU, J. (2020), Prévenir les conflits dans le contexte du tout digital. Quoi de Neuf, 8 avril. Entreprise&Personnel. https://epgroupe.com/actualites/prevenir-les-tensions-du-mode-de-fonctionnement-virtuel/
- OCDE (2020), Effets positifs potentiels du télétravail sur la productivité à l’ère post-COVID-19 : quelles politiques publiques peuvent aider à leur concrétisation ?
- PORA, P. (2020), Comment le télétravail affecte-t-il la productivité des entreprises ? Les enseignements très partiels de la littérature. https://blog.insee.fr/comment-le-teletravail-affecte-t-il-la-productivite-des-entreprises-les-enseignements-tres-partiels-de-la-litterature/
- POSENRIEDE, D., HASSINJ., W., PLANTENFA, J. (2016), Does temporal and locational flexibility of work increase the supply of working hours? Evidence from the Netherlands. IZA Journal of Labor Policy. 5 :16.
- RES PUBLICA, (2020), #Montravailàdistance, J’enparle!, enquête réalisée en partenariat avec la CFDT, Terra Nova, MetisEurope, Liaisons sociales magazine et Management & RSE, https://www.mon-travail-a-distance.fr/
- ROGHANIZAD, M. & BOHNS, V. (2017), Ask in person: You’re less persuasive than you think over email. Journal of Experimental Social Psychology, 69. 223-226
- VAIRET, F. (2021), Les micro-agressions sont devenues le quotidien des télétravailleurs. Les Echos Start, 28 janvier. https://start.lesechos.fr/travailler-mieux/vie-entreprise/les-micro-agressions-sont-devenues-le-quotidien-des-teletravailleurs-1285232
Pour aller plus loin…
- Le management de proximité face à l’installation de la crise sanitaire dans la durée : quels besoins, quels chantiers RH ?
-
Télétravail, entre bonds en avant et contre-expériences, que ressort-il des REX d’entreprises ?
-
Télétravail : comment envisager demain ?
-
Prévenir les conflits dans le contexte du tout digital
Café thématique – Comment articuler curatif et préventif dans la prise en charge des enjeux psychosociaux
Rencontre avec Jean-Claude Sardas, membre du conseil scientifique d'Entreprise & Personnel, Professeur en sciences des organisations, Co-Directeur du master 2 Recherche en Management, MINES ParisTech, Centre de Gestion Scientifique.
Prendre en charge les enjeux psychosociaux de la santé au travail requiert de distinguer les enjeux curatifs et préventifs ainsi que les échelles individuelle et collective.
Traiter les enjeux de prévention à l’échelle collective consiste à accompagner des processus d’organisation en disposant d’outils pour évaluer pertinence et faisabilité psychosociale de chaque scénario. Quand le point de départ est un malaise collectif, il faut caractériser ce malaise avant d’engager la démarche d’accompagnement du processus, à la fois curative et préventive, et choisir les acteurs pour mener ces démarches en assurant une bonne prise en compte des enjeux psychosociaux. Un cas très complexe est celui du curatif individuel avec prise en charge d’un individu en souffrance. Mettre en place une écoute psychologique ou concentrer les efforts sur les enjeux collectifs d’organisation sous-jacents à une telle souffrance, afin de revenir à une démarche de prévention primaire, comporte le risque de cliver le curatif individuel du préventif organisationnel, alors qu’il importe d’articuler les deux. Plusieurs questions se posent au management et à la fonction RH, au cœur de cette articulation :- Quelles sensibilisations/formations pour ces acteurs de première et seconde lignes ?
- Quels recours aux professionnels de la santé ? A quels acteurs confier les rôles de médiation interne ?
- Et enfin, comment créer la confiance indispensable… ?
Cliquez ici pour revoir le webinar en replay
La valorisation des travailleurs de la deuxième ligne
- Patrick Blayac est directeur de Rebond Insertion, entreprise d’insertion filiale de Suez qui depuis sa création il y a 18 ans a accompagné plus de 9 000 personnes dans leur retour à l’emploi.
- Cindy Laurent est DRH de Batigère, réseau d’acteurs dédiés au logement social, particulièrement implanté dans l’Est de la France.
- Agnès Tréhet est chargée de l’excellence relationnelle à la Caisse régionale d’Aquitaine du Crédit Agricole.
Les seniors, le télétravail et la crise
Hélène, 53 ans.
« L’autonomie et l’adaptation permanente sont clés ainsi que l’auto-organisation. Il faut savoir s’arrêter et prioriser en permanence pour ne pas travailler non-stop, être son propre gardien n’est pas toujours facile, cela requiert de l'expérience. »Isabelle, 49 ans
« J’ai suffisamment de bouteille pour ne pas souffrir des cafouillages du management qui est entre le tout- contrôle et la trop grande autonomie, entre l’écoute et l’intrusion… Mon expérience en ce moment me permet de relativiser, de prendre du recul. J’en ai vu d’autres… »Serge, 58 ans
« J’avais peur de ne pas savoir me brancher sur les visio et les partages d’écran. En fait, c’est assez simple, ça m’a rappelé les réunions virtuelles avec ma famille qui habite en Polynésie. »Sylvette, 59 ans
« Avec le télétravail, j’ai eu l’impression que nous, les plus expérimentés, avons eu l’occasion de prendre une revanche sur le jeunisme ambiant ! Mettre tout le monde à l’arrêt pendant 55 jours lors du premier confinement a nécessité de revoir certains fondamentaux qu’on associe à la jeunesse – être agile, rapide, réactif… On nous a demandé – et on nous redemande – de ne plus sortir, d’être prudent, de ne pas se précipiter… peut-être que ces mots d’ordre vont faire changer les représentations. L’expérience va peut- être être à nouveau valorisée ! »Nicolas, 64 ans
« J’ai été surprise de voir que les jeunes de mon équipe sont restés fidèles aux réunions que j’ai lancées sur whatsapp. Je pensais qu’au bout d’un certain temps, ils zapperaient… Visiblement, le fait de les réunir de manière informelle et d’échanger sur le travail et le non-travail leur fait du bien. »Marie, 61 ans
Si ces témoignages mettent à mal les clichés sur la désaffection des seniors pour le télétravail et leur supposée malhabileté en la matière, l’infographie ci-dessous en consolide la démonstration. 1 Ces témoignages ont été recueillis par téléphone entre le 26 et 30 octobre auprès de personnes âgées de 45 ans et plus, salariées de grandes et moyennes entreprises, exerçant des fonctions télétravaillables.Conclusion
La crise offrirait-elle une nouvelle occasion pour déconstruire les stéréotypes liés à l’âge et favoriser la cohabitation plutôt que l’opposition entre générations ? Force est de constater que les fractures digitales semblent moins liées aux générations qu'au capital social, économique et culturel des utilisateurs. Par ailleurs, dans un contexte où les carrières vont se poursuivre de plus en plus longtemps2, après une crise qui a contribué à ce que les personnes se posent des questions sur leur relation au travail, ne serait-il pas pertinent de miser sur les talents internes expérimentés ? Cela aurait l’avantage, par exemple, de mieux répartir les tâches entre des plus jeunes qui n’ont peut-être plus envie que tout repose sur leurs épaules et des plus anciens qui souffrent d’être considérés comme moins performants.Pour aller plus loin
https://epgroupe.com/actualites/les-seniors-ou-les-jeuniors-sont-ils-des-travailleurs-comme-les- autres/
https://epgroupe.com/actualites/seniors-chiffres-cles-nouveaux-paradigmes/
https://epgroupe.com/actualites/les-seniors-sont-ils-des-travailleurs-comme-les-autres/
Télétravail : comment envisager demain ?
Au niveau de l’entreprise, un cadre peut être coconstruit pour favoriser l’équilibre entre temps individuels et collectifs. Parmi les actions inspirantes :
- Proposer une gamme de formules possibles pour adresser une pluralité de situations (voir ci-dessous), à l’appui de groupes focus managers, salariés, R.H, O.S ou dans tous les cas en croisant les exigences métiers et les motivations et attentes des individus.
- (Ré-)affirmer le droit, voire le devoir à la déconnexion, et travailler à un plan d’action[6] visant à encourager l’expérimentation de nouvelles pratiques et postures, évaluer, ajuster, diffuser…
- Identifier des plages horaires au sein desquelles il est souhaitable – sauf urgences – de ne pas se solliciter les uns les autres. Attention ! Cette action peut être contreproductive et apparaître aux yeux des salariés comme une « injonction paradoxale» ou une « hypocrisie de l’entreprise ». Aussi, il est nécessaire que la notion d’urgence soit co-définie avec les métiers et que l’application du cadre soit incarnée aux différents niveaux de management et pilotée avec par exemple des vagues de sondages aléatoires régulières.
- Instaurer le principe de plages – non quotidiennes – pouvant être réservées au collectif peut constituer également une piste si cela est pensé à l’échelle de – et avec – chaque collectif de travail, tant sur le fond que sur la programmation. A défaut, le risque est d’induire du présentéisme stérile et contreproductif, voire du surprésentéisme.
Dans ce cadre, un travail managérial est ensuite à conduire au niveau de chaque équipe et en inter-équipes.
Ce n’est objectivement pas simple et suppose un ensemble d’actions là aussi concrètes sur lesquelles un accompagnement est en général nécessaire, pour pouvoir expérimenter de nouvelles articulations et synergies entre présentiel et distanciel :- Dans le monde d’avant, chaque manager pouvait par exemple identifier au préalable une journée, qui ne pourrait être accordée à personne en télétravail, pour favoriser la tenue d’une réunion d’équipes voire préserver le collectif. Même si ce type d’action n’induit pas automatiquement collaboration et cohésion, elle peut être utile pour créer des rituels. Pour autant, elle n’est aujourd’hui plus possible dans des organisations où la jauge ne permet pas d’accueillir 100 % de l’équipe. Dès lors, certains collectifs inversent le paradigme et décident d’un jour où ils sont tous à distance, avec la réunion d’équipe programmée ce jour-là.
- Dans tous les cas, les managers ont besoin de clarifier avec leurs équipes et de travailler à un ensemble de questions opérationnelles et structurantes :
- Quelles sont concrètement nos activités collectives, leurs objectifs (informer-fédérer-coproduire…), la nature et la fréquence des interactions qu’elles nécessitent, les conditions d’efficacité à mettre en œuvre (à quelles conditions est-ce efficace à distance ? en présentiel ?) ?
- Quels sont les moments, fréquences et récurrences, souhaitables et possibles de travail synchrone et asynchrone ?
- Quels sont nos outils, modes, circuits de communication ? Comment peuvent-ils être plus efficaces en organisation tout à distance et hybride ? Quelles sont les interactions que nous organisons en vidéo, en audio, et pourquoi ?
- Quelles sont les occasions d’échanges et coopérations informelles que nous avions avant la crise ? Comment ont-elles évolué pendant la crise ? En avons-nous créé d’autres ? Avec quels résultats ? A l’appui de cela, comment faisons-nous tous et chacun en sorte que l’informel existe encore dans nos relations, avec quelles actions individuelles et collectives ? Faut-il brider le recours à des outils informels et grand public – conversation téléphonique collective, WhatsApp ?
- Il s’agit aussi d’évaluer les collectifs de travail, sur leur capacité à bien utiliser les outils de collaboration à distance et de les accompagner le cas échéant.
Mix présentiel-distanciel
Avant la crise, sur ces dernières années, la norme avait évolué de 1 jour par semaine à 2 jours possibles à distance par semaine, voire 3 jours (rarement mis en œuvre dans les faits). La crise et les contraintes de jauge aidant, la tendance est à l’accroissement de la proportion de distanciel. Les plus pionniers iront probablement vers un mix intégrant 2,5 à 3,5 jours de télétravail car actuellement, parmi les entreprises avec lesquelles nous travaillons, un consensus semble se dégager pour constater qu’une bascule en défaveur du collectif s’opère au-delà d’une proportion de 70 % de travail à distance. Notons que certaines organisations inversent le paradigme, en prenant comme clef d’entrée le nombre de jours travaillés sur site… Nous avons pu observer cela notamment dans des entreprises confrontées à de réelles difficultés de retour au bureau… Pourquoi pas ? Mais ces observations nous amènent à revenir sur le sens de tout cela, sur la création de sens au travail en présentiel… au risque d’entretenir la norme implicite du présentéisme sans réelle réflexion sur l’organisation du travail.Souplesse de programmation
En fonction de la réalité opérationnelle et de la maturité des personnes pour travailler à distance, il est précieux de pouvoir laisser des marges de manœuvre opérationnelle. Ainsi, les formules auront intérêt à être travaillées autour des notions de jour fixe, de jour variable, ou encore de mix fixe-variable. Introduire une dose de fixe peut favoriser l’évolution culturelle et faciliter l’organisation des rotations sur site en optimisant le taux d’occupation des m² en configurations hybrides.Flexibilité dans la répartition et les rythmes
- Le fractionnement à la demi-journée n’était jusque-là pas admis dans certaines entreprises et cela était le plus souvent corrélé à une vision implicite réduisant le télétravail à l’économie de temps de trajet. S’il est vu comme un véritable levier organisationnel, donner la possibilité de fractionnement prend tout son sens.
- Le cycle choisi est également ici déterminant. La pratique commune consistait à raisonner à la semaine ou à l’année. On peut très bien imaginer, à l’instar des pays du Nord ou de quelques rares initiatives en France, proposer la définition de cycles adaptés à l’activité, aux projets ainsi qu’aux rotations nécessaires en configuration hybride (15 jours, mois, trimestre).
Choix du lieu du travail à distance
La palette reconsidérée par les entreprises actuellement est plus ou moins large. La pratique commune est et reste évidemment le travail à distance à domicile, avec la possibilité d’une seconde adresse qui s’est développée ces dernières années et s’est trouvée confortée pendant le confinement. La possibilité pour les salariés de rejoindre un site de leur entreprise, autre que leur site d’affectation car plus près de chez eux, ou un « tiers-lieu » de type espace de coworking, s’était développée avant la crise mais de façon très variable selon les entreprises. Faire perdurer ces possibilités ou les adopter fait partie des réflexions en cours dans les entreprises. Elles apportent certes des avantages : sortir de son isolement, bénéficier d’infrastructures de qualité, renforcer le maillage territorial, aider à séparer physiquement vie professionnelle et vie personnelle pour ceux qui en ont besoin, etc. Le travail à distance dans un autre site de l’entreprise peut en outre favoriser le sentiment d’appartenance, la transversalité etc. et aussi optimiser les mètres carrés de certains sites, tandis que le travail à distance dans un espace de coworking peut encourager l’ouverture à l’extérieur, à d’autres points de vue et pratiques. Repenser les espaces de travail Si un point est actuellement communément étudié, c’est bien celui-ci du réaménagement, et même du re-design des espaces de travail. Les espaces sont repensés, non seulement pour répondre aux impératifs des protocoles sanitaires, mais aussi pour servir de nouvelles configurations hybrides.Cinq grandes tendances se dessinent pour réorganiser les locaux de l’entreprise
- Repenser l’aménagement des sites de l’entreprise en fonction de deux grands objectifs pour le travail en présentiel qui serait plus consacré à :
- Satisfaire à des motivations purement personnelles (« s’extraire de la famille», « changer d’air ») ;
- Accueillir, soutenir, favoriser des activités collectives, des rencontres, des échanges. Certaines entreprises entrent ainsi dans un nouveau rapport à l’espace : « chez soi, le travail individuel ; dans l’entreprise, la coproduction et les débats. »
- Faire des bureaux un élément marketing dans un enjeu de renforcement de l’attractivité. Le maître-mot de certains DRH est de ré-enchanter la vie sur le site de l’entreprise, en travaillant au confort, à l’animation collective tout en garantissant la sécurité.
- Gagner en flexibilité spatiale: le monde de l’entreprise et les façons de travailler bougent de plus en plus vite, avec des organisations réinterrogées régulièrement. De plus, les protocoles sanitaires évoluent eux-aussi. Tout cela pousse à aménager en introduisant plus de cloisons mobiles, de meubles sur roulettes… bref tout ce qui va permettre de faire évoluer la configuration des locaux et les capacités d’accueil.
- Reconsidérer la distribution des espaces. Des questions se posent autour du devenir du flex-office en lien avec les protocoles sanitaires tout comme des petits espaces confinés tels que les boxes, bulles permettant de s’isoler ou de travailler en micro-collectif.
- Introduire plus d’équipements intelligents tout en satisfaisant des préoccupations écologiques.
Une réflexion sur l’espace pour travailler à domicile est à encourager également
Pour prévenir les risques de sédentarité que nous avons à plusieurs reprises soulignés, les entreprises ont tout intérêt à sensibiliser leurs collaborateurs et les informer sur les pratiques-clés pour agir. Parmi celles-ci, citons l’accès en ligne à des ressources de sensibilisation, conférences en ligne, séances de méditation ou de sport à la maison. A noter que certaines OS entendent s’emparer encore plus de ce sujet notamment à travers les thèmes de la santé et la sécurité au travail (ergonomie du poste de travail, sécurité des équipements, prévention des risques de santé physique et mentale, etc.) Revisiter les modèles managériaux et soutenir la transformation des pratiques, postures et culture, à tous les niveaux organisationnels Beaucoup d’encre a déjà coulé sur cet aspect du sujet ; la crise a été révélatrice, entre autres choses, des pratiques et postures managériales et des écarts au sein de l’entreprise. Certains managers se sont révélés, d’autres ont appris de l’expérience, quand d’autres encore se sont retrouvés en difficulté. Le management est un des sujets-cœurs du télétravail, avec des tensions caractérisées par des dilemmes à résoudre[7]. Le développement du travail à distance et l’évolution vers des configurations hybrides impliquent de requestionner les modèles ou référentiels managériaux. Les visions se forgent, nous aurons l’occasion d’y revenir, mais d’ores et déjà experts et praticiens convergent sur les capacités managériales à acquérir ou renforcer et alertent sur une nécessaire transformation culturelle également.- « D’une manière globale, le management "à la papa", est terminé : les managers devront apprendre à déléguer, à faire confiance»[8], avec un accent mis sur le management par les objectifs et les résultats, tout en évitant l’écueil y afférent - ne pas prêter attention à la charge de travail et aux conditions d’obtention de ces résultats.
- Savoir entamer une réflexion participative avec ses équipes sur l’organisation du travail, savoir manager le travail à distance et réguler la charge de travail (surcharge et sous-charge) deviennent majeurs.
- La capacité à observer, à décrypter à distance sera également clé : « à distance, ils devront faire preuve d’intelligence émotionnelle pour comprendre les non-dits, difficiles à saisir via les outils digitaux, faire passer des messages avec impact. »
- La capacité à prendre en compte et à équilibrer les enjeux collectifs et les enjeux individuels ; comprendre comment le manager peut encourager, ou non, par ses actes, ses propos, sa posture, la coopération prennent aussi de l’importance.
- Le prolongement de cela est la capacité à fédérer en créant du sens pour chacun, à renforcer la cohésion et le sentiment d’appartenance, comme l’état d’esprit inclusif, la prévention des exclusions, y compris des fractures technologiques.
- Être capable de repenser/recréer les rituels managériaux[9] pour satisfaire les besoins psychologiques des salariés, comme par exemple : le café du matin, les signes de reconnaissance, les félicitations du vendredi, etc.
Télétravail, entre bonds en avant et contre-expériences, que ressort-il des REX d’entreprises ?
La période traversée : des marches franchies sur un terrain déformé
Avec la crise sanitaire, le travail à distance a fait un saut quantique sur quatre axes structurantsL’évolution de la norme prescrite
En l’espace de quelques jours, le travail à distance est devenu la nouvelle norme organisationnelle souhaitable et protectrice. Après l’appel de la ministre du travail du 13 mars[1], le gouvernement français annonçait le 16 mars des mesures de confinement basées sur une injonction à respecter dès le lendemain : « Le mot d'ordre est clair : restez chez vous »[2].Le déploiement matériel et technologique
Les entreprises ont pour beaucoup équipé en des temps records les salariés qui ne l’étaient pas ; les DSI ont redimensionné les serveurs et redoublé d’efforts pour déployer de nouvelles solutions.L’échelle de la mise en œuvre
Qu’ils y aient été préparés ou pas, que leur métier ait été auparavant jugé « télétravaillable » ou pas, les salariés actifs n’ont jamais été aussi nombreux à travailler à distance : près de 8 millions de salariés français, soit 33 %[3], même si des disparités selon les CSP et les territoires sont à noter.La proportion et la durée de travail à distance
Une part significative de salariés, en particulier 61 % des cadres et professions intellectuelles supérieures (contre 11 % habituellement[4]) ont télétravaillé pendant le confinement[5]. Une majorité d’entreprises ont ensuite opté pour une part de télétravail allant de 40 % à 100 %, jusqu’à l’été, voire après. Toutefois, circonstances hors du commun obligent, cela s’est fait de telle façon que certains, à l’instar de Jean-Emmanuel Ray, qualifient cette période inédite de « contre-expérience »[6]. Il est vrai que des prérequis classiques à l’adoption du télétravail n’ont pu être satisfaits comme le principe de volontariat, l’équipement ad hoc ou encore un temps de préparation individuelle et collective, sans compter, le plus souvent, la promiscuité imposée de fait à domicile. De là à faire des amalgames entre les effets induits par la crise et ceux générés par le télétravail, il n’y a qu’un pas que certains ont franchi aisément. Cela a pu nourrir un courant de « télétravail bashing » alors même que moult enquêtes mettent en avant des attentes fortes des salariés pour que le télétravail perdure. Dans cette confusion ambiante, quelle consolidation qualitative des retours d’expérience terrain, est-il possible de faire à date ?Les retours d’expérience des entreprises : apports, limites, sur fond d’attentes des salariés
Si nous sommes encore en situation transitoire, il est toutefois possible d’identifier des convergences qui se dessinent entre les divers retours d’expérience partagés par les entreprises[7].La représentation même du télétravail a majoritairement changé et des verrous ont sauté
La crise a permis de démontrer que le télétravail était possible, même sur des métiers où cela était inenvisageable : « l’impensable est devenu réalité », « des fonctions qu’on avait exclues ont été assurées en télétravail, et en plus efficacement », et ce, y compris sur les fonctions de dirigeants.L’expérience du travail à distance a été globalement concluante sur plusieurs registres
- Des avancées concrètes ont été franchies en matière d’équipement et de solutions SI, lesquelles étant parfois attendues depuis des mois. « Là où on nous expliquait que cela était compliqué, etc., les fonctionnalités ont soudainement pu évoluer ! ». « Le SI a fait des prouesses, on a en quelques semaines déployé x (plateforme collaborative)».
- Il s’est opéré une montée en compétences techniques (prise en main de nouveaux équipements et outils, …) mais aussi en termes de responsabilisation et d’autonomie : « la crise a été un révélateur, les salariés se sont responsabilisés et ont pris leurs marges par rapport à leur manager ».
- Des progrès organisationnels ont été notés : « les décisions étaient plus rapides, les circuits plus courts, il faudrait pouvoir garder cela» ; « ça a remis l’église au milieu du village ».
- Au-delà de l’évolution des croyances, des bénéfices du télétravail palpables en plus de l’économie de temps de transport ont été reconnus[8]: « ce manager qui associait télétravail à télévision, a tout fait à distance et s‘est rendu compte de la performance délivrée, il l’a dit et ses équipes l’ont entendu ! ».
Des limites au 100 % distanciel en continu en contexte de crise
- Des écarts ont été observés en termes de pratiques managériales mais aussi de cohésion au sein des collectifs de travail. « Certains se sont confirmés, d’autres révélés, mais d’autres se sont retrouvés en sérieuse difficulté». La nécessité s’est fait sentir d’accompagner les managers sur le management à distance, la prévention des risques à distance, mais aussi les équipes sur la question du travail collaboratif à distance notamment.
- De grandes disparités ont été constatées dans les conditions de télétravail quotidiennes qui sont apparues déterminantes dans les vécus et donc dans les retours d’expériences individuels. « Les expériences du travail à distance ont été très différentes…selon les m², l’équipement personnel aussi, le nombre de personnes dans le foyer et le métier du conjoint, la personnalité…».
- Des dérives ont été repérées en particulier : intensification des rythmes, charge de travail, connexion permanente, avec « des journées à rallonge», « des calls qui s’enchaînent du matin au soir ». Et sur une autre catégorie de registre : « le court-terme l’a emporté » ; « les chefs de projets transverses n’ont pas pu ou su mobiliser les contributeurs ».
- En conséquence, des risques se sont avérés : la surcharge mentale, la sédentarité (« ce qui me manque, c’est de bouger !»), le sentiment d’isolement (« les travers d’un télétravail poussé à l’extrême : le manque de l’informel et des régulations avec le physique absent »).
Une inversion des normes, un renouvellement du rapport au présentiel
« Pourquoi devrais-je revenir au bureau ? » est LA question commune aux salariés et remontée par la quasi-totalité des REX, quelle que soit l’entreprise. Le regard et les attentes sur le présentiel ont changé, et l’attente de « sens », voire de « ré-enchantement » du travail sur site interroge DRH et managers.Des attentes fortes des salariés pour que le télétravail perdure, qui challengent l’organisation
- Les REX confirment le résultat des enquêtes nationales, avec une majorité de salariés qui non seulement espère un élargissement des conditions d’accès et une augmentation de la part de distanciel par rapport au début 2020, mais aussi « ne comprendrait pas un retour en arrière alors qu’on a vu que c’était possible».
- Pour autant, à l’écoute des REX, la majorité ne semble pas revendiquer un modèle qui correspondrait au 100 % télétravail.
Au-delà de ces observations convergentes, une palette de positions prises notamment sur quatre registres
La volonté de capitaliser sur cette période versus celle de passer vite à l’étape d’après
Certaines entreprises ont entrepris une démarche de capitalisation considérant que cette période était source d’apprentissages à ancrer, notamment managériaux mais pas uniquement ; d’autres ont souhaité a minima recueillir les attentes de leurs salariés, de diverses façons, dans le cadre d’un REX global ou pas ; quand d’autres encore n’ont pas ponctué la période traversée de façon tangible.La perception ou pas d’un sentiment croissant d’iniquité
Certains DRH ou managers mettent en exergue le sentiment d’iniquité perçu voire exprimé explicitement par les salariés n’ayant pas pu télétravailler. Certains vont même jusqu’ à appréhender le télétravail comme « un avantage social » ou encore un « marqueur social » à la fois source et révélateur d’inégalités.Les visions du monde d’après : le grand écart
Certains DRH ont clamé « maintenant on se remet au boulot » exprimant une demande aux salariés de travailler majoritairement en présentiel, voire la tentation de revenir à la situation antérieure, tandis que d’autres se positionnent sur du 100 % distanciel jusqu’en septembre, voire même jusqu’à l’été 2021 (comme Google et Facebook), alors que d’autres encore pensent adopter des configurations hybrides de façon pérenne.Du silence des OS à des prises de positions spontanées et explicites
- Des DRH n’ont pas encore eu de remontées de leurs OS alors que d’autres ont été interpellés oralement ou de façon formalisée, avec l’expression d’un certain nombre d’attentes.
- Dans ce second cas, plusieurs thèmes se détachent, notamment : la compensation des surcoûts liés au travail à distance pour les salariés concernés ; la prévention des risques individuels et collectifs ; la régulation de la charge de travail ; le maintien des liens entre IRP et salariés.
- Reconsidérer les critères d’éligibilité et prendre en compte l’activité plus que la fonction
- Passer de la dimension individuelle à la dimension collective et réinventer la coopération
- Prendre en compte la diversité des situations sur le terrain et donner des marges de manœuvre en local pour pouvoir la gérer
- Repenser les espaces de travail
- Revisiter les modèles managériaux et soutenir la transformation des pratiques, postures et culture, à tous les niveaux organisationnels
L’entretien annuel, tendances et leçons du confinement
De l’évaluation de la performance au soutien à la performance
Force est de constater que malgré le flot de critiques, l’entretien annuel d’évaluation n’a pas disparu dans la grande majorité des entreprises, ne serait-ce que pour appuyer les décisions de rémunération individuelle encore largement gérées sur un cycle annuel. En revanche, pour certaines entreprises, le processus dans lequel s’inscrit cet entretien annuel évolue effectivement, dans l’esprit et dans les modalités. De manière générale, on peut caractériser cette tendance comme le passage d’un processus centré sur l’évaluation d’une contribution (le jugement), sanctionnée par la rémunération, à un processus d’accompagnement du collaborateur pour créer les conditions de sa performance (dont l’épanouissement au travail et le développement professionnel). Cela n’exclut pas l’évaluation à un moment donné, mais cela prend mieux en compte les besoins de l’individu ainsi que la diversité et la dimension évolutive des situations de travail. Dans cet esprit, des entreprises font évoluer leurs pratiques, plus ou moins en profondeur, en s’appuyant sur un ou plusieurs des quatre leviers que nous détaillons ci-après.1. Fréquence et nature des échanges manager-managé
Si l’entretien annuel est identifié comme un dispositif RH, il n’est en réalité qu’un jalon dans un processus managérial qui accompagne le travail du collaborateur au quotidien. Selon les entreprises, leur culture managériale, les métiers, les profils et la formation des managers, ce processus a jusqu’alors été plus ou moins formalisé et outillé au-delà de l’entretien annuel lui-même. Aujourd’hui, on reconnaît que l’implication dans le travail des collaborateurs et leur contribution effective au projet de l’entreprise requièrent un soutien régulier de leur manager. Il ne s’agit pas uniquement d’un suivi pour constater les réalisations, mais d’un accompagnement pour aider chaque collaborateur à exploiter au mieux ses capacités, en développer de nouvelles, trouver des solutions lui-même… et ainsi être motivé et engagé dans son travail. C’est un management par la confiance et par la responsabilisation plus que par le « command and control ». Ainsi, des entreprises encouragent des échanges plus fréquents entre managers et managés, à un rythme imposé dans certains cas, libre dans d’autres. Certaines exigent un entretien trimestriel (Microsoft, Bayer…), d’autres préconisent des points réguliers en laissant chaque métier, voire chaque couple manager-managé, établir le rythme qui lui convient (Air France). Par ailleurs, la nature de ces échanges évolue, là encore avec plus ou moins de formalisme, selon l’entreprise. Steelcase identifie quatre types d’entretiens manager-managé (à réaliser selon le besoin et à la demande soit du manager, soit du managé) : « partenariat » lors duquel on pose les attentes réciproques de la relation et la manière de travailler ensemble ; « clarifier » qui sert à fixer le cadre ensemble, c’est-à-dire s’accorder sur les objectifs ; « coacher » qui vise à suivre et à accompagner le collaborateur pour l’aider à être performant ; enfin, l’entretien « revue » permet d’évaluer les contributions. Trois de ces entretiens sont tournés vers l’avenir et l’accompagnement, et un seulement est tourné vers le passé et le « jugement » de la performance… Dans tous les cas, on encourage les managers à donner plus souvent des retours constructifs aux collaborateurs, voire à en demander.2. Nature et modalités de la fixation des objectifs
Sans être totalement généralisée, la tendance est à une fixation plus dynamique et évolutive des objectifs. Plutôt que sur un rythme annuel imposé à tous, les objectifs peuvent évoluer au fil de l’année, selon les contextes et les besoins de l’activité. Les points réguliers manager-managé évoqués ci-dessus facilitent de tels ajustements. Le principe d’un accord manager-managé reste de mise. Il ne s’agit pas d’imposer des objectifs sans discussion mais de les coconstruire en s’accordant sur les conditions de leur réalisation. Certaines entreprises (Bayer, Air-France) encouragent par ailleurs la fixation d’objectifs collectifs au niveau des équipes. Il s’agit de reconnaître (selon les métiers, la nature des activités) que la performance peut reposer autant sur la coopération entre collaborateurs que sur la somme des performances individuelles. D’autres entreprises identifient des axes de progrès pour tous, qu’il s’agit de suivre toute l’année, notamment en matière de compétences comportementales. Par exemple Microsoft attend de l’ensemble de ses collaborateurs des comportements collaboratifs. Ce point est abordé systématiquement lors de chacun des entretiens trimestriels manager-managé. Il s’agit de discuter de la manière dont le salarié fait appel aux autres, répond aux demandes de ses collègues, participe à des groupes de travail, etc. Une dernière pratique qui se développe plus aux Etats-Unis, et notamment dans les entreprises du secteur des nouvelles technologies, consiste à inciter les collaborateurs à partager leurs objectifs avec leurs collègues. Cette transparence vise à améliorer la compréhension des enjeux et contraintes des autres, mais également à identifier des collègues travaillant sur des sujets proches et avec lesquels on peut échanger. Il s’agit de contribuer à casser les silos organisationnels. En France, Air France a ouvert cette possibilité aux collaborateurs dans son nouveau dispositif. C’est sur la base du volontariat qu’un collaborateur peut ainsi rendre un ou plusieurs de ses objectifs « publics ».3. Modalités d’évaluation
Dans de nombreux cas, l’évaluation « formelle » des objectifs reste sur un rythme annuel, même si les points intermédiaires sont plus fréquents. En revanche, les entreprises les plus novatrices en la matière développent une véritable évaluation au fil de l’eau, l’évaluation formelle de chaque objectif étant réalisée au moment où l’objectif arrive à échéance. C’est le cas de GE, ou encore d’Air France où l’application sur laquelle s’appuie le processus de management de la performance avertit le manager et le collaborateur de l’arrivée à échéance d’un objectif afin qu’ils s’organisent pour en faire l’évaluation dans un délai donné. Cette approche peut être vue comme contraignante certes, mais elle a le grand avantage de faire en sorte que l’entretien annuel, quand il arrive, n’apporte pas de surprises. L’évaluation des objectifs est déjà connue pour l’essentiel. Ainsi, l’entretien peut être un moment de prise de hauteur, de reconnaissance et d’échange plus qualitatif sur la performance du collaborateur. Autre tendance, la possibilité d’ouvrir l’évaluation à d’autres que le seul supérieur hiérarchique. Si ce dernier reste le principal évaluateur, d’autres peuvent être sollicités de différentes manières en fonction des entreprises. Il s’agit de reconnaître la complexité croissante des organisations et le fait que le supérieur hiérarchique n’est pas toujours le mieux placé pour évaluer l’ensemble du travail du collaborateur. Chez Microsoft, un collaborateur peut proposer la prise en compte de l’évaluation de certains objectifs par un pair. C’est le manager qui valide une telle proposition du collaborateur. Chez Bayer, il peut s’agir d’un autre manager ou du responsable d’un projet auquel contribue le collaborateur. Enfin, chez Accenture, comme chez Air France, il est possible de solliciter des évaluateurs complémentaires pour chaque objectif. Si le supérieur hiérarchique valide la proposition, elle est soumise à la personne identifiée. Celle-ci peut accepter ou non de réaliser cette évaluation. Elle doit motiver sa réponse en cas de refus.4. Responsabilisation du collaborateur
Attendre du collaborateur la préparation de son entretien annuel est une pratique bien installée dans de nombreuses entreprises. Le dernier levier mobilisé dans les évolutions récentes vise à aller encore plus loin pour faire du collaborateur un véritable acteur de sa propre performance et de son développement. Nous l’avons vu à travers les points déjà évoqués : il est amené à coconstruire ses objectifs et priorités avec son manager, à solliciter des rencontres avec son manager tout au long de l’année, à proposer d’autres évaluateurs. En allant plus loin, certaines entreprises mettent en place des dispositifs (applications) permettant à tout le monde de solliciter et de donner du feedback. Ceci dans une visée de développement (des compétences et amélioration continue de la performance) et non pas d’évaluation. Pour cette raison, chez ADEO ou Bayer par exemple, ce feedback est « la propriété » du collaborateur. Les retours le concernant ne sont consultables que par le seul salarié dans son espace personnel. Il peut les partager avec son manager, s’il le souhaite, mais cela relève bien de son choix. Ce type de pratique, d’origine américaine, a du mal à « prendre » dans certains pays, dont la France. Selon ce DRH d’une entreprise américaine avec des sites en France : Notre système de feedback de pair-à-pair, marche un peu aux Etats-Unis mais pas en France. Ici on ne formalisera jamais un feedback négatif, et ne donner que du positif semblerait un peu bateau, donc on ne le fait pas. C’est encore pire en Asie… Par ailleurs, autant les salariés vont solliciter du feedback à leur manager, autant ils osent peu / pas encore lui en donner.Défis liés à ces évolutions et leçons du confinement
La crise sanitaire a totalement bousculé la feuille de route de nombreuses entreprises, tant les modalités de travail et la capacité à réaliser l’activité ont été perturbées. Ce bouleversement massif tendrait à donner raison aux entreprises ayant mis en œuvre, avant la crise, un processus de management continu de la performance, dans le sens évoqué ci-dessus. Le fait que les managers et collaborateurs soient habitués et équipés pour faire le point et ajuster régulièrement les attendus semble être un réel avantage aujourd’hui. Par ailleurs, cette approche du management de la performance repose sur des postures nouvelles pour beaucoup de managers (soutien et accompagnement vs directive ou injonction), comme pour certains salariés (autonomie, responsabilité et force de proposition vs tout attendre de son manager). Or, ce sont les postures qui ont été reconnues comme les plus productives dans le cadre du travail à distance. Le manager, n’ayant pas les moyens de contrôler directement le travail de son collaborateur, ne peut que lui faire confiance, jouer sur la responsabilisation et se mettre en position de soutien. Le salarié doit être autonome pour travailler sans appui permanent à sa disposition. Y compris pour les entreprises ayant entamé une évolution de leur management de la performance en amont de la crise, de tels changements de posture ne se décrètent pas et peuvent nécessiter beaucoup de temps avant de devenir la norme. Ils passent par la déconstruction de croyances, parfois très ancrées de part et d’autre, concernant l’autonomie, la confiance, le droit à l’erreur… Or, la crise a précipité collaborateurs et managers dans des situations inédites où ces croyances ont pu être réinterrogées. Combien de managers ont-ils découvert un degré d’autonomie insoupçonné chez leurs collaborateurs ? Combien de collaborateurs habitués à tout attendre de leur manager se sont-ils surpris à se débrouiller seuls pour trouver des solutions avec succès ? Dans combien de cas les collaborateurs ont-ils pu se motiver par eux-mêmes et s’engager pleinement dans leur travail, sans avoir leur manager à proximité, mais à condition que ce dernier se positionne en soutien ? Rappelons enfin que la crise a permis de mettre en exergue d’autres formes de performance[1] que la seule performance « dans la tâche » au regard des objectifs de production. Des entreprises témoignent de collaborateurs ayant démontré des capacités d’adaptation inattendues ainsi que la mobilisation de compétences adaptées au contexte (prise d’initiative, coopération…). On trouve ici notamment les compétences comportementales (ou soft skills) identifiées aujourd’hui comme facteurs-clés de la performance des entreprises dans un environnement incertain et évolutif. Ainsi la crise pourrait-elle être un facteur d’accélération de l’évolution des mentalités, d’une part, et, d’autre part, de mise en lumière des facteurs de performance qu’il s’agit désormais de reconnaître et de favoriser dans l’évaluation des collaborateurs. Cela, à condition cependant, de faire un effort de capitalisation des enseignements et apprentissages de la période, de valoriser les réalisations et d’agir pour ancrer les nouvelles pratiques. Sinon il est fort à parier que le naturel revienne au galop et que les avancées potentielles soient perdues, sous la pression de l’impératif de performance à court terme. Pour les entreprises qui n’auraient pas encore revisité leur philosophie et leur approche du management de la performance, tel que nous l’avons décrit dans la première partie de cet article, les enseignements de la période de crise sanitaire pourraient être utilisés comme arguments pour décider de lancer la démarche. [1] « Penser la performance dans la crise », Quoi de neuf, E&P, 2 juin 2020. https://epgroupe.com/actualites/penser-la-performance-dans-la-crise/Evolution professionnelle : une solution pour reconnaître les employés peu qualifiés après la crise ?
La crise, mise en lumière et mise à l’ombre des emplois peu qualifiés
La situation des catégories peu qualifiées pendant la crise aura été particulièrement bouleversée. Ils comptent parmi ceux qui auront le plus continué à travailler sur site et en même temps parmi ceux qui auront le plus été mis en chômage ou en chômage partiel[1]. En effet, les employeurs de personnels peu qualifiés se sont trouvés confrontés à trois types de situation :- Maintenir au travail leurs salariés. Ce fut le cas dans la distribution alimentaire notamment, dans le soin aux personnes, dans les services de propreté, de gestion des déchets, d’entretien des espaces publics, dans la maintenance (lignes électriques ou réseaux télécom). Ce fut le cas dans une moindre mesure dans la production quand les conditions de travail ont pu être aménagées pour respecter le protocole sanitaire.
- Recruter pour remplacer des employés en arrêt en raison d’une maladie (ou d’une suspicion de maladie) et de garde d’enfants ou pour répondre à des besoins spécifiques créés par la crise. Par exemple, il a fallu renforcer les effectifs de préparateurs de commande, livreurs, chauffeurs[2]dans les entreprises du e-commerce, recruter des vigiles dans les administrations ou autres lieux accueillant du public, remplacer les saisonniers habituels dans l’agriculture[3].
- Mettre au chômage les salariés – ou arrêter les missions d’intérim – quand l’activité ne pouvait être poursuivie. Ce fut le cas notamment dans de nombreux sites de production, dans le bâtiment, dans l’hôtellerie-restauration, la distribution de produits non essentiels, etc.
De la reconnaissance des emplois peu qualifiés à leur professionnalisation
Ces trois derniers mois, pléthore d’articles ont été publiés pour pointer le fait que « les « premières lignes » qui soutiennent l’économie française pendant la parenthèse du confinement sont également, pour la plupart, ceux qui exprimaient le plus grand déficit de reconnaissance »[5]. La question des revendications salariales est bien entendu soulevée ici ; celle qui risque de se poser encore davantage à court et moyen terme pour les entreprises est celle d’une reconnaissance durable et axée sur des dimensions non-monétaires : flexibilité du temps de travail, sécurité de l’emploi, accès au télétravail ou encore perspectives de professionnalisation et d’évolution professionnelle. En outre, la question de la reconnaissance des employés peu qualifiés par l’évolution de leurs conditions de travail et la promotion interne permet d’adresser un certain nombre de problématiques RH sur le marché du travail :- Le défaut d’attractivité de certains secteurs et métiers en apportant des réponses pour faire face à la pénurie de candidats externes sur certains métiers, diminuer les coûts du recrutement ou encore améliorer l’image employeur ;
- Les difficultés de fidélisation en travaillant notamment sur le développement des compétences des salariés peu qualifiés et l’évolution professionnelle en interne.
Une méthodologie visant au développement professionnel des peu qualifiés
Grâce au financement de la Fondation JP Morgan, notre partenaire l’Institute of Employment Studies (IES) a récemment mené une étude sur le développement de carrière des personnes peu qualifiées et éloignées de l’emploi. Cette étude et les outils qui l’accompagnent pourraient être fort utiles aux employeurs dans le contexte qui vient d’être rappelé. L’objectif de l’étude, intitulée « Progression in Employment », est d’identifier les pratiques les plus efficaces mises en œuvre dans des entreprises pour soutenir la progression professionnelle de personnes peu qualifiées, d’en tirer les enseignements et de les diffuser à travers une boîte à outils. IES a choisi de creuser cet angle plutôt que celui du recrutement et de l’intégration, déjà bien plus documenté et mis en œuvre par les entreprises. Les travaux de recherche ont été menés dans six pays européens (Royaume-Uni, France, Italie, Espagne, Suède, Allemagne) sur trois secteurs d’activité – la grande distribution, l’hôtellerie, le secteur du soin et de l’accompagnement social. Les pratiques de 16 entreprises ont été passées au crible, elles font l’objet de monographies jointes à la boîte à outils. En France, il s’agit de Carrefour, de la Maison de retraite intercommunale de la Durance et de Zara. L’étude a été menée par IES, institut de recherche et de conseil britannique, spécialisé sur les politiques de l'emploi et de la formation, le fonctionnement des marchés du travail et le développement des ressources humaines. Elle a été financée par la Fondation J.P. Morgan dans le cadre de son programme mondial « New skills at work » destiné à aider les travailleurs peu qualifiés à se former pour accéder à des emplois mieux rémunérés. Nous vous proposons de découvrir les trois cas français publiés dans l’étude ainsi que la grille d’analyse du système de progression professionnelle qui a été développée par IES. Cette grille est destinée à évaluer les actions de l’entreprise en faveur des travailleurs peu qualifiés au travers d’un ensemble d’indicateurs. Elle peut s’utiliser à différentes échelles : une entité, une direction, un service… Pour ouvrir les monographies :- Cliquez ici pour ouvrir Carrefour
- Cliquez ici pour ouvrir Maison de retraite de la Durance
- Cliquez ici pour ouvrir Zara
Penser la performance des collaborateurs dans la crise
Cliquez ici pour revoir le webinar en replay
Penser la performance dans la crise
Aborder la question de la performance au temps du confinement
La performance au travail a fait l’objet de beaucoup de travaux de recherches dans les domaines de la gestion, de la santé au travail et de la psychologie de l'organisation. L’intérêt pour le sujet perdure au regard des mutations des organisations, de l’évolution de la notion même de travail et des révisions des outils d’évaluation. La crise que nous traversons vient ici aussi bouleverser quelques certitudes. Les différentes dimensions de la performance au travail reprise par Linda Koopmans et ses coauteurs[1] leur a permis d’identifier des indicateurs de performance au travail qui offrent la possibilité de penser une vision élargie de la performance. Ils distinguent en effet trois grandes dimensions : la performance dans la tâche, la performance adaptative et la performance contextuelle. Nous vous proposons de découvrir comment ces dimensions se sont manifestées en période de confinement à travers les témoignages de dirigeants, managers et directions des ressources humaines.La réponse à la crise et la réorganisation de l’activité, premières manifestations de la performance dans la tâche
La performance dans la tâche en tant qu’accomplissement des devoirs et des responsabilités associés à un travail donné contribue au fonctionnement efficace de l’organisation. Elle relève du travail prescrit et de la capacité de l’individu à réaliser les tâches qui lui sont assignées. Chez certains de nos témoins, la crise a permis de révéler la capacité de l’organisation et des collaborateurs à « faire face » et à assurer les fonctionnements en vigueur : « Il a fallu une bonne semaine pour que chacun trouve ses marques, que les équipes S.I. puissent faire le nécessaire en termes d’outils, pour que tous ceux qui le pouvaient puissent télétravailler… surtout pour que les activités ne s’arrêtent pas » reconnaît cette RRH d’un grand groupe de service dont la majorité des effectifs a été mise au télétravail. « Beaucoup de temps a été consacré à la gestion de l’arrêt, à la gestion du chômage partiel, de la trésorerie et des bénévoles (âgés, stressés…) qu’il a fallu rassurer. Cette dimension a été assez chronophage. A partir du 10 avril, on s’est lancé dans la préparation de la réouverture le 11 mai. Encore plein de questions en suspens. Donc pas de routine » explique ce secrétaire général d’une grosse fédération sportive.Les contraintes externes, sources de performance adaptative
La performance adaptative se définit comme l’aptitude individuelle qui permet de modifier ses comportements pour s’adapter à une situation ou à un environnement nouveau. Elle se traduit notamment par la capacité à adapter les objectifs et à trouver des solutions innovantes. Le recentrage des activités, vecteur de performance Pour le responsable de cette unité de maintenance d’une entreprise de transport, la crise a permis d’améliorer la performance. « La performance a sans doute été améliorée par des éléments de contexte : adaptation des horaires de travail mais aussi une activité réduite qui a permis aux salariés de concentrer leur travail avec une charge moins importante. » Le témoignage d’une responsable des opérations d’un site de production de biens de consommation va également dans ce sens : « au global, la performance est restée à un très bon niveau. Cela s’explique d’abord au niveau national par une rationalisation du portefeuille d’activités, plus concentré, avec une gamme réduite et un travail sur beaucoup moins de produits. (…) Tous les projets d’amélioration continue ont été interrompus pour se concentrer sur ce qui était strictement nécessaire. » Des collaborateurs plus engagés « Dans un contexte contraint, les salariés ont été plus imaginatifs et performants, ce qui a conduit à moins de rupture de pièces que dans un contexte normal. La situation de crise a finalement été un vecteur de performance pour l’unité » poursuit ce responsable d’unité de maintenance. Cette RRH d’une grande entreprise de traitement des eaux salue l’adaptabilité de salariés empêchés : « Par exemple, certains salariés ont élargi leurs plages horaires à la maison sur des temps longs pour gérer la famille en même temps ; d’autres ont recouru au système D avec du matériel déficient et des problèmes de connexion. » « Nous avons été contraints de faire plein de choses nouvelles en un temps record ! Quand c’est vital tout le monde se met en place rapidement et les solutions sont trouvées. » reconnaît cette DRH du secteur bancaire. Ce responsable RH au sein d’une entreprise publique va dans le même sens : « Il s’agira de capitaliser sur ce qui a été fait pour mettre en place en un temps record une nouvelle organisation du travail. »La remise en cause de ses pratiques, manifestation de la performance contextuelle
La performance contextuelle représente l’ensemble des comportements, non nécessairement liés à la tâche et non indiqués à l’avance, visant à favoriser l’exécution du travail tels que l’esprit d’initiative, la proactivité ou la coopération. L’autonomie éprouvée « Il y a plus de bilatérales et de réunions d’équipe qu’avant pour parler des livrables. Des managers très dans le contrôle ont dû relâcher. Et cette plus grande autonomie a été appréciée par les collaborateurs, une des raisons des feedbacks positifs de la période. », selon cette RRH en charge du développement de dirigeants. Une occasion de réinventer la performance des managers « Pour les télétravailleurs, cela a permis de faire tomber les a priori des managers : les personnes ont aussi bien travaillé en télétravail que sur site. Même chose, les gens qui étaient motivés le sont restés. Le management a mis en place des rituels de points hebdomadaires en visio-conférence pour faire un état des lieux de la situation et des activités de chacun. » « Pour éviter que des personnes se retrouvent isolées, on a également conseillé aux managers d’approcher leurs collaborateurs avec "On va travailler ton PDI˝ (Plan D’accompagnement Individuel) en les assurant qu’on était en soutien pour répondre à leurs questions sur l’accompagnement personnel. En définitive, pour certains, la période aura permis d’améliorer leur performance de managers » explique cette RRH en charge du développement des cadres stratégiques et dirigeants qui poursuit : « Le télétravail incite à moins de contrôle et plus de bienveillance chez les managers. Quand les gens posent la question ˝Comment tu vas ?˝ C’est plus authentique qu’avant : ils s’enquièrent vraiment du bien-être, de la santé, du confort de leurs collaborateurs. » La typologie que nous venons d’utiliser permet de distinguer différentes dimensions de la performance. Le modèle, bien que conçu en dehors du contexte que nous vivons, est encore robuste comme on vient de le voir. Cependant les témoignages que nous avons recueillis font apparaître une dimension qui semble lui échapper.La solidarité, ou la performance de crise
Les situations exceptionnelles de crise ou de désastre naturel sont connues pour favoriser des comportements inédits de solidarité, explorés notamment par les anthropologues[2]. C’est dans ces termes que les témoins interrogés ont parlé pour désigner une quatrième dimension de la performance engendrée par la crise. Le soutien des managers sur le terrain a permis de renforcer la dimension collective de l’activité « La valorisation du travail est d’abord passée par une présence des cadres sur le terrain, pour donner un coup de main et participer activement à la production. Cela a permis des échanges qui ont été très appréciés par les salariés » témoigne ce responsable de maintenance. Le soutien sur le terrain a conduit à renforcer la performance globale de l’organisation « Au niveau global, il s’est produit un vrai élan de solidarité dans le personnel. Par exemple, les travailleurs sociaux de l’entreprise ont été épaulés par des collègues. Ce fut un élan de solidarité beau à voir. Notre ADN de base est bien imprégné chez les collaborateurs. C’est bien aussi de voir les choses positives » reconnaît la DRH d’une entreprise de logement social. « La solidarité a été notable au sein du Groupe. Une plateforme dédiée au mécénat de compétences a été mise en place par le S.I. Par exemple énorme élan de solidarité en réponse aux appels lancés pour aider à gérer les flux aux moments des versements des prestations sociales », salue ce RRH. « La solidarité entre collaborateurs a existé. Des personnes qui se sont retrouvées sans activité du jour au lendemain (ex. dans la communication événementielle) ont fait partie de task forces pour mettre en place les PGE (prêts garantis par l’Etat) pour les entreprises, accompagner le nomadisme (téléphonie, équipement ordinateurs, transfert de compétences), créer une plateforme téléphonique pour accompagner les clients… Beaucoup se sont portés volontaires pour remplir ces missions. » explique la DRH d’une caisse régionale d’un groupe bancaire.Comment alors reconnaître la performance sur la période en cours?
Entre des salariés sur-sollicités et sur-engagés, d’autres se trouvant involontairement en sous-activité, voire arrêtés, entre des salariés poursuivant leur activité dans des conditions presque normales et ceux travaillant dans des conditions nouvelles voire dégradées, comment valoriser et reconnaître la performance individuelle sur la période, de manière équitable ? Les témoins rencontrés précisent que, si l’actualité est encore dans la gestion de la reprise progressive de l’activité, la question de la reconnaissance de la performance se posera rapidement et ce, afin d’identifier de manière formelle ou informelle la contribution individuelle et collective des salariés. L’enjeu est important, car l’engagement des collaborateurs sera un levier incontournable, dans bien des cas, pour remettre la machine en marche. Selon nous, répondre à cette question nécessitera d’abord de prendre en compte les différentes situations vécues par les collaborateurs :- pour les collaborateurs en arrêt, en sous-activité ou travaillant à distance en mode dégradé (pour des raisons techniques, de proximité familiale…), les attentes devront sans doute être revues à la baisse en fonction des contraintes pesant sur la réalisation de l’activité. Il conviendra peut-être de neutraliser l’évaluation pour la période du confinement afin de ne pas les dévaloriser parce qu’ils n’auront pu atteindre des objectifs inatteignables en raison du contexte. Ainsi ils ne seront évalués que sur les semaines travaillées en conditions normales au cours de l’année ;
- pour les collaborateurs ayant été particulièrement sollicités et/ou ayant assuré la continuité de l’activité en travaillant malgré le risque sanitaire (transports publics, proximité avec les clients, etc.), il s’agira de reconnaître la contribution de manière homogène. La reconnaissance peut être monétaire (une prime exceptionnelle) ou prendre d’autres formes (des jours de RTT, des congés, etc.). D’ailleurs, on peut faire l’hypothèse que les décisions de l’entreprise concernant les congés de cet été seront particulièrement sensibles pour les salariés sur-sollicités en permanence depuis le début de la crise. Ce qui n’empêche pas une évaluation individuelle pour le reste de l’année sur les bases habituelles ;
- enfin, pour des salariés ayant pu poursuivre leur activité dans des conditions quasi-normales (exemple des équipes qui fonctionnaient déjà à distance pour l’essentiel et dont le contexte familial n’a pas altéré les conditions de travail habituelles), le rôle d’accompagnement et de soutien des managers conservera tout son sens. A eux de faire en sorte que chacun des salariés atteigne le niveau de performance attendu pour cette période de crise sachant qu’il pourra être évalué sur l’intégralité de l’année en prenant en compte l’éventuelle adaptation des objectifs.
Dessiner une nouvelle scène du travail
Pour aller plus loin
- Faste, R., Roth, B. et Wilde, D.-J. (1993), « Integrating Creativity into the Mechanical Engineering Curriculum », in Cary A. Fisher Ed., ASME Resource Guide to Innovation in Engineering Design, American Society of Mechanical Engineers, New York.
- McKim, R.-H. (1972), « Experiences in Visual Thinking », Monterey, Cole.
- Brown, T. (2009), « Tim Brown Urges Designers to Think Big », TED Conference.
Veille internationale : Deux aspects inattendus de la mutation digitale
Aux USA, les ingénieurs remplacent les ouvriers en usine
40 % des salariés des usines américaines ont un diplôme universitaire, contre seulement 22 % en 1991. Et si cette tendance se poursuit, d'ici 3 ans, il y aura plus de diplômés que d'ouvriers ayant simplement fini leurs études secondaires. Cette analyse réalisée par le Wall Street Journal montre que les emplois d'ingénieurs ont augmenté de 10 % de 2012 à 2018. Durant la même période, les emplois non qualifiés régressaient de 3 %. Cette occupation des usines par les cols blancs est due aux profondes transformations du secteur industriel. Les usines américaines ne pouvant concurrencer les sites à bas coûts salariaux des pays en voie de développement se sont automatisées. Elles ont, par conséquent, beaucoup plus besoin d'experts pour faire marcher et réparer leurs robots que d'OS sur les chaînes de montage. Ainsi chez Honeywell International, 70 % des nouvelles recrues cette année ont au moins 2 ans d'études supérieures derrière elles. Les personnels sur les sites de production sont plus qualifiés et moins nombreux. En 1979, lorsque l’emploi dans le secteur industriel était à son maximum, 20 millions de personnes travaillaient en usine, aujourd'hui on en compte un tiers de moins. Mais leur travail est plus sûr et les conditions de travail meilleures. Le taux d'accidents s'est réduit de moitié par rapport au début des années 2000.Pour aller plus loin :
- Gazier, B., Petit, H., (2019), Économie du travail et de l’emploi, Editions La Découverte.
- Insee Références, édition 2017 - Dossier – "Y a-t-il eu polarisation de l’emploi salarié en France entre 1988 et 2014 ?" Une analyse selon les catégories socioprofessionnelles et le contenu de l’emploi en tâches
Au Japon, les robots sont utilisés pour pallier la pénurie de main-d’œuvre
38,4 : il s’agit du pourcentage prévisionnel de personnes âgées de 65 ans et plus en 2065, ce qui représenterait une proportion de 1 personne sur 2,6, comme l’indique le livre blanc du Cabinet du Premier ministre. Il y est aussi mentionné qu’il faut 1,3 personne active pour soutenir chaque personne âgée. "Comme solution au vieillissement de la population et à la pénurie de main-d’œuvre, les robots de service[1] attirent de plus en plus l’attention pour l’amélioration de la qualité de vie", explique Naoto Kita, directeur général du siège de la technologie et de l’innovation du prestataire de service informatique TIS INTEC GROUP. Les robots de service sont utilisés au travail et à la maison. « Nous considérons que dans notre société très vieillissante, nous courons vers de grosses difficultés sans ces automates aidants », constate Kita. TIS a commencé des expérimentations avec les robots de surveillance en boutique et dans les aéroports. La firme compte publier les résultats avant mars prochain. "Il est légalement difficile de faire rouler des robots de service sur la voie publique. TIS envisage donc de collaborer avec d’autres entreprises, le Ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie, pour lever les restrictions", affirme Kita. Source : Toyo Keizai (30/12) [1] À la différence d’un robot industriel qui évolue dans un milieu conçu et organisé pour l’efficacité, le robot de service intervient dans un environnement humain beaucoup plus complexe.De la réalité virtuelle et de la formation
- A pour Attention à capter, en formation immersive, l’attention de l’apprenant est captée à 100% ;
- G pour Generation, relie ce que nous apprenons avec ce que nous connaissons déjà (la formation en immersion permet de partir de situations réelles souvent vécues) ;
- E pour Emotion, axe clé de la formation immersive qui peut produire par exemple du stress lié à un délai pour réaliser une tâche, du plaisir quand on réussit. Les émotions jouent un rôle important en formation, elles augmentent la mémorisation de l’apprenant ;
- S pour Spacing, ou échelonnement dans le temps, qui incite à traiter un sujet à travers plusieurs modules sur lesquels il est possible de revenir à plusieurs moments.
Favoriser l’employabilité et les évolutions de carrière. Le cas du Groupe SMA
Première étape : l’approche compétence
« Notre premier enjeu a été de faire évoluer notre approche actuelle vers une approche compétence. Nous avons décidé d’élaborer un outil permettant de créer des passerelles entre les métiers, explique Aurélia Tiercelin-Tosetti. La question qui nous était posée était de rendre possible les évolutions d’une famille à une autre. Nous avons convenu de faire des compétences l’unité de comparaison. Concrètement, nous avons listé les métiers et identifié les compétences associées. Identifier un socle de compétences attendues dans le cadre d’une fonction renforce l’objectivation des évaluations, notre second enjeu, lié à notre dernier Accord Egalité Professionnelle. » Trois types de compétences ont été identifiés :- les compétences transférables (orientation client, innovation, gestion de projets, communication orale et écrite, conviction, analyse et synthèse…) ;
- les compétences d’expertise ou hard skills, une ou deux par métier. En charge du projet, Aurélia Tiercelin-Tosetti a sollicité des managers de différentes directions du Groupe afin qu’ils décrivent les activités d’expertise.
- les compétences comportementales ou soft skills.
Deuxième étape : la cartographie
« Nous avons actuellement 200 fonctions à cartographier. Nous le ferons en ateliers avec la contribution de nombreux experts métier. La cartographie, basée sur les compétences, rendra possible un comparatif entre les fonctions. La cartographie sera utile aux RH Métiers, aux collaborateurs, aux managers, ainsi qu’à moi-même dans mes fonctions de conseil en évolution professionnelle, poursuit Aurélia Tiercelin-Tosetti. Elle sera un outil au service de l’employabilité et de la mobilité interne des collaborateurs en apportant conseil et visibilité. »Troisième étape : les passerelles et les parcours
« Avec la cartographie, nous allons rendre possible des parcours plus personnalisés, créer des passerelles et compléter nos parcours de formation. De tout temps, la mobilité interne a été favorisée au sein du Groupe, elle a été renforcée avec l’accord GPEC de 2018. Dans le contexte de concurrence accrue entre employeurs du secteur, le développement de l’employabilité et de la fidélisation de nos collaborateurs est essentiel. »Points de vigilance…
« Nous voulons créer un outil qui soit au service de tous les acteurs, du Groupe, conclut Aurélia Tiercelin-Tosetti. Je reste vigilante à deux choses : trouver le bon niveau de granularité auquel décrire les compétences attendues et faire en sorte que l’outil soit pertinent aux yeux de tous afin qu’il perdure dans le temps. Nous veillons à travailler avec l’ensemble des acteurs concernés et notamment les partenaires sociaux dans le cadre de l'accord égalité professionnelle. »Opportunité / Faisabilité de la négociation d’un accord d’entreprise sur la formation professionnelle
- Jacques Bouvier, Responsable Développement RH, Emploi et Formation chez Orano,
- Claire Bussac, Directrice des Ressources Humaines et de la Communication de la Caisse Régionale du Crédit Agricole de Lorraine,
- Régis Baccarrère, Représentant de la FNCA,
- Philippe Debruyne, Secrétaire confédéral CFDT en charge de la sécurisation des parcours professionnels et administrateur de France Compétences.
Pour en savoir plus :
- Jean-Marie Luttringer, Opportunité et faisabilité de la négociation d'entreprise sur la formation professionnelle
- Jean-Marie Luttringer, Le référentiel juridique de la négociation collective d’entreprise sur la formation professionnelle et l’apprentissage
Premier Petit-déjeuner thématique d’E&P
Les professionnels indépendants : nouveau défi pour les RH ?
François Pichault, Directeur scientifique d’E&P, professeur à l’Université de Liège, et Bernard Gazier, économiste, membre de l'Institut universitaire de France et professeur à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne présentent leur contribution à l’ouvrage, paru en septembre 2019, The Challenges of Self-Employment in Europe. Status, Social Protection and Collective Representation (Elgar Publishing).Comment caractériser la réalité des indépendants professionnels ?
Une zone grise se développe entre l’emploi indépendant et l’emploi salarié, avec des modalités et des préoccupations multiples concernant notamment la dimension statutaire, le contenu du travail ou encore les conditions de son exercice. Face à la multiplication des risques susceptibles d’être encourus par les deux parties, la gestion de ces travailleurs indépendants ne relève plus systématiquement de la seule direction des Achats mais pourrait bien évoluer vers les RH.Quelles conséquences pour le modèle social français et européen ?
Certains pays optent pour un troisième statut, ni salarié, ni entrepreneur (Angleterre, Italie, Espagne), avec cependant un risque de dérive vers un moins-disant social quand d’autres considèrent ces travailleurs comme des entrepreneurs (la France par exemple). Le système suédois qui propose un accès inconditionnel à la protection sociale, non lié à un type de statut particulier, offre une voie explorée aujourd’hui en France. Cette évolution se traduit également par l’apparition de nouveaux intermédiaires (coopératives d’activité et d’emploi par exemple) et représente autant d’opportunités de renouvellement des modalités du dialogue social dont les entreprises vont devoir s’emparer. Télécharger le compte-renduLa retraite par capitalisation inquiète les Américains
Une inquiétude partagée par 80 % des actifs interviewés
- 44 % d’entre eux sont extrêmement ou modérément inquiets. Ils pensent que les économies qu’ils auront pu mettre de côté ne leur suffiront pas pour vivre ;
- 36 % sont légèrement inquiets ;
- Seulement 20 % ne sont pas inquiets, certains que leur retraite leur apportera de quoi vivre.
Des raisons profondes expliquent cette inquiétude
Le changement de statut
- En 1975, 75 % des salariés, travaillant dans de grandes entreprises, cotisaient à un fond de pension et étaient assurés de recevoir des mensualités fixes au moment de leur départ.
- En 2016, seulement 26 % des salariés bénéficiaient encore de ce statut.
Des parcours de plus en plus chaotiques
L'employeur unique tout au long de la carrière n'existe quasiment plus. L’actif américain moyen a 12,3 emplois durant sa carrière. Il peut pendant un certain temps travailler pour un gros employeur, puis être à temps partiel, devenir contractuel, s'installer en indépendant... Son parcours est chaotique et seuls les plus sages et ceux qui en ont les moyens mettent régulièrement de l'argent de côté pour leur retraite.La transformation du système vers une retraite par capitalisation
Contrairement aux Français, les Américains disposent de plus en plus d'une retraite par capitalisation. Dans ce cadre, le salarié sait combien il met de côté chaque mois, mais ne sait pas quel sera le montant de sa retraite.Consulter l’étude
https://assets.ctfassets.net/qd21fa23g7v7/6OpYwj7MN8jYPbK5EuHixO/ff722efd899af00d74b4c135854753cf/Alliance-Protected-Lifetime-Income-Fact-Sheet.pdfFaire face à la pénurie de techniciens
Faire face à la pénurie de techniciens from Entreprise&Personnel on Vimeo.
Les enjeux de l’intelligence artificielle pour la Fonction RH : découvrez les deux études d’E&P !
Cliquez sur les couvertures pour télécharger les études
Diversité en 2030 : Quel futur voulez-vous construire ?
Résumé de l'étude à paraître
Sur le plan étymologique, la diversité est l’état de ce qui est divers, varié. En entreprise, le thème de la diversité et la façon de le travailler évoluent, les enjeux se déplacent. Le fond comme les modes d’action des politiques de diversité et d’égalité professionnelle sont et seront challengés en France et à l’international. Quelles sont les tendances à prendre en compte dans dix ans ? Quelles sont les questions et situations qui se poseront en entreprise ? Certaines orientations seront-elles incontournables pour une politique diversité pertinente en 2030 ? Nous partageons aujourd’hui l’essentiel des résultats des travaux prospectifs menés pendant plus d’un an, en mode coopératif et dans la pluridisciplinarité. Ils sont le fruit d’une collaboration entre cinq grandes entreprises adhérentes d’E&P (Air France, AXA, EDF, Orange et Safran), plus d’une dizaine de chercheurs issus de différentes disciplines, une recherche dans le web profond, des experts d’E&P, et cinq guetteurs de notre réseau à l’international.***
Quatre scénarios pour le futur
Notre analyse a permis d’identifier cinq méta-variables déterminantes des politiques de diversité : sociétal, macro-économique, politique et réglementaire, marché du travail et rapport au travail, technologie. Nous avons ensuite élaboré quatre scénarios prospectifs, sur la base de ces variables et de leurs évolutions. Si ces scénarios ont déjà pour partie des racines dans le présent, pour les concevoir nous avons parfois poussé loin les curseurs, forcé les traits, comme l’exige l’exercice de prospective, l’enjeu étant de mettre en relief les possibles et les tendances à anticiper. - Scénario Hybridation généralisée En 2030, l’hybridation généralisée sera la nouvelle norme. Tout individu ou groupe d’individus devra contenir en lui un ou plusieurs éléments d’hybridation, quels qu’ils soient. La conjonction de plusieurs facteurs favorisera en effet un fort brassage : intensification des flux migratoires de natures diverses, l’accentuation de la mondialisation et le contexte culturel globalisé y afférent, le renforcement d’un appareil législatif et normatif dépassant les frontières nationales, l’émergence de nouvelles formes d’hybridation en lien avec les évolutions technologiques et celles de la recherche… Dans cette ère où la non-hybridation sera perçue comme anormale, deux grandes orientations politiques seront possibles pour les entreprises : se comporter en fer de lance de l’hybridation généralisée ou cultiver l’ouverture en encourageant l’acceptation de tous, hybridés ou pas. - Scénario Règne des individualités En 2030, l’individu primera sur toutes les formes de collectif. Il revendiquera sa singularité et entendra être considéré, par l’entreprise, dans son entièreté. Dans le même temps, il s’intègrera à des communautés de personnes qui lui ressemblent, communautés qui se font et se défont au gré des envies et des intérêts individuels. Plusieurs tendances nourrissent ce scénario telles que le renforcement de l’individualisme, le développement de singularités de plus en plus complexes, l’importance de la mise en avant de soi et de ses réussites, l’accentuation ou l’émergence de certaines revendications identitaires, la relation à l’entreprise plus épisodique et plus court-termiste. Dans ce scénario, les entreprises seront confrontées à deux principales options : promouvoir des singularités choisies en fonction de leur stratégie, de leur positionnement et de leurs valeurs et en faire un élément de différenciation de leur politique globale ou bien, recruter, satisfaire des individus et, dans le même temps, promouvoir les complémentarités et le talent collectif. - Scénario Backlash En 2030, les tensions entre groupes sociaux voulant faire main basse sur l’entreprise auront atteint leur comble. Être dominant ou être dominé : tel sera le dilemme qui se posera à chacun. Dans ce contexte de guerre de tou.te.s contre tou.te.s, la stratégie de la DRH sera déterminante pour l’avenir de l’entreprise. Comment pourrait-on en arriver là ? Les inégalités se reconfigureront et s’accentueront globalement, avec un impact entre autres du changement climatique ; de nouvelles sources de différence de traitement apparaîtront. Des rapports de force se radicaliseront jusqu’aux violences et gagneront le monde de l’entreprise ; les politiques de diversité actuelles pourront y avoir contribué. Des phénomènes de Backlash se développeront. Dans un contexte de tensions exacerbées entre les communautés, la DRH pourra opter pour l’une de ces trois stratégies : soit prendre parti pour l’un des groupes, voire pour le groupe dominant ; soit alimenter la logique d’affrontement entre les groupes ; soit réguler en encourageant le travailler ensemble et la poursuite du but commun. - Scénario TechFrac En 2030, les progrès technologiques auront été si fulgurants que plusieurs sujets des politiques de diversité seront résolus. La technologie aura permis d’apporter des solutions à des pans entiers du handicap, de faire tomber les barrières de la langue, d’améliorer les capacités cognitives des collaborateurs… Mais, sur fond de tensions politico-socio-économiques, d’autres thèmes auront pris de l’acuité et de nouvelles questions se poseront. Six principales fractures et risques d’exclusion y afférents s’accentueront : la reproduction des discriminations par les algorithmes ; l’accroissement des risques pour la santé mentale ; le fossé entre ceux capables d’avoir une valeur ajoutée aux machines et les autres ; les oppositions entre les sur-connectés et sur-présents et les autres ; la fracture entre les actifs en bonne santé et augmentés et ceux ne pouvant pas accéder aux améliorations ; les tendances techno-communautaristes. Schématiquement, deux stratégies se dessinent alors pour les organisations et leur politique de diversité : promouvoir un modèle où la techno gouverne ou un mix humains & machines.Nos recommandations pour anticiper ce champ des possibles ?
- Anticiper une définition de la diversité en bouleversement Même si les sources de diversité sont infinies, dans les esprits et pour les politiques d’entreprise, la diversité est le plus souvent définie en miroir de critères de discrimination légaux et de thèmes de travail communs aux entreprises. Demain, la prévention des discriminations sera toujours un enjeu, et les entreprises auront tout intérêt à ne plus faire de tri, à prendre en compte chaque critère tout en privilégiant une approche multifactorielle. De plus, elles auront besoin de travailler à une définition renouvelée allant au-delà des critères légaux, ciblée en fonction de leurs enjeux stratégiques. Nous entrerons donc dans l’ère de la diversité des politiques de diversité, contextualisées et ciblées, en lien avec la stratégie de l’entreprise. - Des thèmes dont les entreprises auraient intérêt à se (re-)saisir Nos travaux amènent à souligner l’importance pour les entreprises d’investir davantage de sujets, pas fondamentalement nouveaux, mais qui prennent de l’acuité en termes d’enjeux de prévention des discriminations et des exclusions, et de facilitation du vivre ensemble dans la diversité, d’instauration d’un climat propice aux coopérations et au renforcement de la cohésion sociale. Nous visons ici les questions de toutes les croyances et convictions (religieuses mais pas seulement), de l’apparence physique, de la santé, de la diversification des contrats… Ils mettent également en évidence des thèmes, grands oubliés des politiques de diversité actuelles. Les entreprises ont à s’en saisir d’urgence car ils sont structurants pour les années à venir. Nous citerons ici la question de la précarité, des travailleurs pauvres, de l’attention portée à toutes les catégories socio-professionnelles ; celle des nouvelles façons de travailler et de leurs effets, la prévention des inégalités socio- économiques et plus globalement les risques autour de la dimension technologique, et des questions qui émergent avec l’internationalisation de l’entreprise… - Anticiper les évolutions des façons de faire Quel que soit le scénario, les entreprises ont besoin de se préparer sur quatre registres : Prescriptif. Deux tendances contradictoires pourraient faire du prescriptif le « champ de bataille » futur des politiques de diversité : la densification des règles relatives à la diversité vs. le détricotage de cette normativité – et du droit du travail plus généralement. Transparent. Le tout transparent pourrait être la nouvelle injonction avec une double exigence pour les entreprises : publier autant sur leurs réussites que sur leurs erreurs, avec pédagogie pour que les informations soient comprises par tous. C’est une vraie disruption ! Coopératif. Si elles souhaitent éviter le risque de politiques de diversité hors-sol et/ou fabriquant l’entre-soi et le communautarisme, les entreprises auront besoin de développer les coopérations pour les concevoir et les mettre en œuvre, avec les salariés et le management en particulier. Des synergies entre les Directions Diversité, Santé et QVT et Ethique seraient aussi à rechercher compte-tenu des problématiques en jeu. Incitatif. Les tendances développées rendent nécessaire de questionner les comportements, d’encourager la connaissance de soi et des autres. Certains voudront orienter les comportements vers ce qui leur apparaît souhaitable. Le Nudge pourrait prendre de l’essor avec de sérieux écueils à prévenir, de surcroît s’il est couplé à l’I.A.***
En conclusion, les quatre scénarios prospectifs nous ont permis de caractériser les transformations en cours et leurs impacts sur les problématiques d’exclusion et du travailler ensemble dans la diversité. Ils constituent un outil pour appréhender le mieux possible ce que pourrait être ce thème de la diversité à l’avenir, et guider ainsi les politiques et plans d’action moyen terme. Plus globalement, un ensemble de problématiques structurantes et de choix possibles se détachent, sur fond de tendances contradictoires. Alors qu’aujourd’hui le mimétisme peut être de mise, les politiques de diversité de demain pourraient représenter un levier fort de différenciation stratégique en matière de stratégie RH et RSE. Face à ce champ des possibles, il revient aux DRH et aux responsables diversité d’engager la réflexion sur le futur souhaitable et d’en poser les premières pierres…La délocalisation dans l’Etat d’à côté
- L’étude d’Adam Ozymek : Overboard on Offshore Fears : https://www.upwork.com/press/economics/report-overboard-on-offshore-fears/
- Mencl, J., & May, D. R. (2016). An Exploratory Study Among HRM Professionals of Moral Recognition in Off-Shoring Decisions: The Roles of Perceived Magnitude of Consequences, Time Pressure, Cognitive and Affective Empathy, and Prior Knowledge. Business & Society, 55(2), 246–270.
- Pisani, N. & Ricart, J.E. (2016). Offshoring of Services: A Review of the Literature and Organizing Framework, Management International Review. June, 56(3), 385-424.
- Concernant l’Europe, le lien vers le European Reshoring Monitor, qui répertorie cas et méthodologie de relocalisation : https://reshoring.eurofound.europa.eu/
Les travailleurs des plateformes, un sujet RH ?
- Un phénomène en développement
- Une diversité de situations
- Les plateformes « déjà employeurs potentiels » comme Uber ou Deliveroo qui représentent 30 % des plateformes et 30 % des travailleurs des plateformes en 2017 au sein de l’UE. Des arrêts récents requalifient ces « riders » en salariés, en Europe, mais aussi en Californie.
- Les plateformes intermédiaires, qui mettent en relation travailleurs et donneurs d’ordre. Sur ces plateformes on peut trouver de multiples situations : un artisan qui vend un service à un particulier comme à des entreprises, mais aussi des travailleurs très qualifiés qui vendent des expertises pointues de quelques jours jusqu’à des missions de conseil de plusieurs mois.
- Un sujet propice à l’innovation des pratiques RH
Recherche profils marketing pour la fonction RH
Professionnaliser les formateurs internes : un retour d’expérience
Emplois non pourvus… ou à pourvoir ?
- Former les jeunes aux compétences dont elles ont besoin ainsi que leur écosystème (fournisseurs, sous-traitants, etc.);
- Permettre aux salariés de transmettre leurs compétences et tours de main à des apprentis ;
- À l’issue de la formation, recruter des jeunes qui connaissent l’entreprise. Citons, parmi les précurseurs, les entreprises Accor, Adecco, Korian et Sodexo qui se sont rassemblées pour créer un CFA spécialisé sur les métiers – en tension – de la restauration et de la cuisine. Citons également Safran, Schneider Electric, Arc international... : au total, selon le Ministère du travail, une trentaine d’entreprises sont intéressées par le dispositif lancé début mars dernier.
Controverse : les emplois non pourvus : mythe ou réalité ?
La réforme de la formation professionnelle en un coup d’œil
Vulnérabilités
Événements
WEBINAR Café thématique : articuler curatif et préventif dans la prise en charge des risques psychos
Événement Smart Factory animé par Fanny BARBIER
Une rencontre avec Jean-Claude SARDAS, MINES ParisTech – Centre de Gestion scientifique Professeur en sciences des Organisations, Directeur du master recherche Gestion et Dynamique des Organisations.
WEBINAR Café thématique : L’usage des outils collaboratifs revivifié par la crise
Événement Smart Factory animé par Fanny BARBIER
Une rencontre avec Marie BENEDETTO-MEYER, Maître de conférence en Sociologie à l’Université de Technologie de Troyes
Le confinement et le télétravail ont engendré une utilisation massive des outils dits collaboratifs : Zoom, Teams ou Slack se sont invités dans notre quotidien pour nos visioconférences, le partage des documents, le suivi de nos tâches.
Ces outils ne sont pas récents, mais leurs usages étaient jusqu’ici souvent limités : qualifiés de « gadgets », mal articulés à d’autres outils plus ancrés dans les process, les outils collaboratifs souffraient d’un décalage entre leur proposition de partage, d’horizontalité, et le maintien d’organisations hiérarchisées, cloisonnées, procéduralisées.
Avec le confinement et le travail à distance, les usages ont-ils évolué ? Sont-ils simplement un moyen de pallier la distance, de reproduire ou transférer des pratiques traditionnelles (informations descendante, reporting…) ou bien amènent-ils des pratiques nouvelles de co-construction ? Comment les relations hiérarchiques s’y manifestent-elles ? Quelles places y trouvent les collectifs informels (communautés de métier, collègues d’un même site, etc.) ? Le webinar fera le point sur les usages émergents et la manière dont ils s’accompagnent – ou pas – d’opportunités nouvelles pour collaborer différemment, et les dynamiques collectives que cela révèle.
WEBINAR – Penser la performance des collaborateurs dans la crise
Événement Smart Factory animé par Fanny BARBIER, Leslie BONNIN
Avec des salariés sur-sollicités et sur-engagés, d’autres, involontairement en sous-activité, ou en arrêt total ; entre des équipes poursuivant leur activité dans des conditions presque normales et celles travaillant dans des conditions nouvelles voire dégradées, la crise que nous venons de vivre a perturbé les objectifs et feuilles de route de toutes les entreprises.
Ce contexte invite à repenser la performance des collaborateurs au-delà des grilles d’analyse habituelles tant les situations exceptionnelles sont connues pour favoriser des comportements inédits.
A ce titre, nous vous invitons à participer à notre webinar pour aborder les questions suivantes :
- De quelle(s) performance(s) la crise a-t-elle été à l’origine ?
- Quel nouveau cadre pour penser cette performance ?
- Comment alors reconnaître la contribution des salariés ?
Sur la base de témoignages recueillis auprès de DRH et dirigeants d’entreprise, nous vous proposons de partager autour de ces questions pour réinventer le management de la performance après la crise.